Ça n’intéresse que les intellos : élections et éducation supérieure
Le 15 septembre dernier, Alexandre Sirois remarquait dans La Presse qu’à la mi-temps de la présente campagne électorale, les chef·fes n’avaient à peu près pas parlé d’éducation.
Si on ne parle pas d’éducation, on ne parle évidemment pas davantage des cégeps ou des universités, mais je me suis tout de même demandé ce que les plateformes des principaux partis disent à ce propos.
CAQ : La pensée magique
Il a fallu attendre le 20 septembre pour que la CAQ finisse par présenter un engagement en matière d’enseignement supérieur : l’octroi de 40 millions $ pour la création de 20 chaires de recherche en études québécoises. Je pourrais disserter pendant des pages sur cette évidente volonté de politiser la recherche universitaire et de la conformer aux valeurs d’un gouvernement conservateur, mais je souhaite m’arrêter sur un problème bien plus élémentaire.
Vous les trouverez où, vos chercheurs et vos chercheuses, M. Legault? Les frais de scolarité et le coût de la vie continuent à augmenter tandis que les fonds de recherche n’offrent pas suffisamment de bourses de maîtrise et de doctorat.
Alors que les étudiant·es s’endettent et peinent à trouver des logements abordables, les services d’aide psychologique sont débordés. Ajoutons à cela des années de dévalorisation institutionnalisée des disciplines jugées trop peu utiles sur le plan économique et on comprend pourquoi les départements d’Histoire se vident.
Et si on commençait par revaloriser les sciences humaines et s’assurer que nos chercheurs et chercheuses puissent se nourrir, se loger et finir leurs études sans s’endetter?
Aucune des plateformes électorales ne propose de réflexion structurelle sur le rôle et le financement des universités comme elles le font par exemple en matière de santé.
PQ : En français!
De son côté, le Parti québécois se contente de promettre l’imposition de l’épreuve uniforme de français à l’ensemble des étudiant·es de niveau collégial ainsi que l’octroi du bâtiment de l’ancien hôpital Royal Victoria à l’UQAM ou l’Université de Montréal. Il est assez paradoxal que le parti obnubilé par « disparition du français » ne s’intéresse guère à l’enseignement supérieur.
Faut-il rappeler que la science, c’est aussi de la culture? Que nos universités produisent des chercheurs et des chercheuses de haute qualité qui contribuent au rayonnement du Québec, de sa culture et de sa langue?
Se prétendant social-démocrate, le PQ ne propose cependant rien pour soutenir les étudiant·es de cycles supérieurs, aucune réduction des frais de scolarité, aucune mesure pour valoriser la recherche en français et aucune mesure pour améliorer les conditions matérielles d’existence de ceux et celles qui la font.
Pour paraphraser un grand Québécois, en matière d’enseignement supérieur, le Parti québécois veut sauver le français, mais laisser crever ceux et celles qui le parlent.
PCQ : Libârté!
Le parti d’Éric Duhaime, peut-être traumatisé par la grève étudiante de 2012, souhaite apporter des modifications à la Loi sur l’accréditation et le financement des associations étudiantes (dite « Loi 32 ») afin de notamment limiter le prélèvement automatique de cotisations chez les membres. Un risible non-enjeu qui plait sans doute à sa base antisyndicale.
Prétextant des « atteintes nombreuses et répétées envers la liberté d’expression dans les cégeps et les universités », le parti s’engage ensuite à forcer les institutions à se doter de codes de conduite sur la question.
Panique morale montée de toute pièce, la prétendue « crise de la liberté académique » telle qu’on la trouve actuellement dans les médias n’a toujours été qu’un dog whistle. Cela signifie-t-il qu’il ne s’agit pas d’un enjeu? Bien au contraire.
Dans un rapport publié en septembre 2020, le scientifique en chef du Québec Rémi Quirion identifie parmi les principales menaces à la liberté académique : le déclin de la perception de l’université en tant que service public, l’importance excessive accordée à la recherche appliquée, la marginalisation de certains programmes jugés moins utiles et l’influence grandissante du secteur privé sur la recherche.
Éric Duhaime s’attaquera-t-il à ces phénomènes? On peut en douter.
PLQ : Le diable et les détails
Il faut saluer la volonté du PLQ d’augmenter le nombre de bourses octroyées par les fonds de recherche du Québec, comme le milieu universitaire le demande depuis plusieurs années. Mais en lisant l’ensemble du programme, on constate que cette mesure ne s’inscrit pas dans une réflexion globale sur le financement et le rôle des universités.
Pour Dominique Anglade, l’éducation reste une marchandise et l’université une machine à produire de la main-d’œuvre. Rien de plus.
Par exemple, le programme du PLQ indique explicitement que l’enseignement supérieur « a permis aux Québécoises et aux Québécois de se développer et à notre économie d’innover et d’évoluer » et ajoute que le développement de pôles d’enseignement en région doit « assurer un meilleur équilibre du bassin de main-d’œuvre partout au Québec ». L’idée centrale reste donc d’arrimer les programmes d’enseignement aux entreprises privées et d’encourager les programmes jugés « utiles ».
Sur les questions d’éducation, le PLQ se trouve toujours à l’ère Charest.
QS : Mais encore?
Il faut aussi saluer les engagements de Québec Solidaire consistant à réduire graduellement les frais de scolarité (dans une perspective de gratuité), de rémunérer les stages obligatoires et d’accroitre le financement des institutions francophones. La plateforme électorale du parti orange brille cependant par son extrême imprécision.
Qu’en est-il du financement des lettres, des arts, des sciences humaines et de la recherche expérimentale? Qu’en est-il des Fonds de recherche du Québec? Qu’est-ce qu’on fait avec le programme d’Aide financière aux études (AFE)? Que fait-on des administrations universitaires de plus en plus centralisées et du déclin de la démocratie universitaire?
Les frais de scolarité demeurent un problème parmi d’autres en enseignement supérieur, un arbre qui cache la forêt de toute une structure à revoir.
Un parti composé d’un si grand nombre d’ancien·nes militant·es d’associations étudiantes devrait bien le savoir.
On ne se bat pas dans les autobus
Comme l’indique le professeur à l’UQAM Michel Lacroix, « les universités paraissent florissantes, mais les universitaires sont mal en point, ce qui menace toutes les facettes des universités ». Or, tant les grands médias que les partis jugent au mieux que l’enseignement supérieur n’intéresse pas « le vrai monde » ou au pire qu’il n’existe pas de problèmes majeurs à aborder.
Aucune des plateformes électorales ne propose de réflexion structurelle sur le rôle et le financement des universités comme elles le font par exemple en matière de santé.
Peut-être faudrait-il commencer à se battre dans les autobus.