Selon les données du Service de police de la ville de Montréal (SPVM), le travail du projet ARRET, supposé être « entièrement dédié » à la lutte contre la violence armée, mène principalement à des arrestations qui n’ont aucun lien avec celle-ci.
Le travail des policier·ères associé·es au programme ARRET (Action, Répression, Résolution, Engagement, Terrain) du SPVM a mené à 466 arrestations entre son instauration en septembre 2022 et mai 2023, selon les données internes du service de police, obtenues grâce à une demande d’accès à l’information dont Pivot a obtenu copie.
De celles-ci, seulement 25 arrestations (5,3 %) concernaient des armes à feu et 22 arrestations (4,7 %), des agressions armées.
Pourtant, selon le SPVM, ce programme devait être « une force corporative d’envergure entièrement dédiée à la lutte contre la violence armée ».
Les personnes arrêtées dans le cadre du programme l’ont en fait été pour une foule de motifs qui ont peu avoir avec la violence armée, comme le recel (43 arrestations), la contravention à des règlements municipaux (six arrestations), les capacités affaiblies (cinq arrestations), la fraude (deux arrestations) ou les graffitis (une arrestation).
La grande majorité des personnes arrêtées par l’escouade spéciale l’ont été parce qu’elles faisaient déjà l’objet d’un mandat (170 arrestations, 36 % des cas). Les sujets de ces mandats sont inconnus.
Les agent·es membres d’ARRET participent aussi à environ autant d’interventions reliées aux stupéfiants (37 pour la possession et 17 pour le trafic, soit 12 % des détentions) qu’à la violence armée.
Une porte ouverte au profilage racial
Ted Rutland, professeur à l’Université Concordia et spécialiste des questions policières qui est à l’origine de la demande d’accès à l’information, déplore que les ressources supplémentaires spécialement accordées au SPVM pour contrer la violence armée soient en fin de compte utilisées pour financer les activités régulières du service. « On donne plein de ressources au SPVM pour attaquer un problème fortement médiatisé, mais c’est difficile de vraiment cibler un problème comme les armes à feu avec des escouades du genre », constate-t-il.
« Bien souvent, ça ne fait que donner libre cours au profilage », ajoute-t-il. Celui qui travaille aussi de près avec les groupes communautaires de la métropole rapporte en effet que les interventions de l’escouade seraient finalement principalement dirigées vers de jeunes hommes racisés.
Ce lien entre profilage racial et escouades spéciales dédiées aux armes à feu ne serait d’ailleurs pas unique à ARRET, selon Ted Rutland, qui a mené une étude concernant l’escouade Quiétude ayant opéré entre 2019 et 2021 et qui avait des visées similaires. Selon cette analyse, 74 % des arrestations réalisées dans le cadre de Quiétude avaient visé des personnes noires.
Le SPVM n’avait pas répondu à nos demandes d’entrevue au moment d’écrire ces lignes.