Il n’y a pas de problème de sécurité à Montréal : les chiffres le confirment

L’idée selon laquelle la métropole traverse une crise sécuritaire serait le fruit d’une opération de relations publiques menée par le SPVM, selon le chercheur Ted Rutland.

Le crime est en baisse depuis des années à Montréal, et notamment la majorité des infractions liées aux armes à feu. Pourtant, la police, appuyée par les grands partis, réclame davantage de moyens, au risque d’accroître le profilage racial.

Si on en croit les rapports annuels du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), le nombre d’infractions impliquant une arme à feu (excluant les crimes contre la personne) a connu une baisse constante et prononcée entre 2016 et 2020, passant de 513 à 251 cas par an (-49%). En fait, l’année 2020 représente un creux historique : il n’y a jamais eu si peu d’infractions impliquant une arme à feu depuis 2002 dans la métropole.

En ce qui concerne les crimes contre la personne lors desquels une arme à feu était présente (utilisée ou non), le portrait demeure ambivalent. De 2019 à 2020, on note certes une augmentation des tentatives de meurtre (de 33 à 57) et des voies de fait (de 144 à 197) en présence d’une arme à feu. Mais, pour les mêmes années, on note une diminution des homicides (de 10 à 5) et des vols qualifiés (de 157 à 139) en présence d’une arme.

Le taux d’infractions en tout genre est quant à lui en chute libre à Montréal, selon Statistique Canada : de 2010 à 2020, la ville est passée d’environ 5600 à 3500 infractions par 100 000 habitants, une baisse de près de 40%. Ainsi, en 2020, sur 34 grandes villes canadiennes, la métropole québécoise était la sixième ville où l’on comptait le moins d’infractions par 100 000 habitants.

Pendant ce temps, Montréal est la deuxième ville canadienne où l’on trouve le plus de policiers par 100 000 habitants, soit 212, toujours selon les chiffres de Statistique Canada pour l’année 2019. En comparaison, Toronto en compte 162, tandis que Laval et Longueuil comptent respectivement 135 et 145 agents par 100 000 habitants.

Une opération de relations publiques

En 2021, la police et les médias ont rapporté de nombreuses fusillades. Mais dans ces discours, l’accent est souvent mis sur les coups de feu sans qu’il y ait nécessairement eu de crimes contre la personne ni de victimes, remarque Ted Rutland, professeur à l’Université Concordia. Celui qui s’est penché sur les données du SPVM souligne que le service de police n’a jamais comptabilisé les coups de feu avant cette année. « Il faut se méfier quand la police invente de nouvelles catégories [d’événements] pour nous montrer que nous ne sommes pas en sécurité. »

Selon le professeur Rutland, la police cherche à regagner la légitimité qu’elle a perdue avec le mouvement Black Lives Matter et les révélations sur la gravité du profilage racial à Montréal.

« Le SPVM et la Fraternité [des policiers et policières de Montréal (FPPM)] veulent nous faire peur et nous faire croire que nous avons besoin d’eux. »

Ted Rutland

Plus de police?

Pour Ted Rutland, « la police ne peut tout simplement pas prévenir la violence par armes à feu. Elle peut seulement intervenir après les faits » en arrêtant des gens ou en confisquant des armes déjà en circulation. « Ce que la police peut faire, c’est surveiller, harceler et arrêter les gens qu’elle voit comme des criminels », c’est-à-dire surtout les jeunes racisés, expose le professeur.

« À long terme, ça augmente la violence dans la société parce que ça exacerbe la marginalisation de certains groupes. »

Ted Rutland

Une étude menée en 2020 par Ted Rutland avait montré que l’escouade Quiétude, créée par l’administration Plante pour lutter contre les violences par armes à feu, ciblait de manière disproportionnée les personnes noires. Dans la grande majorité des cas, les accusations portées contre ces personnes étaient sans lien avec les armes à feu.

Aux yeux du professeur Rutland, il vaudrait mieux déployer des travailleurs de rue, qui sont mieux outillés pour prévenir la violence. Les travailleurs de rue peuvent créer des liens de confiance avec les personnes criminalisées ou susceptibles de le devenir, explique le chercheur.

À l’heure actuelle, autant Denis Coderre que Valérie Plante souhaitent augmenter la présence policière à Montréal. Les deux comptent embaucher 250 policiers pour porter à 4800 le nombre d’agents au SPVM, soit le maximum permis dans la métropole par la loi provinciale sur la police. Cette mesure répond à une demande de la FPPM.

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