Surpopulation et climat, une équation insoluble?

CHRONIQUE | « De toute façon, on est trop d’humains sur Terre! », qui n’a jamais entendu cette phrase lâchée innocemment au détour d’une conversation sur l’état de l’environnement. Je l’entends trop souvent et cela m’effraie.

Pour les lectrices et lecteurs très pressés, la réponse est non et la réponse simplifiée est I=PAT. Pour les autres, je vous rassure, pas besoin d’être un.e génie en math pour comprendre cette équation… et que le nombre d’humains sur la planète n’est pas l’unique variable de la crise climatique et de l’effondrement de la biodiversité. 

« De toute façon, on est trop d’humains sur Terre! », qui n’a jamais entendu cette phrase lâchée innocemment au détour d’une conversation sur l’état de l’environnement. Je l’entends trop souvent et cela m’effraie. Je ne suis pas certaine que celles et ceux qui utilisent cet argument envisagent les risques sociaux qu’il cache et son raccourci inexact.

D’abord, il met fin à toutes discussions constructives pour agir face aux changements climatiques.

Si c’est vraiment la prétendue surpopulation le problème, on fait quoi avec ça? On contrôle les naissances (et donc, sûrement, les femmes)? On tue des gens? On laisse faire des pandémies? On se résigne à une augmentation de + 4°C?

Ensuite, cela ouvre la porte pour pointer un doigt accusateur vers les pays peuplés et/ou avec une forte natalité qui figurent parmi les premiers à subir les impacts environnementaux, malgré leur faible contribution aux émissions de gaz à effet de serre actuelles et historiques. La question des émissions historiques est cruciale, mais puisque les mots me manquent ici, je m’appuie sur l’excellente analyse de Caroline Brouillette qui démonte élégamment l’argument du « Oui, mais la Chine ».

Avant d’aller plus loin, je veux souligner l’objectif de vulgarisation de mon texte comme porte d’entrée vers une meilleure compréhension des mécanismes de l’impact carbone. Il n’y a pas de réponse simple à un problème complexe et planétaire, mes quelques centaines de mots reposent sur des milliers d’autres en termes d’études et d’analyses : autant dire qu’il y a de la place pour beaucoup de nuances!

I=PAT, CQFD?

Allons-y avec la définition des termes de cette équation qui, au début des années 1970, décrit l’impact de l’activité humaine sur l’environnement simplement. En gros, l’impact environnemental (I) découle de trois autres facteurs : la taille de la population (P), la richesse de celle-ci (A, qui veut dire « Affluence » en anglais et qui sous-entend que la richesse engendre une forte consommation de ressources) et, enfin, l’efficacité environnementale des technologies existantes (T). Autrement dit, pour réduire l’impact environnemental d’une population, on peut agir sur sa taille, son niveau de consommation de ressources et sur l’efficacité de ses technologies.

Pour les plus motivé.e.s, une version affinée de cette équation est notamment à lire dans cette étude et une version modernisée s’appelle l’équation de Kaya

Je mets directement les deux pieds dans l’éthique : l’idée de revendiquer un quelconque contrôle planifié et généralisé de la taille d’une population (P) pour agir face aux crises environnementales m’est totalement inacceptable. De plus, s’il fallait suivre ce raisonnement immoral, c’est la taille de la population dans les pays aisés qu’il faudrait contrôler, puisque c’est là qu’est le plus grand impact environnemental. Qui s’étonnera qu’un enfant québécois ait une empreinte environnementale plus grande qu’un enfant somalien? 

Humainement et moralement, I=PAT permet donc de répondre à l’argument du « trop sur Terre » en jouant sur deux autres facteurs : l’efficacité des technologies et la diminution de la consommation. 

La technologie (T)… oui, mais. 

Améliorer la technologie semble la voie royale dans notre société pour faire face aux enjeux environnementaux et, effectivement, il faut l’emprunter! Certaines technologies sont discrètes, mais efficaces, comme les pommeaux de douche écoefficaces (un coup de cœur environnemental). 

D’autres, en revanche, promettent beaucoup, mais, dans les faits, sont encore loin d’être abouties alors que l’urgence climatique et l’effondrement de la biodiversité avancent à bon train. Par exemple, la captation du CO2. Et la-dessus, je vous invite à lire ce post partagé par Jean-Marc Jancovici, un célèbre environnementaliste français, concernant la plus grande usine de capture du CO2 dans l’air qui se prépare en Écosse. Plus proche de nous, en Alberta, une enquête de Global Witness à révélé que Quest, une usine de captage de carbone du géant pétrolier Shell libérait en fait davantage de CO2 qu’elle n’en stockait.

En plus, pour que les technologies propres permettent concrètement une réduction des émissions de GES à l’échelle planétaire, il faut qu’elles bénéficient à la population de tous les pays. La notion de « leapfrogging environnemental » est d’ailleurs de plus en plus discutée et débattue. C’est l’idée de permettre aux populations en développement de sauter directement vers des technologies propres et efficaces, notamment grâce au transfert de connaissances des pays riches vers les pays plus pauvres.

Mais j’entends déjà des environnementalistes s’inquiéter du maudit effet rebond (une plaie environnementale!) qui fait qu’une meilleure technologie, plus accessible et moins chère… augmente la consommation, grrr! Vous savez, ces voitures toujours plus efficaces, mais finalement plus lourdes et plus grosses (et, tant qu’à faire, pourquoi ne pas en avoir deux ou trois par foyer).

Bref, développer des technologies moins énergivores qui utilisent moins de ressources planétaires est donc un facteur important, mais compter uniquement sur la technologie est un pari très risqué, voire voué à l’échec.

La richesse, oui… Mais pas la consommation 

Dans une économie capitaliste basée sur la croissance, cela semble difficile de volontairement mettre un frein à la consommation. Pourtant, il s’agit du facteur sur lequel nous avons le grand pouvoir de contrôle pour diminuer rapidement et concrètement l’empreinte carbone, vous pouvez calculer la vôtre ici. Opter pour une mobilité durable, une consommation raisonnable de produits animaliers ou fermer la porte à la fast-fashion sont autant de gestes qui ont un impact significatif : cela peut aussi bien découler d’une démarche personnelle que collective. 

Mais avons-nous toutes et tous le même pouvoir d’action? Une faiblesse de I=PAT, c’est que la formule manque de finesse, le trait est trop épais pour saisir les nuances. D’autres outils sont nécessaires pour l’affiner, comme les recherches sur les inégalités sociales galopantes : plus on est riche, plus on consomme. D’ailleurs, au Canada, « les émissions de GES annuelles avoisinent les 10 tonnes par habitant pour les 50 % les plus pauvres, mais 190 tonnes pour les 1 % les plus riches. » 

La démarche en construction du G15+ avec ses indicateurs du bien-être au Québec a tout d’intéressant. Peut-on être riche d’autres choses que de consommation de ressources planétaires, comme d’éducation et de santé?

Alors, si on vous dit qu’il y a trop d’êtres humains sur Terre, pourquoi ne pas répondre qu’il serait peut-être plutôt temps de redéfinir ce qu’est la richesse, pour qu’elle ne soit plus un synonyme de surconsommation? 

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