Le temps d’isolement obligatoire pour les personnes infectées à la COVID-19 sera désormais réduit de moitié, a annoncé mardi la Direction générale de la santé publique du Québec. Cela correspond à une revendication énoncée dans les derniers jours par le Conseil du patronat du Québec.
Selon les nouvelles directives, une personne infectée à la COVID-19 pourra mettre fin à son isolement après cinq jours, plutôt que dix auparavant. Elle devra être doublement vaccinée et asymptomatique ou ses symptômes devront avoir diminué. Les cinq jours sont comptés à partir du début des symptômes, ou à partir d’un test positif (rapide ou non) si la personne est asymptomatique.
Cela s’apparente à une demande faite lundi par le Conseil du patronat du Québec (CPQ), qui représente les employeurs des secteurs privés et parapublics. Pour favoriser le maintien des activités économiques, le CPQ demandait en effet que les employé·es infecté·es, mais n’ayant pas ou plus de symptômes, puissent retourner travailler après cinq jours.
L’organisme misait sur un meilleur accès aux tests rapides et sur la vaccination obligatoire, explique en entrevue Karl Blackburn, président et chef de la direction du CPQ. Aucune annonce en ce sens n’a toutefois été faite par la Santé publique. Celle-ci impose plutôt le masque et la distanciation aux personnes infectées qui retournent travailler, pour les cinq premiers jours. Par ailleurs, les tests en laboratoire seront réservés pour certains milieux particulièrement à risque (hôpitaux, prisons, abattoirs, etc.).
Le Conseil du patronat satisfait d’une mesure favorable à l’économie
Le CPQ « salue » tout de même la décision du gouvernement d’écourter l’isolement.
« On est bien heureux », lance Karl Blackburn. « Ça correspond aux besoins de nos membres et du marché économique. »
« Ça va venir donner un coup de pouce important à tous les secteurs de notre économie, qui sont aux prises avec une pénurie de main d’œuvre », précise le président du CPQ. Selon lui, il fallait aider non seulement les services essentiels [voir encadré], mais « toute l’économie », du secteur manufacturier au commerce de détail, en passant par le monde du jeu vidéo.
Interrogé sur le rôle du Conseil du patronat dans le changement de cap du gouvernement, Karl Blackburn nuance. « Je ne voudrais pas nous attribuer la responsabilité » de la réduction du temps d’isolement préventif, indique-t-il.
« On a des liens de communication réguliers avec le gouvernement », ajoute-t-il toutefois. Il qualifie ce lien d’« excellent » et affirme que le CPQ en profite « chaque fois qu’il en a l’occasion ».
Selon Karl Blackburn, si la décision du gouvernement rejoint la revendication du CPQ, c’est parce que celui-ci fait des demandes basées sur le « gros bon sens », inspirées par « les besoins que nous voyons sur le terrain, dans nos entreprises ». À ses yeux, le gouvernement Legault a simplement fait preuve du même « gros bon sens ».
« Ça va permettre aux personnes positives de retourner au travail beaucoup plus tôt », se réjouit Karl Blackburn. « Ça ne nuit pas à leur santé ni à celle de leurs collègues », si les mesures sanitaires de base sont respectées, affirme-t-il.
Une mesure sécuritaire?
Actuellement, le quart des éclosions surviennent dans les milieux de travail, d’après les données de l’Institut national de santé publique (INSPQ). Avant les Fêtes, le 20 décembre, les lieux de travail représentaient plus du tiers des éclosions de COVID-19. Et si on inclut les écoles et les milieux de garde et de soin, la proportion se maintient autour de 95 %.
Selon les études, une personne contractant le virus original demeurait habituellement contagieuse de sept à dix jours après le moment de l’infection. Quant aux variants Delta et Omicron, autour du quart des personnes infectées seraient encore contagieuses après cinq jours, selon des études réalisées à Singapour et à Taïwan. Les chiffres sont toutefois encore incertains en ce qui concerne Omicron.
Avec le variant Delta, même adéquatement vaccinées, les personnes infectées peuvent rester contagieuses plus d’une semaine, rappelle en entrevue Nancy Delagrave, physicienne et coordonnatrice scientifique du groupe COVID-STOP. Elle ajoute que la période de contagion peut aller jusqu’à trois semaines pour les personnes non vaccinées, et durer plus longtemps encore pour certaines personnes immunosupprimées. « C’est très très différent d’une personne à l’autre », souligne-t-elle.
Nancy Delagrave estime que la réduction de la période d’isolement à cinq jours est risquée. « D’habitude, on se donne une marge de manœuvre. Je pense que dix jours, c’était correct », juge-t-elle. « Pourquoi on voudrait un filet de sécurité qui risque de laisser passer autant de cas? C’est vraiment bizarre. »
Maintien des services essentiels
La durée de l’isolement des travailleur·euses positif·ves à la COVID-19 avait déjà été réduite dans le réseau de la santé et dans les milieux de garde au cours des derniers jours. Toutefois, cela visait expressément à assurer le maintien de services essentiels.
Et encore, ces décisions du gouvernement Legault avaient été fortement critiquées par les syndicats. Ceux-ci reconnaissent le problème de pénurie de personnel dans les services essentiels, mais estiment malgré tout que le maintien en poste des personnes infectées à la COVID met trop à risque les employées et les usager·ères des services.
Dans le réseau de la santé, l’isolement du personnel positif à la COVID-19 avait été fixé à sept jours dans les établissements menacés par un bris de service. Cette durée de sept jours, qui vise les personnes en contact avec les patients, est maintenue.
Dans les services de garde, le gouvernement Legault avait aussi levé l’obligation d’isolement pour les enfants et les employé·es ayant été en contact avec un cas de COVID-19, mais n’ayant pas de symptômes. En fin de compte, l’isolement de cinq jours s’appliquera aussi aux services de garde, a annoncé le ministre de la Famille, Mathieu Lacombe. Par prudence, la Santé publique de Montréal avait déjà décidé de maintenir les procédures d’isolement dans les services de garde de la métropole.