Des indemnités plus petites pour les enfants qui se blessent au travail

Le projet de loi 19 sur le travail des enfants n’effectue aucun changement à la loi qui prévoit des compensations moindres pour les accidenté·es de moins de 18 ans.

Alors que les lésions professionnelles subies par les enfants sont de plus en plus fréquentes, un article de loi pénalise les enfants qui se blessent en travaillant. Ils et elles reçoivent des indemnisations moindres comparativement aux adultes, tandis que leurs employeur·euses doivent payer des cotisations moins élevées.

Selon l’article 80 de la Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles, les enfants touchent une compensation moins élevée que les adultes lorsqu’ils et elles se blessent au travail.

« Il y a une explosion des lésions dont sont victimes les enfants, c’est ce qui a poussé le gouvernement à faire un projet de loi sur le travail des enfants », rappelle Félix Lapan de l’Union des travailleurs et travailleuses accidentés et malades (UTTAM).

L’organisme a récemment déposé un mémoire à la Commission de l’économie et du travail afin de critiquer la discrimination dont sont victimes les enfants accidenté·es au travail. L’UTTAM déplore que la Loi sur les accidents de travail n’ait pas fait l’objet d’un amendement dans le cadre du projet de loi 19 qui encadrera le travail des enfants.

« En étant silencieux là-dessus, on a raté une occasion de corriger une situation qui est à la fois injuste et qui fait en sorte qu’on ne met pas en place tous les incitatifs pour les employeurs » afin d’assurer la sécurité des jeunes employé·es, s’indigne Félix Lapan.

Indemnisation à rabais

Contrairement au reste de la population, pour les jeunes de moins de 18 ans qui sont inscrits à temps plein à l’école, le montant des indemnités versé en cas d’accident de travail n’est pas déterminé en fonction du revenu annuel. Il est plutôt uniformément fixé à 121 $ par semaine. 

À titre comparatif, un travailleur de 18 ans et plus, payé au salaire minimum, empocherait 452 $ par semaine, soit à peu près 90 % de sa paie hebdomadaire normale.

« C’est vraiment injuste », s’indigne Félix Lapan. « Un mineur, au début de son été, dans sa première semaine de travail, qui se blesse et ne peut plus travailler de l’été, il perd tout son été de travail et est complètement sous-indemnisé. »

Une indemnité plus élevée peut être obtenue si un enfant démontre qu’il a travaillé pendant au moins un an et reçu un revenu annuel d’emploi « justifiant une indemnité plus élevée ».

Cependant, plusieurs enfants n’ont pas complété leur première année au travail avant de s’y blesser, indique l’UTTAM dans son mémoire.

Selon l’organisme, c’est également en début d’emploi que les taux de lésions professionnelles sont plus importants, alors que les travailleurs·euses sont moins familier·ères aux risques de leur nouveau milieu de travail.

Les patrons économisent

La situation est aussi particulièrement avantageuse pour les employeur·euses qui devront payer des cotisations moindres lorsqu’un jeune de moins de 18 ans subit des lésions professionnelles dans leur entreprise.

De façon générale, les cotisations des employeur·euses au régime d’indemnisation des lésions professionnelles varient en fonction des coûts des lésions, dont les indemnités. Ainsi, des lésions professionnelles subies par un enfant coûteront moins cher à un patron que celles d’un adulte, même si les deux employé·es obtiennent le même salaire.

Les cotisations patronales versées à la CNESST visent à réparer les conséquences de la lésion et imputer aux employeur·euses le coût des lésions.

« Si le législateur était sérieux dans sa volonté d’intervenir et de réduire autant que possible les lésions professionnelles subies par les enfants, il devrait aussi intervenir sur l’indemnisation. »

Félix Lapan

« Pour les employeurs, ce sont des lésions qui ne coûtent rien. C’est une blague! » lance Félix Lapan. Un employeur pourrait ainsi prioriser la santé et la sécurité des adultes qui représentent des coûts plus élevés en cas de lésion, aux dépens des enfants, craint-il.

« Si le législateur était sérieux dans sa volonté d’intervenir et de réduire autant que possible les lésions professionnelles subies par les enfants, il devrait aussi intervenir sur l’indemnisation », souligne-t-il. « Ça crée une pression sur les employeurs [pour assurer la sécurité], en théorie, c’est ça la logique du régime d’indemnisation. »

Clarification : Une mention a été ajoutée afin de préciser les coûts des cotisations versés par les employeur·euses au régime d’indemnisation des lésions professionnelles qui varient en fonction des coûts des lésions, dont les indemnités. (05-06-2023)

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