Le gouvernement fédéral distribuera des chèques aux familles pour rembourser en partie les frais dentaires des enfants de moins de 12 ans. Cette mesure inquiète des intervenant·es communautaires qui dénoncent sa portée très limitée et qui craignent qu’elle ne repousse indéfiniment l’adoption du régime de soins dentaires universel que les libéraux et le Nouveau Parti démocratique (NPD) avaient promis d’adopter.
Pour les deux prochaines années, les parents sans assurance dentairs privée et disposant d’un revenu annuel de moins de 90 000 $ pourront recevoir annuellement un chèque allant de 260 $ à 650 $ pour les soins dentaires reçus par chacun de leurs enfants de moins de 12 ans. Les parents devront d’abord payer le dentiste de leur poche, puis seront remboursés par la suite, s’ils en font la demande et parviennent à se qualifier pour le programme.
C’est ce que prévoit la Loi concernant des mesures d’allègement du coût de la vie, adoptée le 27 octobre à la Chambre des communes, malgré l’opposition des conservateurs et du Bloc québécois.
Cette mesure est nettement insuffisante pour aider les nombreux·ses Québécois·es qui se privent de soins dentaires parce qu’ils n’ont tout simplement pas les moyens de payer pour voir le dentiste, prévient Stéphane Defoy, organisateur à la Clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles.
« Pour nous, les chèques sont des attrape-nigauds. Les gens sont contents de recevoir des chèques, mais ils ne règlent pas le problème de l’absence quasi totale de couverture publique. C’est juste un chèque! » dénonce-t-il.
De plus, bien que la nouvelle mesure cible uniquement les enfants, le manque d’accès aux soins concerne les gens de tous âges. En 2016, c’étaient 27 % des adultes québécois qui s’étaient privés de soins bucco-dentaires. Et tout indique que la situation ne s’est pas améliorée depuis, explique Colin Pratte, chercheur à l’Institut de recherche et d’informations socioéconomique (IRIS).
Le problème serait particulièrement criant chez les ainé·es, qui ne sont aucunement aidé·es par l’aide proposée par Ottawa, souligne Stéphane Defoy : « Beaucoup d’ainés ont des prothèses dentaires qu’ils conservent pendant des décennies parce qu’ils n’ont pas les moyens de les faire remplacer. Ça crée plein de problèmes parce qu’en vieillissant, le corps se transforme ».
Les inégalités dans l’accès aux soins bucco-dentaires sont très élevées au Canada, si on se compare à la Grande-Bretagne, par exemple, un pays comparable socio-économiquement, mais où les soins dentaires font partie du régime de santé universel, rappelle Colin Pratte.
À quand le régime universel?
Dans la présentation du projet de loi, le gouvernement Trudeau souligne que la distribution de chèque se veut une mesure temporaire en attendant le projet d’implantation d’un régime public plus étoffé, dont l’implantation avait été promise en marge de l’alliance parlementaire entre les libéraux et le NPD, au printemps dernier.
« Si c’est vraiment une première étape, tant mieux », accorde Stéphane Defoy. Toutefois, le programme mis en place est prévu pour deux ans, remarque-t-il : cela suggère selon lui que le gouvernement ne présentera fort probablement pas de nouvelle mesure pour les soins dentaires durant ce délai.
Le projet de refonte de la couverture dentaire étant une initiative du NPD, appuyée tièdement par les libéraux et rejetée par les conservateurs, il risque fortement d’être abandonné s’il n’est pas complété avant que les prochaines élections ne rebrassent les cartes, remarque-t-il. « Surtout qu’en situation minoritaire, les élections peuvent survenir n’importe quand, cette solution de compromis nettement insuffisante pourrait bien être la seule », prévient-il.