De gauche à droite: Joel DeBellefeuille, fondateur et directeur exécutif de la Coalition rouge, Alain Babineau, directeur du profilage racial et de la sécurité publique de la Coalition rouge et David Austin, professeur au collège John Abbott. | Photo: Léa Beaulieu-Kratchanov
Nouvelle

Des organismes demandent une enquête publique sur la mort de Nicous Spring et le racisme en prison 

La Coalition rouge et la Ligue des droits et libertés demandent que la lumière soit faite sur le décès de Nicous Spring à la prison de Bordeaux.

·

En conférence de presse samedi dernier, la Coalition rouge a réclamé une enquête publique du coroner sur le décès de Nicous d’Andre Spring le 24 décembre dernier alors qu’il était détenu illégalement à la prison de Bordeaux. Cette demande, appuyée par la Ligue des droits et libertés, vise à faire la lumière sur les circonstances du décès du jeune homme de 21 ans aux mains des agents correctionnels, ainsi que sur le racisme systémique en milieu carcéral au Québec.

La Coalition rouge, un organisme à but non lucratif qui milite contre le racisme systémique, réclame une enquête publique du coroner sur la mort de Nicous d’Andre Spring à l’Établissement de détention de Montréal (prison de Bordeaux) le 24 décembre dernier. 

Le jeune homme noir de 21 ans aurait été poivré et forcé de porter un masque anti-crachat, puis laissé sans surveillance dans une cellule. Il était alors détenu illégalement et aurait dû être libéré la veille de son décès.

« Un jeune homme noir a perdu la vie à cause d’erreurs administratives et du mauvais jugement », s’est indigné le fondateur et directeur exécutif de la Coalition, Joel DeBellefeuille, lors d’une conférence de presse samedi dernier.« Comment allons-nous nous assurer en tant que communauté que cela ne se reproduise jamais? » 

La Coalition rouge a également déposé une plainte au Protecteur du citoyen du Québec, au nom de la famille, dans l’espoir d’obtenir une enquête sur le racisme systémique dans le système carcéral. 

Ces demandes sont partagées par la Ligue des droits et libertés qui souligne que bien que ce genre d’enquête systémique a été réalisé au fédéral, il n’existe pas d’équivalent au niveau provincial. La prison de Bordeaux relève de Québec.

« Un jeune homme noir a perdu la vie à cause d’erreurs administratives et du mauvais jugement. »

Joel DeBellefeuille

La Coalition, qui représente la famille de Nicous Spring, a également demandé la publication de toute preuve vidéo de l’intervention. Elle réclame aussi une autopsie indépendante du corps de la victime et la formation d’un comité citoyen de révision du système carcéral au Québec. 

Lever le voile sur le milieu carcéral 

Selon la Coalition rouge, l’investigation du Bureau du coroner, l’enquête policière de la Sûreté du Québec et celle administrative du ministère de la Sécurité publique, qui avaient été annoncées dans les dernières semaines, sont insuffisantes. 

« Ce sont des enquêtes administratives qui ne sont pas rendues publiques », explique Alain Babineau, directeur du profilage racial et de la sécurité publique à la Coalition rouge. Or, « les pénitenciers comme les centres de détention sont des endroits clos, opaques, on ne sait pas ce qui s’y passe… Il faut lever le voile là-dessus. »

Lors de la conférence de presse, la Coalition a souligné que la famille demeure sans réponse quant aux questions centrales dans cette affaire, notamment la détention illégale de Nicous Spring et l’usage excessif de la force envers lui par les agents correctionnels. 

C’est pour cela qu’une enquête publique du coroner, dont tout le processus se déroule au grand jour, est cruciale selon la Coalition et la Ligue des droits. C’est ce mécanisme qui avait été utilisé après le décès de Joyce Echaquan afin d’enquêter sur le racisme en milieu hospitalier. 

À travers ce processus, « la famille peut faire la demande d’être reconnue comme partie intéressée », souligne Lynda Khelil, porte-parole de la Ligue des droits et libertés, ce qui lui permettrait de participer activement en posant des questions et en contre-interrogeant les témoins. 

Racisme en vase clos

Selon la Coalition rouge, le cas de Nicous Spring s’inscrit dans un cadre beaucoup plus large du racisme en milieu carcéral. « Ce n’est malheureusement que la pointe de l’iceberg », souligne M. Babineau. 

Le rapport annuel 2020-2021 de l’enquêteur correctionnel indiquait que les personnes noires et autochtones incarcérées étaient plus susceptibles d’être impliquées dans des interventions avec utilisation de la force. 

« Les pénitenciers comme les centres de détention sont des endroits clos, opaques, on ne sait pas ce qui s’y passe… Il faut lever le voile là-dessus. »

Alain Babineau

Par ailleurs, en 2019, un rapport intérimaire du comité sénatorial des droits de la personne dévoilait que toutes les détenu·es noir.es interrogé·es avaient signalé avoir vécu du racisme ou de la discrimination. 

M. Babineau a aussi souligné une étude de l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) réalisée en 2021 qui dévoilait un système de classification des détenu·es en fonction du « teint de peau » utilisé par les services correctionnels du Québec. La province est la seule au Canada à employer un pareil système administratif. 

« Des sources nous ont dit que le racisme est endémique dans le système correctionnel au Québec », a indiqué M. Babineau. « Nous devons aller au-delà des murs [des prisons] et permettre aux gens qui travaillent derrière ces murs de se manifester et de parler au coroner… pour que nous obtenions la vérité. »

Vous aimez notre contenu? Abonnez-vous à Pivot pour soutenir un média indépendant qui bouleverse le statu quo, suscite le débat et permet à de nouvelles voix de se faire entendre.

Pas prêt·e à vous abonner à Pivot? Inscrivez-vous à notre infolettre pour recevoir les actualités des luttes et des alternatives.