Proches aidantes : les femmes font le gros du travail, et elles sont fatiguées

Les soins délégués aux proches par le système de santé retombent d’abord sur les épaules des femmes, montrent les derniers chiffres de Statistique Canada.

Les femmes sont surreprésentées parmi les proches aidant·es. Ce sont aussi elles qui offrent les soins les plus soutenus. Or, bon nombre d’aidant·es subissent des contrecoups sur leurs finances ou leur santé mentale et aimeraient bénéficier d’un meilleur soutien.

C’est ce qu’indiquent les dernières informations rendues publiques par Statistique Canada. Les données, issues d’une enquête réalisée en 2018, demeurent similaires à celles des éditions antérieures.

Cette année-là, un quart des Canadien·nes de plus de 15 ans ont déclaré avoir fourni des soins à un·e proche. Les femmes représentaient un peu plus de la moitié (54 %) de ces aidant·es.

Et elles sont encore plus surreprésentées parmi les personnes qui ont prodigué les soins les plus soutenus. Parmi les aidant·es disant avoir consacré au moins 20 heures aux soins chaque semaine, les deux tiers (64 %) étaient des femmes.

Elles sont aussi plus nombreuses parmi les personnes ayant fourni des soins sur une période continue, tandis que les hommes étaient plus susceptibles de fournir des soins ponctuels ou intermittents.

Enfin, les données montrent que la répartition des tâches est elle aussi genrée : les femmes accomplissent plus souvent les tâches régulières, les soins personnels ou encore les traitements médicaux, alors que les hommes aident davantage pour le transport ou l’entretien du domicile.

Un quart des Canadien·nes qui se retrouvent proches aidant·es, « c’est énorme », lance Nathalie Déziel, directrice du Regroupement des aidantes et aidants naturels de Montréal (RAANM). « Ça représente bien le manque de soins qu’on offre à notre population. On aime bien ça renvoyer les gens rapidement à la maison, mais on ne propose pas assez de soutien à domicile. On délègue. »

Si les femmes héritent de la plus grosse part de cette charge, cela est dû à « une socialisation encore très, très, très ancrée dans le modèle de la femme à la maison, de la maman nourricière », estime Nathalie Déziel.

« C’est un modèle social qu’on entretient depuis longtemps » et qu’on propage encore dans l’éducation, critique-t-elle.

Notons que plusieurs personnes offrant des soins à un·e proche peuvent sous-estimer leur implication en tant qu’aidant·es, comme le rappelait le Conseil du statut de la femme dans une analyse en 2018. En raison des standards différents entre les genres, les femmes seraient particulièrement à risque de sous-évaluer le temps mis dans les tâches de soin, toujours d’après le Conseil.

De lourdes responsabilités

Or, ce sont aussi les aidant·es consacrant le plus de temps à ce rôle (20 heures et plus chaque semaine) qui vivent le plus de répercussions négatives, selon les données de Statistique Canada. Les trois quarts (75 %) avaient moins de temps pour se détendre et s’occuper d’eux-mêmes. Environ la même proportion (78 %) avait dû sacrifier du temps pour les activités sociales ou les ami·es.

Plus de la moitié (54 %) considéraient aussi que leurs responsabilités d’aidant·es étaient stressantes ou très stressantes.

Près d’un·e sur cinq (18 %) n’estimait pas être en mesure de bien s’acquitter de ses tâches d’aidant·es.

Les aidant·es « ont une grande responsabilité entre leurs mains », souligne Nathalie Déziel. Ils et elles doivent aider un·e proche avec ses besoins de base, comme se nourrir, se laver et se loger. Souvent, il faut aussi obtenir et gérer des rendez-vous, assurer le suivi auprès des différent·es intervenant·es au sein du système de santé… voire procurer soi-même des soins médicaux comme des injections quotidiennes ou l’entretien de pansements, illustre Nathalie Déziel. « C’est une job technique, c’est le travail que font les préposé-es aux bénéficiaires, qui ont suivi une formation », insiste-t-elle.

Plusieurs personnes aidantes « vivent de l’isolement social » parce qu’« elles ne se donnent pas droit à des moments de détente ou de congé », témoigne la directrice du RAANM. Cela est particulièrement vrai pour les aidant·es qui prennent soin d’une personne à la maison, comme un·e conjoint·e ou un enfant, indique-t-elle. « C’est du 24/7, il faut toujours que tu sois alerte! »

Des aidant·es qui ont besoin d’aide

Dans le cadre de l’enquête de Statistique Canada, plusieurs personnes aidantes ont déclaré qu’elles auraient eu besoin de davantage de soutien. Parmi elles, 40 % auraient voulu un meilleur soutien à domicile et plus des deux tiers (68 %) auraient désiré un soutien financier, une aide gouvernementale ou des crédits d’impôt.

« On voit de l’appauvrissement chez les proches aidants », qui doivent parfois manquer du travail au point de perdre une part significative de leurs revenus, confirme Nathalie Déziel. Selon elle, les crédits d’impôt provincial et fédéral actuellement existants sont insuffisants, parce que les critères d’accès sont trop restrictifs.

Quant à l’aide à domicile offerte par le système public, elle devrait impérativement être bonifiée, selon la directrice du RAANM.

Il faut « des investissements majeurs » pour des « des soins de qualité en quantité suffisante, qui ne reposent pas juste sur les proches aidants », insiste-t-elle.

Le tout dernier plan d’action québécois pour les proches aidant·es marque une bonne reconnaissance de leur travail, mais il faudra faire le nécessaire « pour être à la hauteur de cette reconnaissance », pose Nathalie Déziel.

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