COP26: Le Canada va-t-il oui ou non réduire la production d’énergie fossile?

CHRONIQUE | Le Canada est dans le peloton de tête des pays émetteurs de GES per capita. Il est le seul pays du G7 à avoir fait croître les émissions de GES depuis la signature de l’Accord de Paris. Et jusqu’à nouvel ordre, il continue de faire croître la production d’énergies fossiles.

Le Canada a longtemps eu la réputation internationale d’être un artisan de la paix. On se rappellera à cet égard le prix Nobel de la paix décerné au premier ministre Lester B. Pearson. Le pays fut aussi pendant longtemps présent sur la scène internationale par sa contribution aux contingents des « casques bleus » dans les zones de combat. Il a aussi et surtout été perçu comme une société d’accueil, ouverte et faisant la promotion du multiculturalisme.

De nos jours, on aperçoit davantage le revers de la médaille. Il apparaît de plus en plus comme un État monarchique (gouverné par la Reine d’Angleterre), colonialiste (à l’égard des peuples autochtones) et pétrolier (en tant que 4e producteur mondial). Face au défi historique que représente le réchauffement climatique, le nouveau ministre de l’Environnement, Steven Guilbeault, s’est rendu à la COP26 pour défendre les positions du Canada. Quel bilan pouvons-nous faire de la participation canadienne ?

Les chefs d’État à Glasgow ont rivalisé d’adresse verbale pour démontrer à quel point la situation était grave, un peu comme s’il s’agissait de convaincre des homologues encore insuffisamment conscientisés par l’ampleur du problème. Cette insistance à établir le diagnostic est proportionnelle à la résistance avec laquelle ils refusent de révéler le caractère peu ambitieux des actions déjà entreprises pour parvenir à lutter contre le réchauffement climatique. 

Les États ont jusqu’ici performé en deçà des cibles fixées par l’Accord de Paris, et lorsqu’ils sont contraints d’être en mode solution, ils ne font que déterminer des cibles nouvelles à atteindre. 

Le Canada n’est pas étranger à cette façon de faire. Le Premier Ministre Justin Trudeau n’a pas raté l’occasion de rappeler les événements tragiques survenus à Lytton en Colombie-Britannique. C’est à cet endroit que la température estivale de 2021 a atteint 49,6 degrés Celsius juste avant que ne surviennent des feux qui ont littéralement fait disparaître la ville. Mise à part la carboneutralité prévue pour 2050 et l’objectif sans cesse repoussé du G20 de transférer 100 milliards de dollars aux pays en voie de développement (alors que cet argent devait leur être remis en 2020), le Canada a annoncé sa volonté de plafonner l’émission de GES issus du pétrole et du gaz. 

Ce que ne nous dit pas le ministre Guilbeault, c’est que ce plafonnement n’est possible que si on ne fait pas entrer dans le calcul des émissions de GES celles qui découlent du pétrole et du gaz utilisés par les pays vers lesquels on va exporter notre pétrole et notre gaz. On peut donc produire davantage de pétrole issu des sables bitumineux, ainsi que du gaz de schiste. Si cette production accrue sert à l’exportation, la croissance de la production est compatible avec un plafonnement des GES au Canada. 

Le ministre Guilbeault présente l’objectif du plafonnement des émissions comme une réalisation digne de mention parce que les représentants de la Barbade et des États-Unis se sont montrés intéressés par la proposition. À la question de savoir si cela va entraîner une réduction de la production, il a répondu que la façon d’implémenter l’objectif de plafonnement des émissions n’était pas encore déterminée. 

Le Canada va-t-il oui ou non réduire la production de pétrole, de gaz et de charbon? En fait, avec une vingtaine d’autres pays, le Canada s’est aussi engagé à ne plus faire de nouveaux financements publics directs pour l’exploitation du charbon, du pétrole et du gaz d’ici la fin de 2022 à l’échelle internationale. Selon La Presse, le gouvernement met à la disposition des entreprises près de 14 milliards $ par année, par l’intermédiaire d’un organisme d’État (Exportation et développement Canada), qui aide les entreprises canadiennes à vendre leurs produits à l’étranger. Cette aide prend la forme de prêts, de garanties de prêt, de subventions, d’achats d’actions et de couverture d’assurance. Toujours selon La Presse, la signature du Canada à cet accord pourrait affecter entre 2 et 9 milliards d’Exportation et développement Canada.

