Des jeunes prennent parole lors du Salon de la jeunesse noire. | Photo : Léa Beaulieu-Kratchanov
Reportage

« Nous n’avons personne à qui parler » : des jeunes s’ouvrent sur le racisme à l’école 

Le Salon de la jeunesse noire était l’occasion de pousser les réflexions sur le racisme pour les jeunes et les moins jeunes.

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À l’heure où le gouvernement caquiste continue de nier l’existence du racisme systémique, des jeunes brisent le silence sur leurs expériences de discrimination en milieu scolaire dans le cadre du Salon de la jeunesse noire. Les étudiant·es qui vivent du racisme à l’école peinent à faire entendre leurs voix et à obtenir justice.

Samedi après-midi, une cinquantaine des jeunes étaient rassemblé·es dans une grande salle du Collège de Maisonneuve pour prendre part au Salon de la jeunesse noire. C’était d’abord l’occasion pour les jeunes d’échanger avec une diversité d’adultes qui leur ressemblent et qui œuvrent dans les milieux publics, entrepreneuriaux, communautaires. Ils et elles représentent des modèles qui manquent de visibilité parmi certaines communautés.

L’événement était également le point culminant d’une série de forums tenus dans différents arrondissements de la ville ayant pour but de discuter d’un enjeu sur lequel le gouvernement provincial continue de fermer les yeux : le racisme systémique.

« On vit dans un système gouvernemental qui refuse de le nommer et qui utilise beaucoup de termes pour détourner l’attention de ce qui se passe réellement dans les écoles », explique Naisha Cynthia Mendoza, chargée de projet à l’Équipe RDP, l’organisation derrière le Salon.

Mais ce silence « amène des violences et des conséquences. Nos jeunes n’ont pas la [communauté] dont ils ont besoin. »

Selon elle, c’était là l’un des principaux objectifs de l’événement de cette fin de semaine : offrir un espace sécuritaire où les jeunes pouvaient enfin discuter sans filtre de leurs expériences liées au racisme. « Il faut les rendre à l’aise de parler des vraies choses, sans qu’ils sentent qu’il va y avoir des répercussions négatives, parce que souvent, c’est la crainte des jeunes. »

Des jeunes qu’on n’écoute pas

Dans un petit local en marge du Salon, un groupe se rassemble tranquillement autour d’un panel composé d’étudiant·es de tous les niveaux, d’un enseignant et d’un directeur général de commission scolaire.

La salle est silencieuse, attentive aux idées et aux expériences qui y sont partagées.

Pour démarrer la conversation, la modératrice propose des mises en scène. L’une d’entre elles porte sur l’école et l’impunité qui peut y régner lorsque le personnel ou les étudiant·es posent des gestes racistes.

L’exemple n’est pas anodin, car l’école représente « un microcosme de la société », souligne une mère en interpellant les panélistes. « Ce qui se passe hors de l’école se passe également à l’intérieur de l’école. »

Puis, parmi les panélistes, ce sont les jeunes qui commencent par partager leurs expériences.

« De toutes mes années à l’école, je n’ai jamais eu de prof noir, jamais! », explique une étudiante de secondaire quatre.

Elle affirme aussi que l’une des enseignant·es a prononcé le mot en N lors d’un cours d’histoire. « Personne n’a rien dit. La prof a dit : “si je vous ai mis inconfortable, vous pouvez me parler après le cours”. Moi, je n’ai pas le temps de faire la conversation, j’ai écrit une belle petite lettre. »   

La salle s’esclaffe momentanément, mais la jeune femme revient rapidement sur la gravité de l’enjeu.

« Quand tu as un problème et qu’on te dit d’aller parler à quelqu’un, ces gens-là ne te comprennent pas. Ils ne sont pas de ma race, je suis mal représentée. Il n’y a personne à qui parler à l’école. »

Plus tard, une jeune fille se lève pour raconter son expérience à l’école secondaire. Une élève blanche aurait dit le mot en N à d’autres élèves noir·es. La jeune fille et ses amies auraient tenté de la dénoncer, mais ce sont elles qui auraient été réprimandées. L’élève blanche aurait été protégée puisqu’elle aurait été « en danger ».

« Quand tu as un problème et qu’on te dit d’aller parler à quelqu’un, ces gens-là ne te comprennent pas. Ils ne sont pas de ma race, je suis mal représentée. Il n’y a personne à qui parler à l’école. »

« Moi, je me demande : est-ce que le racisme, c’est vraiment tolérance zéro dans les écoles? » s’interroge l’étudiante. « Lorsqu’une situation arrive, il n’y a pas de démarche […] les responsables de l’école ne prennent jamais l’initiative d’[agir]. »

Ce qui devient alors évident, c’est que tout le poids de la dénonciation repose sur les épaules des élèves et que malgré leurs efforts, peu finissent par obtenir justice. « Nos jeunes ont tellement fait de cris d’appel [à l’aide], et on les dirige vers des ressources, et il n’y a pas de conclusion finalement », s’indigne Mme Mendoza en entrevue après la discussion.

Selon elle, l’initiative de l’Équipe RDP est le premier pas d’un long cheminement qui devra mettre à contribution un plus vaste réseau d’acteur·trices dans le domaine de l’éducation. 

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