COVID-19 : Les policiers ont distribué 123 amendes sanitaires par jour l’an dernier au Québec

Le gouvernement a misé sur des mesures punitives pour gérer la crise de santé publique. Et les policiers ont sévi avec intensité, peu importe les variations de cas de COVID.

Pour faire respecter les mesures sanitaires au Québec, les autorités ont distribué près de 50 000 constats d’infraction entre la deuxième et la quatrième vague. Les policiers de la province ont été parmi les plus sévères au pays. Or, le rythme de leurs interventions n’était pas lié à l’évolution de la gravité de la pandémie. La stratégie punitive adoptée par le gouvernement Legault a eu une efficacité incertaine, mais elle a mis une pression considérable sur les plus vulnérables.

Du 21 septembre 2020 au 3 octobre 2021, les policiers du Québec ont émis un grand total de 46 653 constats d’infraction liés aux mesures sanitaires. C’est-à-dire qu’en moyenne, chaque jour, 123 constats étaient remis à des citoyen·nes. Tout près de la moitié de ces contraventions (22 544) concernent le couvre-feu, en vigueur de janvier à mai.

C’est ce que montrent les informations compilées par l’Observatoire des profilages, grâce à une demande d’accès à l’information auprès du ministère de la Sécurité publique.

Il s’agit d’un niveau d’intervention policière particulièrement élevé, comme le révèlent quelques comparaisons. Par exemple, à Montréal durant l’année observée, les policiers ont remis plus de constats d’infraction sanitaires (16 476) que l’ensemble des constats émis durant l’année 2019, avant la pandémie (12 586, si on additionne les infractions aux règlements municipaux, aux lois provinciales et aux lois fédérales, mais en excluant les infractions de sécurité routière).

Le Québec est aussi l’une des provinces canadiennes où la gestion punitive de la pandémie a été la plus intense. Durant la deuxième vague, en proportion de la population, les corps policiers québécois ont émis environ deux fois plus de constats d’infraction (51 par 100 000 habitants) que la Nouvelle-Écosse (21), l’Ontario (22) ou la Colombie-Britannique (28). Seul le Manitoba (69) dépassait le Québec, selon les données disponibles.

« On a puni beaucoup au Québec », résume Véronique Fortin, co-auteure de l’analyse et professeure à la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke. « On a choisi d’avoir recours aux forces policières pour faire respecter les règles sanitaires, pour gérer la crise de santé publique. »

Rappelons que le gouvernement Legault a adopté par décret plusieurs obligations et interdictions sanitaires dont le non-respect constitue une infraction pénale, s’accompagnant d’amendes allant de 1000 $ à 6000 $.

Des punitions sans lien avec la contagion

Par ailleurs, la sévérité des policiers au fil du temps ne semble pas liée à l’évolution de la gravité de la pandémie. Au sommet de la deuxième vague, en décembre 2020, le nombre de constats émis était plutôt bas. À l’inverse, tandis que les cas diminuaient, en janvier 2021, le nombre d’amendes avait considérablement augmenté, lors de l’ajout de nouvelles restrictions sanitaires par le gouvernement Legault, dont le couvre-feu. C’est seulement lorsque le couvre-feu a finalement été retiré, en mai, que les policiers ont réduit notablement leur activité.

« La remise de constats d’infraction est restée très élevée malgré les variations de cas de COVID. Avec les interdictions et les obligations sanitaires, on a donné aux policiers des outils, des leviers d’interventions : indépendamment du nombre de cas, ils les ont utilisés », constate Jacinthe Poisson, co-auteure de l’analyse pour l’Observatoire des profilages.

Nombre hebdomadaire de nouveaux cas de COVID-19 et de constats émis

Source : Observatoire des profilages, Une approche punitive alarmante face à la pandémie de COVID-19 : analyse des données policières, mars 2022

De même, la différence de sévérité policière entre les régions du Québec ne semble pas non plus s’expliquer par l’état de la pandémie. « On sait que Montréal, Laval et la Montérégie ont été l’épicentre de la pandémie. Mais si on constate que Montréal avait un taux de remise de constats d’infraction très, très élevé, ce n’était pas le cas pour Laval et la Montérégie », signale Jacinthe Poisson.

C’est en effet dans la métropole que les interventions sanitaires punitives ont été les plus intenses. Plus du tiers de tous les constats y ont été émis, pour un taux de 813 constats par 100 000 habitants. Le taux est environ deux fois moins élevé à Laval (449) et en Montérégie (393).

« Ça nous montre que c’est un choix politique, que ce n’est pas une nécessité, une obligation pour aplatir la courbe. D’autres régions ont fait d’autres choix, moins répressifs », estime Jacinthe Poisson.

Punir et prévenir

Si les policiers ont eu autant de marge pour intervenir, c’est d’abord que le gouvernement québécois a opté pour une approche punitive de la pandémie, plutôt que de se concentrer sur la sensibilisation et à la prévention, soulignent les auteures de l’analyse. Elles rappellent d’ailleurs que lors de la deuxième vague, le premier ministre Legault a ouvertement insisté pour que les policiers distribuent plus d’amendes.

Pourtant, « des mesures sanitaires peuvent être mises de l’avant avec des stratégies d’éducation, de promotion, sans nécessairement y associer des infractions pénales et imposer des sanctions sévères », illustre Jacinthe Poisson.

Pendant ce temps, le gouvernement n’a pas investi dans des mesures comme la ventilation des écoles, souligne Véronique Fortin. « Ce sont des solutions qui sont beaucoup plus structurelles que de responsabiliser les individus en passant par des punitions. »

L’efficacité des mesures punitives pour assurer de bons comportements sanitaires n’est d’ailleurs pas établie clairement, souligne l’analyse de l’Observatoire des profilages.

Cependant, on peut croire que les interventions policières et les amendes ont un impact négatif démesuré sur les plus vulnérables. C’est ce que suggèrent les recherches antérieures, de même que les observations des organismes communautaires sur le terrain.

« Les groupes communautaires qui travaillent auprès de personnes marginalisées nous rapportent que l’approche punitive a alimenté des pratiques policières discriminatoires et abusives comme le profilage racial et social », signale ainsi la Ligue des droits et libertés, partenaire de la recherche.

Les personnes itinérantes, par exemple, sont bien plus exposées aux interventions policières et n’ont pas toujours les moyens de se plier aux règles en vigueur, soulignent Véronique Fortin et Jacinthe Poisson. Les montants élevés des amendes représentent aussi un fardeau plus lourd pour les personnes les plus précaires, rappellent-elles.


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