Le gouvernement Trudeau financera l’industrie pétrolière… pour réduire les gaz à effet de serre

Le nouveau plan canadien de réduction des GES mise sur un crédit d’impôt aux entreprises pétrolières et gazières, afin qu’elles développent des technologies pour capturer le carbone qu’elles génèrent – un procédé loin d’être fiable.

Le gouvernement Trudeau est trop généreux envers l’industrie fossile dans son nouveau plan d’action pour réduire les gaz à effet de serre (GES), dénoncent les groupes environnementaux. Les entreprises pétrolières et gazières ont droit à des cibles de réduction des émissions plus basses que les objectifs nationaux. On leur offre aussi des fonds publics, en espérant qu’elles deviennent carboneutres.

Le premier ministre Justin Trudeau a présenté mardi le Plan de réduction des émissions pour 2030, accompagné du ministre de l’Environnement Steven Guilbeault et du ministre des Ressources naturelles Jonathan Wilkinson.

Le Plan présente une série de mesures pour diminuer de 40 % les émissions de GES au Canada d’ici 2030, par rapport au niveau de 2005. Déjà, cette cible est jugée trop basse par l’opposition et par les groupes environnementaux. Selon les analyses de ces groupes, le Canada doit réduire ses émissions de 60 % s’il veut remplir son rôle à l’échelle mondiale, puisque le pays est l’un des plus importants pollueurs.

Mais la cible envisagée pour l’industrie fossile est encore moins ambitieuse : une diminution de seulement 31 % des émissions de GES serait demandée aux entreprises pétrolières et gazières. Ce secteur est pourtant le plus polluant d’entre tous. Il représente à lui seul plus du quart des émissions canadiennes.

Cette cible pourrait évoluer. Il s’agit d’une première estimation, mais des négociations doivent avoir lieu entre le gouvernement, l’industrie et d’autres organisations de la société civile. Elles mèneront à une entente pour plafonner officiellement la pollution du secteur fossile au niveau actuel, puis prévoir sa descente.

« Selon ce plan, certains secteurs – notamment le pétrole et le gaz – ne contribueront pas à leur juste part, laissant le fardeau aux travailleurs, aux consommateurs et aux autres industries », critique Caroline Brouillette, directrice des politiques nationales chez Réseau action climat Canada.

L’industrie fossile devrait pourtant être soumise à des cibles « proportionnelles à sa responsabilité », insiste-t-elle en entrevue. « Il faudra fixer un plafond plus ambitieux » lors de l’adoption du règlement, pose-t-elle.

Subventionner du pétrole vert

À terme, le Plan parie que l’industrie fossile deviendra carboneutre d’ici 2050. « Le secteur peut se transformer en producteur mondial de pétrole et de gaz les plus propres », lit-on dans le Plan. L’idéal d’une production pétrolière carboneutre est toutefois jugé irréaliste par des observateurs du milieu environnemental.

Pour atteindre ses objectifs, le gouvernement Trudeau ne veut pas forcer l’industrie du pétrole et du gaz à réduire sa production. Il mise plutôt sur la réduction graduelle de la demande dans le monde et sur des solutions technologiques.

C’est notamment en finançant l’industrie fossile que le gouvernement Trudeau espère limiter son impact sur le climat. En effet, la principale stratégie annoncée pour le secteur pétrolier et gazier consiste en un crédit d’impôt. Celui-ci doit inciter les entreprises à investir dans les technologies de capture du carbone généré lors de la production des combustibles fossiles. Les détails du programme restent à préciser.

Les technologies de capture du carbone sont très critiquées par les groupes environnementaux, puisqu’elles sont incertaines, voire risquées. Elles serviraient surtout de justification aux entreprises fossiles pour poursuivre et même augmenter leurs activités. « Le captage et le stockage du carbone, ce n’est pas une solution climatique », écrivaient ainsi plus de 500 organisations, dans une lettre envoyée l’été dernier aux gouvernements du Canada et des États-Unis.

« C’est une dangereuse distraction menée par les mêmes grands pollueurs qui ont causé l’urgence climatique. Nous ne devons pas retaper les combustibles fossiles, nous devons les abandonner. »

En attendant, l’industrie fossile, très profitable, devrait assumer elle-même les coûts nécessaires pour diminuer sa pollution, estiment aussi les organisations écologistes.

Pressions sur les politicien·nes

Le manque de fermeté du gouvernement Trudeau à l’égard du secteur fossile met encore en évidence l’influence de cette industrie sur les décideurs politiques, selon Greenpeace Canada. « Après trois décennies de lobbying par l’industrie pétrolière qui a mis en échec les plans climatiques précédents, il est essentiel d’augmenter la pression sur les politiciens pour s’assurer qu’ils forcent enfin l’industrie à faire sa juste part », a déclaré Patrick Bonin, responsable de la campagne Climat-Énergie.

Depuis l’arrivée au pouvoir du gouvernement Trudeau, le lobby fossile est encore plus présent que sous le gouvernement conservateur de Stephen Harper, pourtant déjà très proche de l’industrie. Certains analystes parlent même d’un « État profond pétrolier » qui se serait développé au Canada.

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