Paysage du Tchad, au Sahel | Photo : ONU Tchad (CC BY-SA 2.0)
Nouvelle

Prêter plutôt que donner : quand l’aide climatique internationale devient un fardeau

Les prêts faits par les pays riches aux pays d’Afrique pour s’adapter à la crise climatique augmentent en fait leur vulnérabilité en creusant leur endettement.

L’aide internationale pour l’adaptation aux changements climatiques serait insuffisante et inadaptée à la réalité des pays qui la reçoivent, prévient Oxfam dans un rapport. Cette aide prenant trop souvent la forme de prêts, elle représente un lourd fardeau pour les populations qui contribuent pourtant le moins aux émissions de gaz à effets de serre.

Lors de la Conférence des Nations Unies sur le climat de Copenhague en 2009, les pays participants s’étaient engagés à fournir 100 milliards $ US chaque année aux pays en développement pour les aider à s’adapter aux conséquences des changements climatiques. Non seulement cet engagement tarde à se réaliser, mais le financement actuellement disponible prend trop souvent la forme de prêt, selon Oxfam.

Pour les pays du Sahel, une région d’Afrique parmi les plus vulnérables aux effets de la crise climatique, c’est 62 % de l’aide accordée qui prend la forme de prêts, a recensé l’organisme.

Ces prêts seront un lourd fardeau à porter dans les prochaines années pour ces pays qui sont déjà parmi les plus pauvres du monde, prévient le chargé de programmes en changement climatique et en environnement d’Oxfam-Québec, Julien Dubuc. Lorsque ces pays accumulent trop de dettes, des organisations comme le Fonds monétaire international (FMI) risquent d’intervenir et de les contraindre à couper dans leurs programmes sociaux, prévient-il.

« Comment est-ce qu’on va faire pour aider les populations à s’adapter aux changements climatiques si elles doivent toujours plus d’argent? Ça ne fait aucun sens », déplore Julien Dubuc.

Des conséquences immédiates

Pour les pays du Sahel, les conséquences du réchauffement planétaire se font déjà bien réelles, rappelle le chargé de projet. Les sécheresses et autres perturbations des précipitations y entrainent déjà de grandes pressions sur le secteur agricole, qui emploie plus de 60 % des personnes de la région, selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du Climat (GIEC).

Une situation qui entraine une grave insécurité alimentaire dans la région, puisqu’au-delà de l’économie, l’agriculture y sert principalement à nourrir directement la population locale, rappelle Julien Dubuc.

Une dette morale pour les plus riches

Bien qu’ils vivent directement les conséquences des changements climatiques, les pays du Sahel n’y ont que très peu contribué, rappelle-t-il. La moyenne d’émissions annuelles de CO2 par personne y est légèrement inférieure à une demi-tonne par habitant, selon l’ONU. En comparaison, les Canadien·nes en émettent plus de quinze tonnes chacun·e chaque année.

« Si nous avions tous le niveau de production de GES des pays du Sahel, il n’y en aurait pas, de crise climatique. C’est nous qui sommes riches, c’est nous qui avons créé le problème, c’est à nous de gérer ça », résume Julien Dubuc.

Par ailleurs, il faudra prendre soin d’impliquer les populations et les organismes locaux dans l’élaboration et la mise en œuvre des programmes d’adaptation, prévient-il. Selon Oxfam, ce serait moins de 1 % des programmes d’aides qui seraient actuellement gérés par des acteurs issus des pays recevant l’aide financière.

Souvent, les bailleurs de fonds veulent aider, mais aussi tirer profit de leur contribution, par exemple en fournissant de la machinerie agricole fabriquée dans leur pays, explique Julien Dubuc.

 « Les populations locales comprennent leur environnement. Les rapports du GIEC sont très précis, mais ne disent pas ce qui se passe concrètement dans une vallée ou dans un village. C’est clair que si on veut être efficace, il faut travailler dans une optique de partenariat » avec les personnes directement concernées, conclut-il.

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