L’OTAN, la Russie et l’Ukraine
Il est fascinant de voir à quel point nos médias sont inféodés à la géopolitique dictée par les États-Unis. Si la population en général se demande pourquoi la Russie semble vouloir envahir l’Ukraine, c’est qu’on entend juste cela dans les médias. Selon cette version des faits, les Russes sont des méchants qui ont des ambitions de conquérants. Je propose ici de changer de perspective, et de s’intéresser à des faits moins médiatisés.
Les États-Unis ont 800 bases militaires à travers le monde. Ils ont, tout au long de leur histoire, été en guerre. 320 000 soldats américains sont encore présents partout en Europe. C’est trois fois plus que le nombre de soldats russes à la frontière de l’Ukraine. Le complexe militaro-industriel des États-Unis est financé à la hauteur de 750 milliards $ US. Le budget de celui des pays européens de l’OTAN est de 240 milliards $ US. Le budget militaire russe est d’environ 65 milliards $ US.
Une stratégie d’encerclement
Depuis 1990, l’OTAN s’est élargie pour inclure 14 nouveaux pays malgré sa promesse solennelle de ne pas dépasser les frontières de l’Allemagne. Les États-Unis ont installé de nombreuses bases militaires en Europe. L’encerclement de la Russie s’est sans cesse accru. Le 3 avril 2008 à Bucarest, les chefs d’État et de gouvernement participant à la réunion du Conseil de l’Atlantique Nord se montrèrent même favorables à l’insertion de l’Ukraine et de la Géorgie au sein de l’OTAN. Cet engagement a été réitéré le 8 juin 2021 par le secrétaire d’État des États-Unis Anthony Blinken : « Nous soutenons l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN. Nous travaillons tous les jours avec Kiev en ce sens. » On ne peut donc pas vraiment dire que les craintes russes soient sans fondement.
De l’encerclement à la provocation
Les États-Unis contribuèrent ensuite en février 2014 au remplacement du gouvernement ukrainien en place par un gouvernement d’extrême droite, favorable aux États-Unis et désireux de faire partie de l’OTAN.
Ce fut la goutte qui fit déborder le vase. En réaction à ces provocations répétées, l’annexion de la Crimée eut lieu la même année. Du point de vue de la Russie, ce fut un juste retour dans la mère-patrie de cette terre cédée en 1954 à l’Ukraine.
Cette annexion sera quand même ensuite utilisée par l’OTAN pour justifier la mise en place des premiers missiles anti-missiles. Implantés tout autour de la Russie, ces missiles pouvaient tout aussi bien permettre des tirs défensifs sol-air que des tirs offensifs sol-sol contre le territoire russe. Cela était en contravention totale avec le traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI) qui était toujours en vigueur à l’époque.
Les États-Unis de Trump se retirèrent du traité FNI en 2019.
Les motivations russes
En réaction à ces nombreuses provocations, les Russes ont récemment massé 100 000 hommes à la frontière de l’Ukraine. Les médias ‘mainstream’ ont laissé entendre que les Russes voulaient envahir ce pays. Mais on peut aussi estimer, au contraire, qu’ils ont agi ainsi pour parvenir enfin à percer la carapace médiatique occidentale et faire entendre leur version des faits, l’objectif étant d’obtenir un engagement de ne pas inclure l’Ukraine dans l’OTAN. Effectivement, alors que plusieurs soutiennent que l’OTAN n’a cessé de s’élargir depuis 1990 pour encercler la Russie, ce point de vue ne s’était pas bien fait entendre dans nos médias, jusqu’à récemment.
Or, dans le contexte présent, avec tous les dangers que comporterait une guerre contre l’Ukraine, les médias sont de plus en plus obligés de rapporter les conditions imposées par la Russie. Telle est donc vraisemblablement la raison pour laquelle les Russes se sont rapprochés militairement de l’Ukraine. C’est un instrument de pression médiatique qui permet de se sortir d’une version simplificatrice, biaisée et unilatérale qui relève davantage du manichéisme que de l’analyse politique. Il faut en tout cas que la population occidentale jette un regard un peu plus critique sur les manœuvres déployées par les États-Unis.
Les motivations américaines
Quelles sont les motivations expliquant le comportement des États-Unis et de l’OTAN? Les Britanniques et les Américains ont envoyé récemment de l’équipement militaire en Ukraine. En faisant monter la pression et en favorisant l’escalade guerrière, ils espèrent imposer une loi à la Chambre des Représentants et au Sénat qui serait la « mère de toutes les sanctions » (The Mother of all sanctions). Cette loi impliquerait notamment de couper les liens de dépendance de l’Europe face au pétrole et au gaz venant de Russie. C’est du moins ce qui est suggéré par l’excellent média Canadian dimension :
« L’enjeu géostratégique de l’affrontement entre l’OTAN et la Russie, dont on parle peu, est de découpler l’Europe de la Russie, pour mettre fin à la dépendance européenne vis-à-vis des hydrocarbures russes. Plus de 40 % du gaz naturel et 20 % de l’essence consommés en Europe proviennent de Russie. Les pays les plus dépendants sont l’Allemagne, l’Italie et la Turquie. »
Même la revue Capital semble leur donner raison.
Je ne sais pas si, à la lumière de tout ceci, il faut encore se poser la question de savoir comment stopper les Russes. Mais à mon avis, la question se pose cent fois plus de savoir comment stopper les Américains.