
Le Canada fait pression contre la protection internationale des forêts
À quelques jours de la Conférence de l’ONU sur la biodiversité à Montréal, le Canada souhaite atténuer les réglementations de l’Union européenne sur la protection des forêts.
Le Canada se dit « très préoccupé » par les réglementations mises en place par un projet de loi de l’Union européenne, qui vise à interdire les importations de produits liés à la déforestation. Il craint notamment que ces réglementations entraînent des barrières commerciales importantes.
Le projet de l’Union européenne (UE) entend exiger aux entreprises de policer leurs chaînes d’approvisionnement, en fournissant la géolocalisation exacte des lieux de production.
« Les exigences du règlement entraîneront une augmentation des coûts, ajouteront de lourdes exigences de traçabilité et risquent d’avoir un impact négatif sur le commerce », peut-on lire dans une lettre originale adressée à la Commission européenne, écrite par l’ambassadrice canadienne auprès de l’UE Ailish Campbell, d’abord rendue publique par le média états-unien Politico.
Des pays d’Amérique latine, d’Afrique et de l’Asie du Sud-Est ont également fait pression contre le projet de loi de l’UE.
Des restrictions qui dérangent
Les restrictions de l’UE visent 14 types de produits, dont le soja, le cacao, le café et le bois, qui seront analysés pour vérifier le potentiel impact de leurs importations sur la déforestation et la dégradation des forêts. Alors que l’industrie forestière a rapporté plus de 25 milliards $ au Canada en 2020, la foresterie est une industrie clé au pays.
Pour éviter les impacts économiques qu’auraient les restrictions, l’ambassadrice du Canada propose trois solutions alternatives qui les allègeraient. D’abord, l’ambassadrice demande à ce que la traçabilité de la production soit exigée non pas par géolocalisation, mais seulement selon la région de production. L’ambassadrice propose également une mise en place progressive par phases, et demande finalement que la mise en œuvre du projet soit retardée.
Greenpeace en appelle à la transparence
Pour l’organisme Greenpeace, la pression que met actuellement le Canada contre la protection des forêts est très préoccupante. « Nous avons besoin d’actions plus rapides, pas d’actions plus lentes », défend Shane Moffatt, responsable de la campagne nature et alimentation de Greenpeace Canada.
« Le gouvernement actuel cherche à représenter les intérêts économiques de quelques compagnies forestières, plutôt que de respecter les engagements internationaux qu’ils ont pris pour protéger les forêts », déplore aussi Shane Moffat.
L’ambassadrice défend que le Canada est à bas risque de déforestation, mais ne dit rien du risque de dégradation des forêts, qui lui est bien présent. « Je trouve l’énoncé de l’ambassadrice très trompeur en ce sens », défend Shane Moffat. Il rappelle que le Canada n’atteint pas ses objectifs de protection des forêts : les forêts du pays sont largement sous-protégées et menacées par la perte de faune et les grandes quantités d’émissions de carbone chaque année, insiste-t-il
Une approche contradictoire
Contacté par Pivot, Ressources naturelles Canada a réaffirmé le désir du Canada de « continuer à travailler avec [se]s partenaires et alliés internationaux pour protéger la nature au pays et à l’étranger ».
Greenpeace affirme que si le gouvernement est sincère dans sa démarche, il aurait intérêt à accepter les réglementations de l’UE qui visent à augmenter la transparence dans la protection des forêts.
« La géolocalisation telle que proposée par l’UE permettra de savoir d’où viennent nos produits, que ce soit de zones menaçant la biodiversité ou encore de zones conflictuelles avec les peuples autochtones », explique Shane Moffat. « Cette transparence manque actuellement au Canada. En tant qu’hôte de la COP15 sur la diversité, le Canada aurait intérêt à envoyer un meilleur message à la communauté mondiale », croit Greenpeace.