
La science citoyenne au service du combat pour préserver la biodiversité
Des citoyen·nes utilisent une application gratuite pour documenter la biodiversité qu’ils et elles cherchent à protéger.
Les OBNL Technoparc Oiseaux et Rosemère vert utilisent tous deux l’application iNaturalist dans leurs campagnes pour protéger des milieux naturels contre le développement immobilier. L’application de science citoyenne leur permet de démontrer la richesse de la biodiversité qu’ils cherchent à protéger et à cimenter la participation de la population à leur cause.
Qu’on soit biologiste ou qu’on ne connaisse pas grand-chose aux espèces qui nous entourent, iNaturalist permet à tou·tes de contribuer à la science de la biodiversité en identifiant et en documentant les espèces que l’on croise. Des organismes citoyens voués à la conservation utilisent également la plateforme pour prouver la diversité des espèces vivantes dans les endroits qu’ils cherchent à protéger.
L’application, qui a existé sous plusieurs formes depuis 2008, permet de recenser les espèces présentes dans un milieu, autant les plantes et les animaux que les insectes, mousses et champignons, grâce à des photos prises par les utilisateur·trices. Les espèces présentes sur les photos sont ensuite identifiées grâce à l’intelligence artificielle puis validées par des biologistes. Cela permet de former une vaste base de données d’observations utilisable par les scientifiques du monde entier.
Contester les prétentions des promoteurs
« Ce qui est génial avec iNaturalist, c’est qu’on a les preuves, qui sont démontrables, géolocalisées et publiques. On peut donc réfuter les prétentions d’Aéroports de Montréal, qui prétendait que les sites [qu’on tente de protéger] ne contiennent pas de biodiversité », explique la co-organisatrice de Technoparc Oiseaux, Katherine Collin.
Grâce à l’apport de la population et de bénévoles, le groupe a entre autres pu identifier qu’un terrain visé par du développement industriel abritait 1123 plants d’asclépiades, une plante au statut préoccupant essentielle pour les papillons monarques, eux-mêmes en voie d’extinction.
Ces observations, auxquelles s’ajoutent celles de plusieurs espèces d’oiseaux menacées, sont venues donner beaucoup de poids politique aux revendications de l’organisme, puisqu’il peut maintenant interpeller les élu·es faits à la main.
« Ce qui est génial avec iNaturalist, c’est qu’on a les preuves, qui sont démontrables, géolocalisées et publiques. »
Katherine Collin, co-organisatrice de Technoparc Oiseaux
À Rosemère, une opération similaire a permis de recenser la biodiversité sur le site de l’ancien golf municipal, interdit d’accès par les promoteurs qui en ont pris possession, raconte Julie Maurais, co-fondatrice du mouvement Rosemère vert. « Ils ont empêché la Ville d’avoir accès au terrain pour compléter leur étude environnementale, en disant que de toute façon il n’y avait pas de valeur écologique à ce terrain-là », explique-t-elle.
Les citoyen·nes ont toutefois pris les choses en main en documentant la présence de 29 espèces précaires, dont six jugées en état critique, sur le site. « On n’y avait pas accès, mais le golf est entouré de maisons, alors les gens prenaient des photos de leur cour arrière », explique-t-elle.
Cet effort a contribué à l’adoption d’une résolution de la Communauté métropolitaine de Montréal qui bloque tout développement résidentiel sur le golf au moins jusqu’en 2025, rappelle-t-elle.
Se rapprocher de la nature et de la cause
En plus d’aider à convaincre les élu·es, le travail d’identification des espèces par les citoyen·nes aide à les rapprocher de la nature et à susciter de l’engagement dans les projets de conservation, explique Julie Maurais.
« Si on veut protéger le site, il va falloir l’acheter avec l’aide de la Ville et dans une petite municipalité, ce genre de projet va affecter les taxes. Il faut donc que les gens aient à cœur la protection de leurs espaces verts pour rester engagés, même au niveau financier », conclut-elle.