Nous grandissons en cultivant des relations d’amitié toute notre jeunesse et une grande partie de notre adolescence. Mais une fois à l’âge adulte, les amitiés sont souvent placées au second rang. Selon l’essayiste Camille Toffoli, c’est parce que l’amitié est sous-valorisée et mal comprise. Avec S’engager en amitié, elle propose une réflexion autour des potentiels politiques et sociaux de l’amitié.
Publié dans la nouvelle collection « Radar » des éditions Écosociété, l’essai d’un peu plus de 130 pages s’adresse aux adolescent·es et jeunes adultes. « C’est une tranche d’âge pour laquelle il y a peu de littérature qui s’écrit au Québec, et il y a peu – voire pas – d’essais conçus pour les 16 à 19 ans », souligne la cofondatrice de la librairie féministe L’Euguélionne, Camille Toffoli.
Même si elle n’est plus libraire aujourd’hui, son travail lui donnait une vitrine unique sur les intérêts de lecture des jeunes qui franchissent la porte de L’Euguélionne. « Même si je n’ai pas d’ado dans ma vie, ça me donnait une bonne posture pour savoir ce que les jeunes lisent. »
Approchée par l’éditrice Pauline Gagnon pour écrire un livre à l’intention des plus jeunes, Camille a eu carte blanche pour proposer un sujet : le thème de l’amitié s’est imposé. « Je pense que le début de l’âge adulte, c’est un âge crucial pour la survie des amitiés. C’est un âge où [elles] vont être délaissées au profit de l’amour et des relations amoureuses. »
« On est de plus en plus occupé·es – c’est ce que je dis dans l’essai. Le monde capitaliste met en péril les amitiés, parce qu’on est toujours “en train de”, on a toujours quelque chose à faire, on travaille, on s’occupe, on s’organise… », raconte l’autrice.
Des amitiés plurielles
Le livre est construit en sept chapitres explorant les diverses formes de l’amitié : l’amitié en ligne, les amitiés féministes, les amitiés masculines, les amitiés sportives, les amitiés en colocation, etc.
Chacun d’entre eux s’articule autour de récits personnels et d’échanges, un choix naturel pour Camille. « C’est important d’écrire un texte qui ne parle pas seulement de ma vision de l’amitié ou de mon expérience de l’amitié, et c’est pour ça que je suis allée vers un style où il y a plusieurs entretiens, soit qui inspirent un texte, soit qui sont carrément retranscrits. »
« C’était important qu’il y ait un dialogue. C’est absurde d’écrire sur l’amitié sans inclure plusieurs voix. »
Camille Toffoli
Les jeunes, mais pas que
Ces choix rendent aussi la lecture plus courte et dynamique, plus humaine que scientifique. Un ton que l’essayiste présentait déjà dans son premier livre Filles Corsaires, paru en 2021 et gagnant du Prix des libraires du Québec.
Le format relativement court de son nouvel essai favorise aussi son accessibilité auprès des jeunes, un chapitre pouvant être lu le temps d’un trajet d’autobus, par exemple. « Des fois, on a l’impression que les jeunes n’ont rien à faire, mais [les jeunes du cégep et fin secondaire] sont quand même très surchargé·es de devoirs et de travaux… », rappelle l’autrice.
En ce qui concerne le ton, il n’est ni infantilisant ni académique. D’ailleurs, même si l’essai s’adresse d’abord à un certain groupe d’âge, le sujet interpelle un plus large public par son thème. Camille Toffoli souligne d’ailleurs que l’écriture pour les ados ne diffère pas tellement de celle pour les adultes. Elle considère qu’écrire un bon livre pour adolescent·es se fait surtout en les prenant au sérieux.
« On ne leur apprend pas nécessairement des choses. C’est important de se montrer vulnérable avec les jeunes, il y a comme un lien de confiance qui peut se créer en écriture. C’est le pari que j’ai fait : de me montrer avec mes écueils personnels dans une écriture plus personnelle. Je n’avais pas envie d’être la personne qui apprend aux jeunes comment voir ses amitiés. »
S’engager en amitié
Camille Toffoli, Montréal, Écosociété, 2023, 136 pages