Les jeunes nouveaux arrivants de plus en plus nombreux dans la rue 

Alors qu’il manque de logements sociaux et réellement abordables, de plus en plus de jeunes nouveaux arrivants n’arrivent pas à se loger à Montréal.

Les jeunes en situation d’immigration précaire sont de plus en plus nombreux à fréquenter les centres d’hébergement ou à vivre dans la rue. Selon des intervenant·es du milieu communautaire, les jeunes hommes qui arrivent seuls au Québec se retrouvent particulièrement démunis face à la crise du logement. Il y a pourtant plus de 2000 logements sociaux vacants dans la métropole qui nécessitent des rénovations majeures pour devenir habitables.

Depuis 1989, le Refuge des jeunes de Montréal accueille annuellement entre 400 et 500 jeunes hommes, âgés entre 17 et 26 ans. Au cours des dernières années, le nombre d’entre eux qui sont de nouveaux arrivants a bondi, estime France Labelle, directrice générale du refuge.

Selon elle, ce groupe constituait à peu près 20 % des jeunes abrités par l’organisme avant la pandémie. Aujourd’hui, cette proportion aurait plus que doublé, s’élevant à 45 %.

L’organisme Dans la rue, qui vient aussi en aide aux jeunes en situation d’itinérance, perçoit la même tendance.

« On a des jeunes qui sont réfugiés, des jeunes qui viennent retrouver un parent et ça ne fonctionne pas, des jeunes qui viennent par le chemin Roxham, des demandeurs d’asile », explique Marie-Noëlle L’Espérance, directrice de la prévention, de l’intervention et des programmes cliniques.

Ces jeunes se retrouvent isolés et démunis face aux obstacles qui s’imposent à eux pour trouver un toit. Parmi ces barrières, on cite notamment les délais administratifs pour l’émission de permis de travail et l’accès limité à des services juridiques.

« Ce sont des personnes qui se retrouvent assez rapidement sans ressources. Et faute de ressources, on les compte en itinérance », explique France Labelle.

Surtout qu’aux dédales de l’immigration s’ajoute le contexte social actuel de crise du logement.

Immigrer… et se loger

Dans un rapport paru en janvier dernier, le Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM) identifie des facteurs compliquant la recherche de logement pour les immigrant·es précaires : parmi eux, le racisme et les difficultés à remplir d’autres exigences requises par les locateurs, comme les enquêtes de crédit ou les garanties financières et bancaires. 

On note également l’absence d’hébergement destiné à accueillir spécifiquement les jeunes hommes qui demandent l’asile au Canada, la plupart de ces ressources étant principalement destinées aux femmes et aux familles.

« Ce sont des personnes qui se retrouvent assez rapidement sans ressources. Et faute de ressources, on les compte en itinérance. »

France Labelle

À l’heure actuelle, le gouvernement canadien finance l’hébergement temporaire des personnes demandeuses d’asile dans des hôtels. Mais selon le RAPSIM, cela ne suffit pas, car les nouveaux arrivants n’y trouvent pas les services et les ressources nécessaires à leur intégration qui sont offerts dans les centres d’hébergement.

Puisqu’il n’existe aucun hébergement destiné à accueillir les hommes seuls une fois leur séjour à l’hôtel arrivé à échéance, plusieurs d’entre eux se retrouvent aux portes d’organismes comme le Refuge des jeunes et Dans la rue.

« Il y a énormément de monde qui travaille sur le terrain auprès des populations les plus vulnérables, ça, c’est le beau côté des choses », lance France Labelle en pensant au travail accompli par des milliers d’intervenant·es chaque jour. 

« Mais il y a des problèmes structurels qui vont beaucoup plus vite que nous. »

Pas de logement social 

Malgré tous les efforts déployés par le communautaire pour accompagner les jeunes dans leur recherche de logement à long terme, plusieurs continuent de dormir dans la rue, signale Mme L’Espérance.

« Il y a une limite à donner de l’aide pour trouver un logement privé », dit-elle. « Il faut absolument agir dans la construction de maisons de chambre, de logement sociaux, d’endroit où ces personnes pourront vivre. »

« Tant qu’on n’investit pas dans du béton et de la brique, on va se retrouver avec les mêmes enjeux. » Et il doit s’agir de logements accessibles.

Il y a quelques années, plusieurs organisations communautaires avaient sonné l’alarme devant la diminution du parc locatif de maisons de chambres. Aujourd’hui, enfin, les autorités municipales comprennent mieux ces enjeux, pense France Labelle.

À cet effet, on note la création d’une maison de chambre dans l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal et l’acquisition d’une autre, comptant sept lits dans le Sud-Ouest. Montréal s’est aussi engagée à rétablir son parc de logements sociaux et fait pression sur Québec pour obtenir davantage de fonds.

« Tant qu’on n’investit pas dans du béton et de la brique, on va se retrouver avec les mêmes enjeux. »

Marie-Noëlle L’Espérance

Entretemps, pour ces jeunes qui dorment dans la rue, c’est trop peu, trop tard.

Selon des données rapportées récemment par le Devoir, il y a à l’heure actuelle plus de 2300 logements sociaux à Montréal nécessitant des rénovations afin de pouvoir devenir habitables.

D’ailleurs cela fait plus de deux ans que Mme Labelle tente d’en récupérer trois parmi le lot pour les jeunes du refuge. En vain, pour le moment.

En attendant, les jeunes se retrouvent « de plus en plus captifs dans des dispositifs d’urgence » comme les maisons d’hébergement, affirme-t-elle. « Ça n’a pas de bon sens. »

Auteur·e

Ce site web utilise des cookies pour vous offrir une expérience utilisateur optimale. En continuant à utiliser ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies conformément à notre politique de confidentialité.

Retour en haut