SHEIN est un géant chinois de l’ultra fast fashion et leader du marché de l’habillement à petit prix. Aujourd’hui la marque a dépassé des grands du milieu, comme H&M. SHEIN n’opère normalement qu’en ligne, mais en juillet, elle s’apprête à installer des boutiques éphémères au Canada, notamment à Montréal et Toronto. Or, la marque a souvent été critiquées pour ses pratiques particulièrement douteuses au plan éthique, écologique, sociale, etc.
Risques pour la santé
Selon un rapport de Greenpeace, sur 47 produits SHEIN analysés, sept d’entre eux (15 %) contenaient des substances chimiques dangereuses dépassant les limites réglementaires de l’Union européenne.
Certains dépasseraient aussi les limites canadiennes. En 2021, un rappel de produit avait été effectué par Santé Canada sur un imperméable pour enfant contenant 20 fois plus de plomb que la limite permise.
« La clientèle cible de SHEIN, ce sont des adolescentes : on parle d’une période où elles sont en pleine puberté, donc elles sont plus à risque face à ces perturbateurs endocriniens-là », explique Caroline Larocque, chargée de projet pour le Réseau des femmes en environnement.
Les travailleur·euses des usines SHEIN sont aussi en contact direct avec ces produits toxiques, ce qui pourrait leur causer des problèmes de santé grave, selon l’analyse de Greenpeace.
Impacts environnementaux
Ce n’est pas tout : la teinture nocive de certains produits SHEIN pollue les eaux chinoises et nos eaux et ce, pour très longtemps. « Il y a certains perturbateurs endocriniens qui persistent éternellement dans l’environnement. […] Ça reste dans les eaux et ça ne va pas se dégrader », dit Caroline Larocque. La population autour des usines SHEIN est ainsi à risque, puisqu’elle utilise au quotidien les eaux polluées par les installations de la compagnie.
SHEIN se démarque de toutes les autres marques avec son cycle de production particulièrement court et les quantités impressionnantes de produits fabriqués dans les 6000 usines chinoises de la compagnie. Le géant du textile arrive à rendre disponible sur son application entre 2000 et 10 0000 nouvelles pièces en une seule journée, selon une enquête de Rest of World effectuée entre juillet et décembre 2021.
De par leur mauvaise qualité, ces vêtements sont généralement portés à peu de reprises et sont pour la plupart confectionnés avec des matières qui ne se recyclent pas.
« Les vêtements vont être plus longtemps dans des centres d’enfouissement ou à la poubelle que dans notre garde de robe, donc c’est une courte durée de vie pour beaucoup de déchets », exprime Caroline Larocque.
De plus, SHEIN serait responsable de 22 % des émissions CO2 des adolescentes françaises, d’après Teenage Lab.
Atteintes aux droits humains
Comme avec beaucoup d’autres marques de fast fashion, les conditions de travail dans les usines de SHEIN sont inhumaines, les salaires payés sont très bas et les normes de sécurité ne sont pas respectées, rapporte l’ONG suisse Public Eye.
« On parle de 75 heures de travail par semaine, souvent c’est des semaine de six jours. C’est payé à la pièce, le salaire représente moins de 5 % du prix du morceau et l’habit est très peu cher, donc on peut imaginer », explique Caroline Larocque.
Selon une enquête de Bloomberg, SHEIN profiterait, comme d’autres marques de fast fashion, de l’exploitation des Ouïghours, une minorité musulmane dont les membres sont détenus massivement dans des « camps de rééducation » en Chine.
Début mai dernier, un groupe de parlementaires américains a demandé à la Commission de Sécurité et d’Échange de Wall Street d’exiger une enquête indépendante sur SHEIN et la possible exploitation des Ouïghours par la compagnie.
Techniques féroces de marketing numérique
L’application de SHEIN possède un algorithme très puissant. Celui-ci capte les micro-tendances sur les réseaux sociaux, ce qui lui permet de lancer la production d’un nouveau vêtement en seulement quelques jours.
« De l’idée, à la confection, à la production, SHEIN peut prendre juste une semaine, grâce à son algorithme qui détermine les nouveaux morceaux », mentionne Caroline Larocque.
Très présente sur les réseaux sociaux, mais surtout sur TikTok, SHEIN a la mainmise sur sa clientèle cible : les jeunes. Afin de pousser à l’achat, la marque est accompagnée de son armée d’influenceuses présentant les vêtements portés dans des courtes vidéos, les « SHEIN haul ».
L’application SHEIN est l’app de prêt-à-porter la plus visitée des États-Unis, d’après Public Eye, et ce, grâce à des systèmes qui poussent à la surconsommation. « Quand on est un·e client·e, il y a un système de points de fidélité. On peut en accumuler et obtenir des rabais, si on commente ou partage par exemple. C’est une étape en plus pour créer une addiction », explique Caroline Larocque.
Plagiat de petites marques
SHEIN a été accusée à plusieurs reprises d’avoir repris à l’identique des modèles de petites marques. Lorsque le puissant algorithme de l’entreprise repère un vêtement susceptible de plaire à son public, le vêtement est aussitôt recopié.
La marque française Maison Cléo en a subi les conséquences, et des produits identiques aux siens se sont retrouvés du jour au lendemain sur le site web de la marque chinoise.
À qui la responsabilité ?
Pour défendre ses pratiques, SHEIN dit participer à rendre la mode accessible à tous en misant sur une clientèle à faible revenu.
« Ils ne visent pas les client·es à faible revenu, ils ciblent les moyens revenus, qui vont pouvoir s’acheter beaucoup de vêtements à petit coût, c’est la quantité qui prime pour eux », conteste Caroline Larocque
Pour la chargée de projet du Réseau des femmes en environnement, tout le monde a un rôle à jouer face à ces marques de fast fashion. « Tout le monde devrait agir en même temps, que ce soit le gouvernement, les consommateurs, les influenceurs », dit-elle.
Pour toutes ces raisons, avec l’arrivée d’une boutique éphémère SHEIN à Paris, il y a quelques semaines, une pétition pour interdire la marque en Europe a été lancée, regroupant aujourd’hui plusieurs centaines de milliers de signatures.
Plusieurs campagnes et pétitions de boycott de la marque ont aussi été lancées, dont le #boycottshein sur les réseaux sociaux. Avec l’arrivée prochaine des boutiques éphémères SHEIN au Canada, que feront la population et le gouvernement?