Les programmes d’aide financière d’urgence déployés dans le cadre de la COVID-19 ont permis à plusieurs Canadien·nes d’améliorer leur sort et même de sortir de la pauvreté. Cette avancée n’aura toutefois été que de courte durée, confirment les dernières données de Statistique Canada.
Après avoir été en hausse pendant dix années consécutives et avoir connu un bond marqué en 2020, le revenu médian après impôts des Canadien·nes a diminué de 2,8 % en 2021, venant s’établir à 59 300 $, selon l’analyse de Statistique Canada.
Cette situation s’accompagne d’une hausse des inégalités de revenu au pays.
Ainsi, le recul constaté par l’agence fédérale a particulièrement affecté les familles les moins nanties : le revenu cumulé de la moitié la plus pauvre des familles canadiennes a reculé de 15,1 milliards $ (-5,3 %) de 2020 à 2021, alors que la moitié la plus riche a vu ses revenus cumulés augmenter de 16,5 milliards $ (+1,6 %) durant la même période.
Une plus grande proportion de la population est aussi passée sous le seuil de faible revenu, soit 22 944 $ pour une personne seule et 26 177 $ pour une famille. Ainsi, 15,5 % de la population du pays était considéré comme ayant un faible revenu en 2021, une augmentation de 2,2 points de pourcentage par rapport à 2020 (13,3 %). Le ratio reste toutefois légèrement inférieur à celui de 2019, avant la pandémie (16,4 %).
Fin de l’aide temporaire
Cela serait principalement attribuable au retrait de plusieurs mesures d’aide au cours de l’année 2021, dont la Prestation canadienne d’urgence (PCU), selon Statistique Canada.
D’ailleurs, si les inégalités de revenus au Canada en 2021 n’étaient pas encore de retour au niveau d’avant la pandémie, ce serait principalement parce que certains programmes d’aides étaient encore en vigueur à ce moment-là, notamment celui qui facilitait l’accès à l’assurance-emploi, précise Statistique Canada.
« Tout porte à croire que [pour 2022], nous serons de retour à ce qui prévalait en 2019… quoiqu’avec l’inflation et le prix des loyers, ça pourrait être pire. »
Serge Petitclerc, porte-parole du Collectif pour un Québec sans pauvreté
« C’était un peu écrit dans le ciel. À partir du moment où ils ont décidé de mettre en place la PCU avec un revenu de 500 $ par semaine, c’était évident que ça augmenterait beaucoup le niveau de plusieurs personnes en situation de pauvreté », remarque le porte-parole du Collectif pour un Québec sans pauvreté, Serge Petitclerc.
Mais puisque cette aide était temporaire et non récurrente et que le contexte socioéconomique ne s’est pas amélioré entretemps, l’effet n’aura été que temporaire, rappelle-t-il.
« Tout porte à croire que lorsque les données de 2022 sortiront, nous serons de retour à ce qui prévalait en 2019… quoiqu’avec l’inflation et le prix des loyers, ça pourrait être pire », prédit-il.
La pauvreté, au-delà du revenu
Il rappelle d’ailleurs que si les prestations directes comme la PCU ont eu un impact impressionnant sur les indicateurs de pauvretés, elles n’ont pas permis d’aider plusieurs personnes parmi les plus démunies, telles que les personnes en situation d’itinérance et assistées sociales, puisqu’il fallait avoir déclaré un revenu de travail pour y avoir droit.
« S’organiser rapidement et régler la situation, ça se peut. »
Serge Petitclerc, porte-parole du Collectif pour un Québec sans pauvreté
D’où l’importance pour les décideurs publics de ne pas limiter leurs analyses aux seuls indicateurs de revenus, selon lui. « Il y a plusieurs autres dimensions qui sont souvent passées sous silence, comme l’assistance sociale, les protections publiques, le salaire minimum, les services publics, la fiscalité, etc. »
Si on veut, on peut
Pour Serge Petitclerc, les données de Statistique Canada peuvent tout de même être interprétées comme une preuve que l’élimination de la pauvreté est un projet tout à fait réalisable quand la volonté politique est au rendez-vous. « S’organiser rapidement et régler la situation, ça se peut. Et donner de l’argent directement à ceux et celles qui en ont besoin, ça marche! C’est ça, la morale de la PCU », souligne-t-il.
Le porte-parole rappelle d’ailleurs que le gouvernement du Québec élabore actuellement son quatrième Plan de lutte contre la pauvreté et espère que les élu·es tireront les bonnes leçons de l’expérience pandémique.