Nouvelle

Une autre résidence privée pour aînés met ses locataires à la porte

La fermeture d’une autre résidence privée pour aîné·es dans le Centre-Sud de Montréal, après celle du Mont-Carmel, soulève des inquiétudes sur la diversité du quartier et l’inaction gouvernementale.

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Sans tambour ni trompette, l’administration a vidé de ses habitant·es la Résidence Sainte-Catherine, dans l’arrondissement Ville-Marie. Située dans un ancien couvent de la congrégation Notre-Dame, cette résidence privée pour aîné·es (RPA) de 99 places n’est pas la première à fermer ses portes dans le quartier, déracinant ainsi ses habitant·es.

« Ce sont des aînés qui vivent parfois dans le centre-ville depuis des années, qui aiment la proximité des services », explique Hélène Laviolette, codirectrice générale de l’organisme Action Centre-Ville. « On veut une métropole mixte, avec de la diversité, mais on se rend compte qu’il y a un mouvement qui fait que les aînés doivent quitter de force le centre-ville », déplore-t-elle. 

La codirectrice d’Action Centre-Ville raconte que la fermeture s’est faite très rapidement. L’administration a annoncé la nouvelle aux résident·es le 10 janvier. Dans la lettre, dont Pivot a obtenu copie, on peut lire qu’« en raison de la pandémie, nous faisons face à une pénurie de main-d’œuvre et des difficultés financières insurmontables ». La lettre se poursuit en annonçant la cessation des activités à titre de RPA « dès que possible lorsque l’ensemble des résidents auront été relocalisés ». La lettre précise que cette « relocalisation » devait se faire « idéalement au plus tard d’ici le 7 mars 2022 ».

Le porte-parole du CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, Danny Raymond, explique que « chaque résident avait une travailleuse sociale dédiée pour la relocalisation ». La majorité des personnes ont été relocalisées dans d’autres RPA. Le porte-parole affirme que l’administration de la RPA a respecté le délai obligatoire de six mois pour l’annonce de l’arrêt des services. Le CIUSSS n’a pas confirmé la date à laquelle il a été mis au courant de la fermeture.

La Résidence Sainte-Catherine fait partie du groupe des Résidences privilège. Avec la plus récente fermeture, le groupe ne détient plus que deux RPA, à Rigaud et à Saint-Jean-sur-Richelieu. Le groupe possédait deux RPA à Repentigny, qui ont été fermées au cours des dernières années. Une RPA à Pierrefonds a aussi été vendue à un promoteur qui prévoit en faire un développement domiciliaire. Les actionnaires du groupe Résidences privilège habitent actuellement en Suisse.

Rejoint au téléphone, le directeur de l’entreprise, Sylvain Gauthier, assure que la plus récente fermeture ne s’est pas faite dans le cadre d’un projet d’affaires. « Il fallait cesser nos opérations en raison de la pénurie de main-d’œuvre », a-t-il affirmé. De plus, les mesures sanitaires liées à la pandémie auraient freiné les visites et l’arrivée de nouveaux locataires. « On avait 50 % de vacance », dit-il.

Le directeur assure qu’il n’y a pas de projet de fermeture pour les deux résidences encore détenues par le groupe Privilège. De plus, il affirme ne pas connaître les intentions des actionnaires concernant l’avenir du bâtiment.

Mieux encadrer les résidences privées pour aîné·es

Le Regroupement des organismes aînés des Faubourgs (ROAF), dont fait partie Action Centre-Ville, a demandé à la Ville de surveiller l’immeuble pour voir s’il allait être mis en vente. « On a demandé à la Ville d’exercer son droit de préemption afin qu’elle puisse l’acquérir et en faire du logement social pour aînés », dit Hélène Laviolette. « Il y a des projets qui attendent un lieu pour naître. » 

Pour la députée solidaire de la circonscription, Manon Massé, cette situation est inquiétante. Elle déplore le fait que le gouvernement de la CAQ n’a pas voulu intervenir. Elle rappelle que lors de l’étude du projet de loi 101 sur la maltraitance envers les aîné·es, son parti avait proposé plusieurs amendements, qui ont été refusés par le gouvernement.

« Les solutions existent, ça pourrait être amélioré, mais la ministre [responsable des Aînés Marguerite Blais] a décidé de ne rien faire », s’insurge Mme Massé.

« La certification [des RPA] doit venir avec des obligations », déclare-t-elle. « Les RPA doivent ouvrir leurs livres » afin de valider les difficultés financières, dit-elle. Pour la députée, il faudrait aussi rallonger le délai pour la cessation des services. De plus, un comité de résident·es dans chaque RPA serait nécessaire, croit-elle, afin d’assurer « une meilleure qualité de vie et une meilleure défense de droit ».

La mobilisation des résistant·es de la résidence du Mont-Carmel, aussi menacé·es d’expulsion récemment dans le même quartier, illustre bien la force dont on peut disposer quand on se connaît entre voisin·es.

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