Mobilisation pour sauver un centre d’artistes amateurs au parc Lafontaine

La fermeture abrupte du Centre culturel Calixa-Lavallée prive de nombreuses personnes d’un rare lieu où la population peut participer directement à la vie culturelle.

Une communauté importante d’artistes professionnels et amateurs de Montréal a vu son centre d’art annuler ses activités du jour au lendemain, le 12 juin dernier. Cette fermeture brutale de l’organisme qui en était à sa 37e année d’activité a amené ses membres à se mobiliser pour sauver cet espace.

Bien que la nouvelle était ébruitée dès le 12 juin, notamment en raison de commentaires publics sur la page Facebook d’Art neuf, ce n’est que le 17 juin que l’organisme à but non lucratif (OBNL) publie sur les réseaux sociaux une unique note explicative pour annoncer sa fermeture soudaine, survenue quelques jours plus tôt. « Pour des raisons hors de notre contrôle, il n’y a plus d’employé·es pour opérer Art Neuf en cette fin de saison, expliquant la fermeture soudaine du centre Calixa-Lavallée. »

Les informations obtenues par Pivot indiquent que ce sont des difficultés financières qui expliquent la fermeture abrupte.

Ce sont donc désormais uniquement les membres du conseil d’administration (CA) qui représentent l’organisme, qui se retrouve sans direction ni employé·es.

Le 12 juillet dernier, une infolettre d’Art neuf annonçait que l’organisme travaille « activement avec des professionnels bénévoles possédant des expertises variées pour redresser Art neuf et nous aider à restructurer l’organisme et reprendre nos activités dès la session d’automne 2023 ».

La fermeture d’Art neuf a enclenché une mobilisation citoyenne spontanée sur les réseaux sociaux. L’usagère du centre Nathalie Théocharidès a créé le groupe Facebook « Coalition citoyenne pour sauver le centre Calixa-Lavallée et sa vocation ».

« En deux jours, j’ai eu 175 personnes », s’étonne-t-elle. Le groupe réunit aujourd’hui plus de 250 personnes.

« C’est une pépinière, un tremplin. Ça tient à cœur à beaucoup de gens. »

Nathalie Théocharidès

« Je n’avais jamais fait ça avant, ce genre d’organisation, mais spontanément, j’ai eu envie de créer ce groupe, juste pour avoir un lieu pour rallier ceux que ça intéressait, pour suivre ce qui allait se passer et pour s’assurer que quoi qu’il arrive à l’organisme Art neuf, les lieux continuent d’avoir la même vocation », raconte Mme Théocharidès.

Qu’est-ce qu’Art neuf?

Situé en plein cœur du parc Lafontaine, l’OBNL Art neuf jouissait d’un partenariat particulier avec la Ville de Montréal depuis 1986, peut-on lire sur le site Web de l’organisme. En effet, d’ancien·nes employé·es du centre ont expliqué à Pivot que cette entente permettait à l’organisme d’utiliser les locaux du Centre culturel Calixa-Lavallée, en gardant l’édifice ouvert au public et en offrant des activités à prix abordables.

Sa mission principale était de démocratiser la pratique artistique à tous les niveaux et tous les âges.

L’organisme trouvait ses revenus principaux grâce à des subventions de la Ville, la location de ses salles, les inscriptions à ses cours et grâce au membrariat obligatoire pour tou·tes ses utilisateur·trices.

Mobilisation sur tous les fronts

À la suite de la création du groupe Facebook par Nathalie Théocharidès, quelques initiatives ont été partagées par les membres. Des personnes ont exprimé un désir de soutenir le CA d’Art neuf, ce qui a fait réagir positivement la vice-présidente Caroline Forcier, qui fait également partie de ce groupe.

D’autres personnes ont aussi commencé à interpeller les élu·es et la Ville de Montréal.

Sur le groupe, le co-fondateur de la compagnie de théâtre amateur barre/oblique Yann Le Tiec a annoncé avoir mobilisé l’attention de la Fédération québécoise du théâtre amateur (FQTA), pour aller chercher un soutien afin de maintenir la vocation amateure du Centre culturel Calixa-Lavallée.

Pour l’instant, dans cette mobilisation en ligne, le mot d’ordre est d’attendre d’en savoir plus sur la situation avant d’engager une action.

Même son de cloche du côté de la conseillère d’arrondissement Laurence Parent, qui dit devoir attendre la prochaine assemblée générale extraordinaire d’Art neuf afin d’avoir une idée plus claire de la situation. « Je souhaite y participer à titre d’observatrice », a-t-elle expliqué lors d’un entretien avec Pivot.

La date de cette prochaine assemblée n’est pas encore annoncée.

Lors de la séance ordinaire du conseil du Plateau-Mont-Royal du 4 juillet, en réponse à une question d’un citoyen, Mme Parent a voulu se montrer rassurante en prenant l’engagement de tenir les citoyen·nes « au courant, de la façon la plus transparente possible ».

Elle a qualifié la situation de crise, étant donné son caractère très soudain.

« C’est particulier à ce centre-là. Il n’y a pas une offre très développée à Montréal. »

Laurence Parent, conseillère d’arrondissement, Le Plateau-Mont-Royal

Un plaidoyer pour l’art amateur

 « Ma plus grande peur, c’est que la ville récupère l’édifice pour faire autre chose qu’un centre culturel », s’inquiète le président du CA de la troupe de théâtre amateur Les Exclamateurs, Jean-Pierre Gouin.

La troupe Les Exclamateurs est l’une des plus vieille et importante au centre, regroupant à elle seule autour de 70 membres actif·ves dans ses productions annuelles.

Si Art neuf ou un autre organisme ne pouvait pas le faire, il accepterait que « la Ville prenne elle-même le contrôle [du centre], un peu comme une maison de la culture, mais dédiée à la pratique amateur ».

Tout en reconnaissant l’importance des maisons de la culture, M. Gouin espère que le Centre culturel Calixa-Lavallée ne perde pas sa vocation amateur, puisque cela enlèverait un espace important de développement artistique pour une partie de la population. « Il semble que la Ville a dans ses volontés de promouvoir la pratique amateur », se rassure-t-il. « Et les études démontrent qu’on favorise la participation des citoyens à la culture quand eux-mêmes pratiquent une forme d’art. »

« Ma plus grande peur, c’est que la ville récupère l’édifice pour faire autre chose qu’un centre culturel. »

Jean-Pierre Gouin, troupe de théâtre Les Exclamateurs

Un soutien de plus de 800 000 $ pour soutenir la pratique amateur a d’ailleurs été annoncé par l’administration Plante le 27 juin dernier.

La conseillère d’arrondissement Laurence Parent reconnaît la valeur unique du centre pour sa communauté. « Il n’y a pas du tout de remise en question de ces formes d’art. C’est particulier à ce centre-là. Il n’y a pas une offre très développée à Montréal », admet-elle.

Le parcours de Nathalie Théocharidès est d’ailleurs un exemple éloquent des bénéfices d’un tel centre d’art amateur. « J’ai publié un recueil de nouvelles à la suite de ma rencontre avec Aline Apostolska, qui est professeure à Art neuf et écrivaine. »

Selon elle, Art neuf, « c’est une pépinière, un tremplin. Ça tient à cœur à beaucoup de gens. »

Le CA d’Art neuf n’a pas répondu à nos demandes d’entrevue.

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