Les États-Unis, un pays à parti unique?
Joe Biden pourrait entériner un des projets de loi les plus liberticides de l’histoire de l’empire américain et qui n’a rien à envier aux ambitions des pires faucons républicains.
Bien qu’on compte d’autres occasions répréhensibles – et elles sont légion –, c’est en novembre 2019 que Donald Trump a commis une des pires bourdes de tout son régime.
Questionné à propos de l’occupation d’une partie de la Syrie par les troupes états-uniennes, il a répondu : « Nous gardons le pétrole. Nous avons le pétrole. Le pétrole est sous bonne garde. Nous n’avons laissé des troupes que pour le pétrole. »
En 2002, lors des deux votes du Congrès sur la résolution qui allait approuver l’invasion de l’Irak – un pays souverain qui n’avait pas attaqué les États-Unis, mais qui croulait sous des sanctions internationales qui avaient causé la mort d’un demi-million d’enfants –, 81 représentant·es et 26 sénateur·trices démocrates se sont rendu·es coupables de complicité pour un crime contre l’Humanité qui restera à jamais impuni.
Parmi elles et eux, on retrouvait le sénateur du Delaware, l’actuel président Joe Biden, et la sénatrice de New York, Hillary Clinton.
Le Parti de l’exceptionnalisme
Au-delà de considérations somme toute cosmétiques, le Parti démocrate et le Parti républicain sont, quand on les examine de près, deux factions d’un parti unique qui possède bien plus d’atomes crochus qu’à première vue.
Appelons ce parti le Parti de l’exceptionnalisme.
« Progressistes » comme conservateurs s’y rejoignent aisément, au-delà de leurs divergences sur les considérations sociales, les droits des minorités sexuelles et de genre, les droits reproducteurs, par exemple. Notons qu’on retrouve davantage de démocrates conservateurs que de républicains réellement progressistes.
L’exceptionnalisme américain : une nation-phare choisie par Dieu pour guider un monde en perdition vers l’illumination.
Les deux factions reçoivent des contributions politiques à coup de centaines de millions $ des mêmes sources mères – Wall Street, les compagnies de pétrole, les minières, le complexe militaro-industriel, les lobbies sionistes et agroalimentaires, etc.
Les deux factions favorisent majoritairement une politique étrangère résolument impérialiste et guerrière, au nom justement de cette idée de l’exceptionnalisme américain : une nation-phare choisie par Dieu pour guider un monde en perdition vers l’illumination.
Aucune des deux factions ne soutient concrètement les syndicats de travailleur·euses, comme on a pu le voir tant avec le combat pour la syndicalisation chez Amazon ou dans le dossier des travailleur·euses du chemin de fer.
Les deux factions soutiennent Israël et son apartheid politique envers le peuple palestinien, de manière indéfectible.
Car l’exceptionnalisme américain est avant tout une entreprise capitaliste, impérialiste, industrielle et sioniste, défendue avec un appareil sécuritaire de plus en plus répressif. Et depuis l’ère Reagan, la tendance va en escaladant de manière aussi hypocrite qu’exponentielle.
Des lois dignes d’un empire en déclin
Chaque année, le Congrès doit renouveler le National Defense Authorization Act (NDAA), autorisant les dépenses fédérales pour la guerre et la projection de force militaire, ce qu’eux appellent la « défense » et la « sécurité ».
En 2014, le régime Obama y a greffé des provisions pour suspendre l’habeas corpus (qui protège les citoyen·nes contre les détentions arbitraires) sur simple suspicion d’implication directe ou même de soutien à des activités jugées « terroristes ». Le tout valsant dans un flou juridique qui permet les pires abus.
Ce n’est pas sans rappeler l’infâme Patriot Act, conçu et entériné en « urgence » par la bande de Bush junior dans la foulée des attentats du 11 septembre 2001, qui a été renouvelé sans cesse depuis, même par les Congrès et les présidences démocrates. Cette loi a permis de mener des enquêtes et des opérations de surveillance sur des organismes et des simples citoyen·nes qui, dans certains cas, n’avaient qu’exprimé publiquement une forte dissidence face aux politiques criminelles de Bush et de Dick Cheney.
N’oublions jamais que lorsque les États-Unis toussent, le Canada attrape le rhume.
Et enfin, cette année, le Congrès devra se pencher sur le RESTRICT Act qui, s’il est ratifié (il le sera, n’en doutez guère), déclarera comme « adversaires étrangers » une liste de pays très spécifique : Chine, Russie, Iran, Cuba et Venezuela. Rappelons que ce dernier pays a été l’objet dans les dernières années d’une tentative de coup d’État, menée très graduellement par le Groupe de Lima dont font partie les États-Unis et… le Canada.
C’est dire qu’ils se cachent à peine.
De plus, et surtout, le caractère extrêmement vague du RESTRICT Act inquiète plusieurs associations civiles, puisque le texte ouvre la porte à la criminalisation d’individus qui violeraient ou contourneraient les mesures prises pour interdire ou limiter l’influence des applications logicielles, comme TikTok, contrôlées par des « adversaires étrangers », avec des peines possibles de 20 ans de prison et d’un million de dollars d’amende.
D’ailleurs dans notre demi-pétro-monarchie, le gouvernement libéral de Jean Chrétien avait, en décembre 2001, adopté la Loi antiterroriste, sorte de Patriot Act canadien. Puis en 2015, les conservateurs de Stephen Harper ont fait adopter un doublon électoraliste, la Loi C-51, qui qualifie d’acte terroriste toute activité qui perturberait la stabilité économique et financière canadienne même.
C’est flou, c’est large, et comme aux États-Unis, ça ouvre la porte aux abus.
Pour ce qui est de l’éventuel lendemain de l’adoption du RESTRICT Act par Joe Biden, n’oublions jamais que lorsque les États-Unis toussent, le Canada attrape le rhume.
Correction : Une version précédente de cet article affirmait que le RESTRICT Act déclarerait comme agent d’un adversaire étranger toute personne utilisant une application issue des pays ciblés. En fait, le projet de loi parle plutôt de pénalités criminelles (emprisonnement et amende). (2023-04-28)