Les banques et gestionnaires de fonds canadiens décident toujours par eux-mêmes des efforts qu’ils doivent déployer pour réduire les impacts négatifs de leurs activités sur l’environnement. Une situation qui ne peut plus durer si le Canada veut atteindre ses cibles de réductions de gaz à effet de serre, selon un récent rapport de Greenpeace Canada.
Les grandes institutions financières canadiennes seraient en train de se distancer silencieusement de leurs engagements volontaires en matière de lutte aux changements climatiques, selon un rapport de Greenpeace Canada.
Dans les dernières années, la majorité d’entre elles s’étaient associés à de grands mouvements internationaux pilotés par l’Organisation des Nations Unies (ONU) pour donner l’impression qu’elles travaillaient à réduire leur impact climatique tout en continuant à financer massivement les énergies fossiles, explique Keith Stewart, stratège principal en matière d’énergie chez Greenpeace Canada et auteur du rapport.
Or, flairant la manœuvre, l’ONU a fortement resserré ses critères et demande maintenant aux entreprises de faire des actions concrètes en plus de rendre des comptes si elles désirent faire partie du programme, souligne-t-il.
« Depuis, les banques cherchent à faire marche arrière sans perdre la face », poursuit-il.
Réguler sans plus attendre
La situation montre bien que les engagements volontaires de la part des industries en matière d’environnement n’ont que très peu d’impacts concrets, remarque Julie Segal, directrice de programme chez Environmental Defence Canada, un groupe de revendications environnementales.
« La seule chose qui peut contraindre le secteur financier canadien à faire ce qui doit être fait, c’est la réglementation du secteur. Le gouvernement a le pouvoir d’agir et de leur demander des comptes », souligne-t-elle.
Par exemple, le gouvernement devrait exiger des institutions qu’elles plafonnent dès 2025 les émissions de gaz à effet de serre (GES) reliées à leur portefeuille, puis qu’elles les diminuent de moitié d’ici 2030. C’est ce que les scientifiques considèrent comme le minimum viable pour garder la hausse des températures à 1,5 oC, illustre-t-elle.
Le fédéral doit agir
Environmental Defence a d’ailleurs proposé un plan d’action complet au gouvernement fédéral pour s’assurer d’encadrer convenablement les effets climatiques reliés aux activités financières du pays. « C’est d’ailleurs ce qu’il fait déjà avec le domaine de l’automobile, des combustibles fossiles et de la production d’électricité. Mais pour ce qui est de la finance, il y a toujours un vide », déplore Julie Segal.
« La seule chose qui peut contraindre le secteur financier canadien à faire ce qui doit être fait, c’est la réglementation. »
Julie Segal, Environmental Defence
Un tel cadre pourrait prendre un certain temps à être mis en œuvre, mais cela n’empêche pas le gouvernement d’agir rapidement grâce aux lois déjà existantes, prévient Keith Steward.
« Cela pourrait venir du Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) qui régule déjà le système financier », explique-t-il. Le Bureau, qui surveille déjà les effets des changements climatiques sur le système financier, pourrait en plus veiller à mitiger les effets causés par ce système sur l’environnement, explique-t-il.
« C’est ce que font déjà des institutions similaires ailleurs dans le monde, notamment au Royaume-Uni », précise Julie Segal.
Une bonne nouvelle ?
L’abandon des engagements volontaires des grands de la finance canadienne pourrait ainsi s’avérer positive sur le long terme, car il accélère l’adoption d’une telle législation, d’après Keith Stewart.
« Normalement, quand les entreprises utilisent des mesures volontaires pour continuer à ne rien faire, il faut attendre des années pour démontrer qu’il ne se passe rien et convaincre le gouvernement d’aller de l’avant avec de la législation. On pourrait éviter ça, cette fois-ci », explique-t-il.