Maxime Bernier, chef du Parti populaire du Canada (PPC), un parti d’extrême droite, a perdu la poursuite qu’il avait intentée contre Warren Kinsella, qui l’avait traité de « raciste ». Le juge a plutôt considéré que les déclarations concernées pouvaient se justifier et étaient protégées par le droit à la liberté d’expression.
Dans une décision rendue mercredi, la Cour supérieure de l’Ontario a rejeté la poursuite de 575 000 $ intentée par Maxime Bernier contre l’organisateur politique Warren Kinsella. La décision se fonde sur la loi contre les poursuites-bâillons adoptée par la province qui vise à « éliminer les litiges non-fondés qui cherchent à décourager et restreindre indûment la libre expression sur des questions d’intérêt public ».
« Maxime Bernier peut-il poursuivre Warren Kinsella pour avoir utilisé un langage insultant et diffamatoire qui le dépeint comme un raciste, un misogyne et un antisémite à l’approche des élections fédérales de 2019? » demande le juge Calum MacLeod en ouverture de son jugement.
« Habituellement, les déclarations portant atteinte à la réputation d’une personne peuvent faire l’objet d’une poursuite en diffamation, mais ce n’est pas toujours le cas si les propos en question portent sur un enjeu d’intérêt public. »
La poursuite porte sur le « Projet Cactus », une recherche que l’entreprise de Warren Kinsella, Daisy Group, a menée pour le compte du Parti conservateur du Canada. Elle visait à faire connaître au grand public les propos racistes ou xénophobes venant du parti d’extrême droite dirigé par Maxime Bernier.
Dans une déclaration déposée en 2020, Bernier affirme avoir été victime d’une « campagne de diffamation soutenue » qui visait à le « dénigrer aux yeux des bien-pensants ».
« La réputation de Maxime [Bernier] a été gravement atteinte, il a été exposé à la médisance, au ridicule et au mépris; il en est sorti anxieux et humilié », ont soutenu les avocats du politicien. « Sa réputation est extrêmement importante pour lui ».
Pour sa défense, Warren Kinsella soutient que « toute atteinte à la réputation de M. Bernier et tout dommage qu’il aurait subi vient des opinions extrêmes, intolérantes et arrêtées qui sont les siennes et qu’il a choisi d’exposer dans l’espace public ». Pour démonter son point de vue, Kinsella a référé à des tweets dans lesquels Bernier s’est publiquement déchaîné contre le « multiculturalisme extrême » :
En fin de compte, le tribunal n’a pas été convaincu par les avocats de Maxime Bernier que de présenter le « sexisme, la bigoterie, le racisme, l’homophobie, la défense de la suprématie blanche [de leur client] était trompeur. »
« Il ne s’agit pas d’un cas de ‘fausse nouvelle’ sans lien avec les faits », écrit le juge MacLeod. « Les commentaires de M. Kinsella portaient sur des positions réelles prises par M. Bernier et sur des événements qui ont bien eu lieu. »
« Comme le montre la preuve, M. Bernier et le PPC sont fréquemment décrits par les médias comme racistes et xénophobes ou, du moins, comme voulant plaire à ces secteurs du spectre politique. »
Dans une déclaration à PressProgress, Kinsella s’est dit « ravi par la décision ».
« Bernier et le PCC ont effectivement été des bigots, encore et encore. Et maintenant, la Cour supérieure le constate elle aussi » a déclaré Kinsella en remerciant son avocat David Shiller.
« Bernier a l’habitude de dire qu’il s’oppose à tous ceux qui veulent faire taire les dissidents – sauf si on est dissident à propos de ce qu’il raconte, apparemment. C’est un hypocrite ».
Maxime Bernier n’a pas répondu aux multiples demandes de commentaires de PressProgress.
Mark Bourrie, l’avocat de Maxime Bernier, a refusé de dire ce qu’il pensait du rejet de la poursuite-bâillon de son client. Il a affirmé à PressProgress qu’il n’avait « aucune instruction de [s]on client pour commenter. »
Le tribunal a aussi remis en question la pertinence de certains éléments présentés par les avocats de Maxime Bernier comme preuves. Par exemple, un affidavit accusant les conservateurs de présenter un deuxième candidat nommé Maxime Bernier dans la circonscription de Beauce, où Bernier se présentait en 2019.
« M. Bernier se plaint que le PCC est responsable de lui avoir fait des mauvais coups, comme d’avoir présenter un autre Maxime Bernier contre lui en Beauce, mais, même si c’était vrai, on ne voit pas bien le lien que cela peut avoir avec une poursuite en diffamation contre M. Kinsella », note le jugement.
Le juge continue en soulignant que « l’autre Maxime Bernier » était en fait un « candidat du Parti Rhinocéros. » En 2019, l’autre Maxime Bernier a rejeté l’accusation de M. Bernier en la qualifiant d’ « absurde. »
Cet article est d’abord paru an anglais sur PressProgress. Traduit et adapté par Pivot.