
L’audience : une femme sans statut raconte les coulisses de l’immigration canadienne
Dans ce documentaire sur le parcours sinueux des réfugié·es, Peggy Nkunga Ndona montre sa propre histoire.
« Qui est un vrai, qui est un faux réfugié? », s’est interrogée Émilie Beaulieu-Guérette dans son second documentaire, L’audience, co-réalisé avec Peggy Nkunga Ndona. Le film pénètre dans les coulisses des audiences qui tranchent sur la légitimité de la demande d’asile de Peggy et de son mari, exilé·es de la République démocratique du Congo, et de leurs trois enfants.
Cela fait trois ans que Peggy et Simon, son mari, sont installé·es à Montréal. Elle et il ont trois enfants dont les nationalités sont des témoins des escales entreprises pour fuir leur pays d’origine. Adoration, neuf ans, est né en République démocratique du Congo (RDC), Consolation Sophie, sept ans, est née au Brésil et Benjamin, quatre ans, est né au Canada.
La peur est leur quatrième enfant illégitime. Elle s’est immiscée dans la routine familiale du couple qui redoute l’expulsion du Canada vers le Congo ou le Brésil, des pays qui les ont marqué·es.
L’audience documente la tentative de Peggy et de Simon pour obtenir la régularisation de leur statut migratoire, au fil de quatre audiences étalées sur neuf mois auprès de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada.
En visioconférence devant le commissaire, que Peggy appelle « le juge », le parcours de vie du couple est examiné dans les moindres détails et tranchera sur leur légitimité à obtenir le statut de demandeur·euses d’asile, la première étape dans le processus d’immigration.
Changer les normes du documentaire
L’audience est co-réalisé par Émilie Beaulieu-Guérette et Peggy Nkunga Ndona : en plus d’être la protagoniste du film, celle-ci a pris part à la réalisation pour mieux dire son histoire.
Partager le fauteuil de réalisatrice 50/50, est un « geste politique » délibéré de cinéma inclusif envers les exilés « trop souvent restreints au travail essentiel », revendique Émilie. Elle regrette que d’ordinaire, les protagonistes de documentaires, pourtant central·es, soient maintenu·es en position de vulnérabilité, non rémunérée.

Désormais éducatrice en garderie à Montréal, Peggy était actrice et journaliste dans son pays. Elle a accepté de co-réaliser le film afin de sensibiliser le public à la réalité des exilés, mais pas seulement en tant que sujet. « Quand mes voisines [à Montréal] ont compris mon histoire, elles sont devenues plus proches de moi », confie-t-elle.
Elle a pris le rôle d’apprentie réalisatrice aux côtés d’Émilie, qui est formée en conception de documentaire à l’Institut national de l’image et du son. Peggy est notamment intervenue pour supprimer du contenu trop violent et pour alléger le film de moments joyeux en famille.

La complicité des vidéastes crève l’écran dans la construction poétique du documentaire.
Dans l’intimité de la maison familiale, une complicité s’installe entre les vidéastes. Tour à tour, face à la caméra, Peggy et Simon brisent le quatrième mur et se confient au public, par l’entremise d’Émilie, derrière l’objectif.
Après avoir fui l’oppression congolaise, la famille de Peggy s’est installée au Brésil dans une favela. Les drogues, les tirs d’armes et l’intimidation l’ont contrainte à refaire ses valises pour entamer le périple de la « route de la mort ».
Enceinte de son troisième enfant, Peggy a traversé en famille clandestinement le Costa Rica, le Nicaragua, le Honduras, le Guatemala, le Mexique, les États-Unis et, enfin, le chemin Roxham pour arriver au Canada. « On l’appelle “la route de la mort” parce que quand vous la commencez, vous n’êtes pas sûr de la terminer en vie », raconte Peggy.
Cette route a, paradoxalement, été le point de rencontre de Peggy et d’Émilie. Ayant découvert ce parcours dangereux et souhaitant le documenter, ses recherches l’ont mené jusqu’à Peggy.
Ensemble, elles ont décidé de raconter son parcours migratoire.
Pour voir L’audience au cinéma à partir du vendredi 26 mai, consultez la liste complète des salles.