Fumée sur le sud du Québec : à quoi jouent les autorités?

CHRONIQUE | On tient la population dans l’ignorance. C’est le syndrome de la fonderie Horne, mais appliqué à toute la province.

Pour une seconde fois cette année, Montréal s’est retrouvée avec une qualité de l’air apocalyptique : l’indice de qualité de l’air a dépassé la barre des 150 – niveau où l’air devient « malsain » – pour atteindre 285 le dimanche 25 juin à 8 heures du matin, selon le site suisse IQAIR.

Malgré ce niveau de pollution digne des mauvaises journées à New Delhi ou Lahore, de nombreuses personnes vaquaient pourtant à leurs occupations extérieures, se baladaient en vélo sans masque, mangeaient une bouchée au parc ou assistaient tranquillement à des concerts extérieurs.

Le message n’a pas passé.

Montréal était durant les derniers jours la grande ville la plus polluée au monde : il ne faut pas respirer cet air infect, si on doit sortir c’est muni·es d’un masque N95. (Évidemment, la pire qualité de l’air se trouve actuellement en Abitibi et dans la région de Chibougamau, avec des conséquences terribles pour les humains et les non-humains.)

Dans ce monde hypercapitaliste où la « santé parfaite » est brandie comme une planche de salut du corps et de l’esprit, on fait pourtant fi du fait de vivre momentanément dans de véritables soupes toxiques. C’est toute la contradiction de l’époque, qui ne peut que finir par éclater en mille morceaux, comme un sous-marin cheap.

Mais je m’intéresse ici plus particulièrement à la prévention – ou à l’absence de prévention.

On fait fi du fait de vivre momentanément dans de véritables soupes toxiques.

J’écrivais récemment que la gestion de la pandémie au Québec s’est déroulée quelque part entre l’opacité, l’autoritarisme et le déni. On semble revivre le même cauchemar, mais, pour l’instant, sans l’autoritarisme, remplacé par l’inaction pure et simple.

Legault se fait discret ces jours-ci, ne sortant de son plaisir estival que pour faire le point de temps en temps sur les feux de forêt en répétant que c’est « inédit ». Comme s’il désirait repousser cet épisode terrible en dehors de la normalité : tout reviendra nécessairement à l’équilibre comme par magie et les forestières pourront continuer de saccager les épinettes en paix.

On ne peut que se méfier de ces personnages cherchant constamment à minimiser les risques bio-socio-environnementaux que nous vivons présentement et qui sont causés par l’activité productive capitaliste.

La santé publique : que fait-elle?

La Direction régionale de santé publique de Montréal recommande de fermer ses fenêtres, d’échanger l’air intérieur et d’éviter d’aller à l’extérieur. Elle souligne l’importance du port du masque N95, en particulier pour les « personnes vulnérables » et les « travailleurs ».

Heureusement, des établissement de santé de la métropole ont pris l’initaitive de distribuer des masques N95 à leur personnel devant travailler dehors, et le CIUSSS de l’Est-de-l’Île planifie même en distribuer aux personnes vulnérables.

Voilà qui est sensé.

Au provincial, le docteur Luc Boileau, quant à lui, n’a pas cru bon recommander le port du masque N95 et aucune mention n’en est faite dans le communiqué officiel, qui propose tout simplement de fermer ses fenêtres et d’éviter de faire du sport à l’extérieur.

Aucune information sur les niveaux de pollution, sur l’indice de qualité de l’air ou autre. Rien.

Notre province, qui est censée gérer la santé, est complètement à la traîne.

Comme la cinéaste Jenny Cartwright le soulignait hier sur son compte Facebook, le communiqué d’Environnement Canada était probablement le meilleur que l’on pouvait lire sur Internet, recommandant à la fois une filtration de l’air de type HEPA et le port du masque N95.

Notre province, qui est censée gérer la santé, est donc complètement à la traîne, une fois de plus, sur les équipements de protection individuels liés aux particules aériennes.

Communication des risques : n’a-t-on rien appris de la pandémie?

On reçoit des alertes puissantes lorsqu’il y a des petits risques de tornade, mais rien pour ce tueur silencieux qu’est l’air toxique.

Pourquoi des masques N95 ne sont-ils pas distribués gratuitement à toute la population au coin des rues? Nous devrions construire des boîtes Corsi-Rosenthal à la chaîne.

La population ne sait pas. On la tient dans l’ignorance. C’est le syndrome de la fonderie Horne, mais appliqué à toute la province.

Si une personne se rend sur un obscur site de santé publique pour s’informer sur les mesures à prendre, c’est qu’elle a déjà un minimum d’intérêt à se protéger. Et même pour celles et ceux qui font ce pas, les informations sont insuffisantes. C’est à toute la population qu’il faut s’adresser, dans toutes les langues. Tout en lui donnant les moyens de se protéger facilement et efficacement.

Hier, des centaines de milliers de personnes ne percevaient pas de risque dans cette atroce fumée. Et l’absence de constat clair, de diagnostic précis et rigoureux de la situation, cela empêche la population de prendre les bonnes décisions.

La population ne sait pas. On la tient dans l’ignorance.

On nous rabâche constamment les oreilles avec les fameuses « personnes vulnérables », mais devant des concentrations de particules fines comme nous en avons vu dans les derniers jours, même des personnes dites « en santé » sont à risque de développer des complications à court ou moyen terme. Il faudra voir les impacts sur les urgences dans les prochains jours. Loin de moi l’idée de minimiser les conditions vécues par plusieurs personnes, non, je veux plutôt pointer du doigt cette facilité à trier un « nous » supposément en « santé » et une population « autre » qui, elle, a un problème.

Exactement comme lors de la pandémie.

Dans ce contexte, une grande partie des autorités en place sont donc carrément nuisibles à la santé des populations. Il faut cesser de croire que « le gouvernement fait les bonnes choses ». Il est plutôt rempli de technocrates incompétent·es qui préfèrent taire les risques réels que nous vivons pour ne pas « affoler la population ».

Rappelons-nous les mensonges étriqués d’Arruda dans le dossier des particules cancérigènes de la fonderie Horne. C’est exactement comme cela qu’ils vont gérer toutes les crises à venir. 

Pendant ce temps, on tousse.

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