Une lobbyiste, amie et partenaire d’affaires de la ministre de l’Habitation

La ministre France-Elaine Duranceau et la lobbyiste Annie Lemieux ont exploité ensemble des entreprises immobilières.

Selon le registre des lobbyistes du Québec, une partenaire d’affaires et amie de la ministre responsable de l’Habitation France-Elaine Duranceau a un mandat actif pour faire du lobbyisme auprès du ministère des Affaires municipales et de l’Habitation.

« Je pense que France-Elaine vous a envoyé l’information. J’ai reçu un message comme quoi la ministre avait confirmé l’information », a dit Annie Lemieux en entrevue avec Ricochet, appelant la ministre par son prénom.

« Nous avons rencontré Sonia et France-Elaine » pour discuter de soins aux aînés, a confirmé l’entrepreneure, faisant référence à France-Elaine Duranceau et à Sonia Bélanger, la ministre responsable des Aînés.

Le mandat de lobbyiste d’Annie Lemieux, entrepreneure immobilière, concerne « les orientations gouvernementales en matière d’habitation et d’hébergement des aînés au Québec et le rôle des entreprises privées en la matière ».

Or, la lobbyiste était aussi jusqu’à tout récemment une partenaire d’affaires de la ministre Duranceau.

Partenaires en immobilier

Annie Lemieux, présidente du Groupe LS4, et France-Elaine Duranceau ont exploité ensemble au moins deux entreprises actives dans l’immobilier.

L’une d’elles, 9381-9795 Québec Inc, nomme Duranceau comme actionnaire et Annie Lemieux comme administratrice.

En 2019, cette entreprise a acheté un duplex à Montréal pour un peu plus de 500 000 $, pour lequel il n’y a pas d’hypothèque répertoriée au registre foncier, ce qui pourrait laisser croire à un achat comptant. Des rénovations majeures ont transformé ce duplex en un complexe de cinq condominiums de luxe, appelé « Le Briand ». Chacun des condos a été vendu entre 400 000 $ et 800 000 $. La majorité en 2021, mais une unité a été vendue en juin 2022, quelques mois à peine avant l’élection de Duranceau.

L’autre entreprise, NOMI Immobilier, compte comme actionnaire France-Elaine Duranceau ainsi qu’une compagnie à numéro possédée par Annie Lemieux. La dernière déclaration de mise à jour a été déposée au registraire au début novembre 2022, soit après la nomination de Mme Duranceau à titre de ministre responsable de l’Habitation.

Alors que la ministre Duranceau a récemment fait l’objet de nombreuses critiques pour son projet de loi s’attaquant aux droits des locataires, son amie et partenaire d’affaires Annie Lemieux a des intérêts financiers considérables dans l’immobilier locatif.

Annie Lemieux est la fondatrice du Groupe LS4, une entreprise impliquée dans le développement immobilier qui possède un vaste portefeuille de résidences, notamment locatives. Dans une entrevue au journal Les Affaires en 2020, elle affirmait que son entreprise détenait et gérait « plus de 300 millions de dollars d’actifs immobiliers pour des partenaires ».

Lemieux dit que l’entreprise s’est départie de ses avoirs aux États-Unis et qu’elle ne détient que deux bâtiments au Québec, pour un total de 678 unités locatives. Le site Web de son entreprise dresse toutefois la liste d’autres bâtiments et projets de condominiums complétés.

Un projet en cours de construction à Longueuil, le NOVIA, est décrit comme « un complexe de logements haut de gamme accessibles, pensé non seulement pour votre confort, mais également pour votre style de vie ». Ce complexe abritera 375 unités locatives.

Duranceau et Lemieux ont également œuvré ensemble au sein du conseil d’administration de la campagne « Plus mieux guérir » de la fondation du CHU Sainte-Justine dès 2012 et elles sont amies sur Facebook.

Lors de l’annonce de la candidature de Duranceau pour la CAQ en août 2022, Annie Lemieux a publié un statut et une photo sur LinkedIn et Facebook pour saluer son amie. « C’est avec beaucoup de fierté que j’ai assisté à la présentation de mon amie France-Elaine comme candidate dans Bertrand pour la CAQ. Bravo FED et merci, c’est avec des gens comme toi, engagés, déterminés et qui contribuent que notre société va continuer de progresser », peut-on lire sur le réseau social professionnel.

Tout a été approuvé par la Commissaire à l’éthique

Les intérêts financiers de la ministre de l’Habitation étaient déjà sous la loupe après sa nomination par le premier ministre François Legault en octobre.

Selon sa déclaration des intérêts personnels soumise au commissaire à l’éthique, la ministre était actionnaire et administratrice de plusieurs compagnies immobilières. Elle était également fiduciaire de plusieurs trusts personnels d’investissements immobiliers.

« S’il y a des actions à prendre pour se conformer aux directives [de la Commissaire], ce sera fait rapidement », avait rapporté l’attaché de la ministre au Journal de Montréal. Selon le site Web de la Commissaire à l’éthique, aucune enquête n’a été menée. Selon les données du registraire des entreprises, la ministre Duranceau est toujours impliquée dans ces entités commerciales.

« La Commissaire à l’éthique ne peut commenter sur des situations individuelles », a écrit Anne-Sophie Saint-Gelais, porte-parole pour la Commissaire, en réponse à une demande d’information de Ricochet. « Les informations privées et financières sont divulguées de manière confidentielle à la Commissaire, qui les analyse pour prévenir une situation de conflit d’intérêts réelle ou appréhendée ».

Philippe Couture, l’attaché de presse de la ministre Duranceau, a déclaré à Ricochet que la ministre avait suivi toutes les règles.

« Tout a été approuvé par la Commissaire à l’éthique et jugé conforme », a-t-il déclaré. « Madame Lemieux est inscrite au registre des lobbyistes, mais elle n’a ni contrat ni relation d’emploi avec Mme Duranceau. Il n’y a donc aucun conflit d’intérêts. »

L’attaché n’a pas répondu aux questions demandant si Annie Lemieux avait fait du lobbyisme directement auprès de la ministre.

Philippe Couture affirme que les entreprises que Duranceau et Lemieux dirigeaient ensemble sont inactives.

« Les entreprises 9381-9795 Québec Inc. et NOMI Immobilier Inc sont des entreprises encore enregistrées, mais inactives. Tout ceci a été évalué par la Commissaire à l’éthique », a-t-il ajouté.

Une version de cette enquête est aussi paru en anglais chez Ricochet.

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