Méconnues et parfois difficiles à cerner, les cyberviolences dans les relations intimes peuvent avoir de graves répercussions sur la vie et le développement des adolescent·es. C’est plus d’un tiers des jeunes au Québec qui rapportent en avoir été la proie, mais plusieurs facteurs, comme le manque de connaissance et un sentiment de honte, peuvent faire obstacle aux dénonciations.
Selon une étude québécoise, plus de 35 % des adolescents sondé·es entre 2016 et 2017 disent avoir vécu de la cyberviolence dans leurs relations intimes.
Tout porte à croire que cette proportion serait plus importante depuis la pandémie, période depuis laquelle Statistique Canada rapporte par exemple une forte hausse des cyberviolences sexuelles contre les enfants.
C’est d’autant plus inquiétant que la cyberviolence, qu’elle concerne les relations intimes ou non, a des conséquences plus graves chez les adolescents et les jeunes que sur les adultes.
« Durant cette période qu’est l’adolescence, ça peut avoir des conséquences à plus long terme », signale Véronique Poulin, directrice générale à l’Association québécoise Plaidoyer-Victimes. « C’est pour ça qu’il ne faut surtout pas le banaliser. »
« Quand on est dans cet espace, il n’y a plus de limites géographiques, plus de limites de temps, quelqu’un peut faire du harcèlement 24 heures sur 24 »
Véronique Poulin
Les cyberviolences intimes comprennent la surveillance excessive, les messages et les photos offensants, la divulgation de contenu intime, la géolocalisation, l’utilisation de réseaux sociaux afin d’humilier ou de nuire, les menaces, la manipulation.
« C’est rarement un geste isolé », rappelle-t-elle. « Il y a un aspect de fréquence, de durée dans le temps aussi. »
La violence intime doit aussi être comprise comme une continuation de la violence dans les relations amoureuses hors-ligne, insiste Mme Poulin, sauf qu’une fois transposée sur le Web, elle peut adopter des proportions sans limites.
« Quand on est dans cet espace, il n’y a plus de limites géographiques, plus de limites de temps, quelqu’un peut faire du harcèlement 24 heures sur 24 », signale-t-elle. « C’est particulièrement préoccupant. »
Dénonciation difficile
« Pour une majorité des adolescent·es, on parle souvent d’une première relation amoureuse, de premiers sentiments », explique-t-elle. « Quand il y a de la cyberviolence et que c’est la première fois qu’on vit ça, des fois, on ne sait pas que c’est malsain et encore moins que ça peut être illégal. »
Lorsqu’un·e adolescent·e prend conscience de la situation, cela peut déclencher des émotions négatives comme la honte qui peuvent faire obstacle à la dénonciation, explique Mme Poulin.
« Les jeunes, et même leurs parents aussi, ne connaissent pas leurs droits dans tout ce cheminement. C’est un obstacle en soi qui en amène d’autres. »
Véronique Poulin
Lorsque les jeunes parviennent à parler de leurs expériences, c’est souvent les ami·es et non les adultes qui jouent le rôle des confident·es
« Cette humiliation de devoir parler de la situation à un adulte ou un parent, c’est un frein et ce l’est aussi pour par la suite dénoncer auprès des policiers », explique-t-elle.
« Les jeunes, et même leurs parents aussi, ne connaissent pas leurs droits dans tout ce cheminement », signale Mme Poulin. « C’est un obstacle en soi qui en amène d’autres. » Par exemple, les victimes ne sont pas toujours conscient·es qu’ils et elles peuvent réclamer l’anonymat tout au long du processus judiciaire.
C’est pour remédier à ce genre de manque de connaissances que l’Association québécoise Plaidoyer-Victimes a développé des outils et du matériel éducatifs à l’intention des jeunes, comme des adultes.
Pour venir en aide aux victimes, Mme Poulin recommande d’abord une écoute active et sans jugement. « Déjà, d’en parler, ça demande du courage et il faut le valoriser et l’encourager. »
Par la suite, il est important de dénoncer ce genre de situation aux autorités lorsqu’elle comprend des infractions criminelles. « Il faut stopper ce genre de comportement, et en ne faisant rien, ça va les amplifier. »