L’accord signifie tout d’abord que le Canada pourra continuer d’accroître le financement direct des industries fossiles pour le marché international jusqu’à 2022. 

Comme le rapporte Le Soleil, l’accord permettra aussi de continuer à financer les combustibles fossiles « dans de rares circonstances clairement définies qui correspondent à la limite de réchauffement de 1,5 °C et aux objectifs de l’Accord de Paris ». 

Que va-t-il se produire après 2022? Le Canada va-t-il quand même poursuivre le financement actuel direct à l’intérieur du Canada et seulement mettre fin à de nouveaux financements liés au développement international? En 2021, le gouvernement a subventionné les entreprises extractives. Il a subventionné l’exploration le long des côtes maritimes. Il a financé des projets de pipeline. De tels investissements pourront-ils se poursuivre, si les seuls financements interdits sont les nouveaux financements internationaux?

Tel que rapporté par Radio-Canada, le ministre des Ressources naturelles M. Wilkinson rappelle que le Canada s’est engagé pendant la dernière campagne électorale à mettre fin aux subventions aux énergies fossiles au sein de l’industrie canadienne. Le problème est qu’aucune date n’a encore été fixée. « C’est une chose sur laquelle nous allons travailler », a-t-il assuré.

Le ministre Guilbeault peut-il une fois pour toutes s’engager à réduire la production d’énergies fossiles? Les mesures envisagées vont-elles permettre une telle réduction? À cela, le ministre répond que la production des énergies fossiles relève de la compétence provinciale, ce qui suggère que cette production pourrait croître encore si les provinces choisissaient d’assurer elles-mêmes de nouveaux financements. En outre, le baril de pétrole ayant atteint maintenant un seuil dépassant les 80$, les entreprises extractives pourraient à nouveau être intéressées à engager elles aussi de nouveaux financements. 

Les réponses du ministre masquent en fait un pan important de la réalité, à savoir la responsabilité fédérale dans la croissance de la production. Après tout, les pipelines et les gazoducs engagent la responsabilité du gouvernement fédéral lorsqu’ils se déploient sur le territoire de plusieurs provinces. Or, le gouvernement fédéral a appuyé Keystone XL, Énergie Est, le projet de gazoduc au Saguenay, le pipeline Transmountain et le gazoduc Coastal Gaslink. Si plusieurs de ces projets n’ont pas vu le jour, ce n’est pas à cause du gouvernement fédéral. Pire, en plus de subventionner les entreprises extractives et l’exploration maritime, le gouvernement est même allé jusqu’à acheter au coût de 4.5 milliards de dollars le vieux pipeline Transmountain de la compagnie Kinder Morgan et il s’est engagé à en construire un autre en parallèle du premier, ce qui fera plus que doubler les sommes dépensées. Or, il s’agit d’un projet destiné à l’exportation vers de nouveaux marchés et non d’un projet visant à satisfaire la consommation intérieure. Cela va donc de pair avec une croissance de la production d’énergies fossiles. 

Le Canada a beau se vanter d’imposer un plafond sur les émissions de GES dans les industries du pétrole, du gaz et du charbon, et d’éliminer les subventions nouvelles directes aux combustibles fossiles à l’échelle internationale. Il a beau se vanter d’imposer l’un des prix sur la pollution les plus élevés au monde et se vanter de parvenir d’ici à 2030 à réduire la production de GES de 30% sous les niveaux de 2005, la réalité demeure ce qu’elle est: parmi les pays du G20, le Canada est le plus grand contributeur financier aux combustibles fossiles.

Le Canada est dans le peloton de tête des pays émetteurs de GES per capita. Il est le seul pays du G7 à avoir fait croître les émissions de GES depuis la signature de l’Accord de Paris. Et jusqu’à nouvel ordre, il continue de faire croître la production d’énergies fossiles. 

Ne cherchez donc pas l’explication pour laquelle M. Guilbeault tergiverse à ce point dans ses réponses aux journalistes, surtout si son passé est garant de son avenir au gouvernement. En 2021, même à la COP26, le Canada entend encore augmenter la production de pétrole sale et de gaz de schiste. Il entend même, en tant qu’État colonial, imposer un pipeline et un gazoduc au peuple wet’suwet’en, malgré l’opposition ferme des chefs héréditaires, les Autochtones n’étant, semble-t-il que des pupilles soumis à la volonté de sa Majesté la Reine d’Angleterre.

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