Les Premières Nations demandent la décolonisation des exigences linguistiques en éducation

Le Conseil en éducation des Premières Nations se dit déçu des priorités du ministre Drainville en éducation.

Le Comité des chefs du Conseil en éducation des Premières Nations a réagi froidement aux nouvelles priorités du ministre de l’Éducation Bernard Drainville. Selon lui, le ministère devrait en faire davantage pour éliminer les barrières systémiques, comme les exigences linguistiques en français imposées au personnel et aux élèves, qui nuisent aux apprentissages des jeunes dans les communautés autochtones.

Le Comité des chefs du Conseil en éducation des Premières Nations (CEPN) a exprimé son insatisfaction quant aux nouvelles priorités de Bernard Drainville en éducation, annoncées la semaine dernière.

Selon les représentant·es, il est essentiel de décoloniser les lois et les règlements qui mettent des bâtons dans les roues des éducateur·trices autochtones qui travaillent dur pour offrir une éducation adaptée à leurs communautés. Ces barrières systémiques se traduisent par des exigences linguistiques coloniales, qui imposent le français d’une manière jugée inadaptée aux réalités des communautés. 

Cela constitue « une étape nécessaire pour garantir la réussite des élèves de nos communautés », a déclaré dans un communiqué Adrienne Jérôme, membre du Comité et cheffe de la communauté anishnabe de Lac-Simon.

Le CEPN regroupe 16 écoles secondaires et 11 écoles primaires dans huit nations autochtones au Québec, qui ont signé l’été dernier un partenariat avec le gouvernement fédéral, assurant leur autonomie financière dans la gestion de l’éducation. Mais en dépit des nouveaux moyens financiers dont il dispose, le Conseil prévient qu’il ne peut pleinement assurer la réussite scolaire de ses étudiant·es dans le cadre légal actuel au Québec.

Cesser d’imposer le français au personnel scolaire

« Les barrières systémiques ne sont plus une question d’argent », souligne Denis Gros-Louis, directeur général du CEPN.

Il explique que la nouvelle entente permet notamment l’embauche de 600 professionnel·les, comme des orthophonistes ou des psychologues. Cependant, pour travailler au Québec, ils et elles doivent réussir des épreuves de français, même lorsqu’appelé·es à travailler dans des communautés où ce sont les langues autochtones ou anglaises qui prédominent. 

Denis Gros-Louis, directeur général du Conseil en éducation des Premières Nations | Photo : Nicolas Ottawa

« C’est ridicule de demander que ces professionnels soient francophones, alors que la clientèle est bilingue [parlant une langue des] Premières Nations et l’anglais », lance M. Gros-Louis. « Ça ne coûterait absolument rien au Québec, de modifier la loi pour que nos professionnels puissent passer un examen en anglais pour travailler dans nos écoles. »

Sans cela, des professionnel·les issu·es des communautés tendent à quitter afin de travailler dans d’autres provinces anglophones. Plus grave encore, « quand ces professionnels quittent pour aller travailler ailleurs, ils ne reviennent plus dans la communauté et s’assimilent ailleurs », déplore M. Gros-Louis.

« En 2023, il y a encore des dispositions assimilatrices qui sont en vigueur et qui sont très colonialistes. »

Le droit à la langue pour les élèves

Depuis la signature de l’entente avec le gouvernement fédéral, le CEPN gère aussi de manière autonome l’enseignement des langues et des cultures autochtones dans ses écoles aux niveaux primaire et secondaire. Il précise que cela représente un investissement de 4,5 millions $ annuellement pendant cinq ans.

« C’est notre champ de compétence, ça ne relève pas du provincial. Ce sont nos langues, ce sont nos écoles, ce sont nos jeunes, c’est notre fierté qu’on veut qu’ils acquièrent et qu’ils gardent », explique-t-il en soulignant l’importance de l’ajout des langues autochtones au curriculum.

Toutefois, le problème survient lorsque les étudiant·es doivent accéder au niveau collégial qui requiert au Québec d’avoir réussi l’épreuve unique de français langue première. C’est à ce moment que plusieurs élèves se découragent et mettent parfois fin à leur parcours scolaire.

« En 2023, il y a encore des dispositions assimilatrices qui sont en vigueur et qui sont très colonialistes. »

Denis Gros-Louis, directeur général du CEPN

Pour pallier cet enjeu, le Québec devrait se doter d’un mécanisme de reconnaissance afin de ne pas pénaliser les étudiant·es dont la langue première est une langue autochtone, selon M. Gros-Louis.

D’autres nations autochtones qui ne relèvent pas du CEPN, dont les Cris, les Naskapis et les Inuit, ne sont actuellement pas soumises à ces exigences.

Une rencontre est prévue entre le CEPN et l’équipe de Bernard Drainville la semaine prochaine afin de discuter de solutions potentielles.

Réécrire l’histoire

Le CEPN reçoit actuellement l’appui financier du provincial afin de décoloniser le contenu pédagogique, principalement dans le cours Culture et citoyenneté québécoise. Mais le contenu proposé par le CEPN est jusqu’à présent boudé par le ministère de l’Éducation.

« Dans la partie qui touche les Premières Nations et les Inuit, c’est important que le contenu reflète nos réalités », explique M. Gros-Louis. « Ça ne peut pas être conçu par un fonctionnaire qui ne connaît pas nos communautés, qui ne travaille pas dans nos écoles, qui devrait décider. »

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