
Denis Coderre, candidat de l’immobilier?
Il faut « s’interroger sur les bénéfices d’une proximité forte entre les acteurs municipaux et les grands promoteurs urbains », estime Gabriel Fauveaud, auteur d’un rapport sur la promotion immobilière à Montréal.
On apprenait mercredi que Denis Coderre avait été consultant pour un grand promoteur et gestionnaire immobilier dans les dernières années. Plusieurs autres candidat.es d’Ensemble Montréal sont aussi impliqué.es dans le secteur immobilier.
La Presse révélait hier que Denis Coderre avait travaillé sur le « développement international » de la société immobilière COGIR entre 2017 et 2019.
« Les élu.es ne sont pas des arbitres politiques neutres, » estime Gabriel Fauveaud, professeur adjoint de géographie à l’Université de Montréal « leurs décisions et actions sont déterminées par des idéologies, des partis pris et des visions du monde. Travailler pour un grand nom de l’industrie immobilière montréalaise témoigne que les visions du développement urbain de Denis Coderre et de COGIR convergent d’une manière ou d’une autre. »
Déjà, le récent livre-programme de l’ancien maire Coderre, Retrouver Montréal, « reproduit presque mot pour mot le discours des promoteurs immobiliers », analyse le professeur. On y retrouve une vision commune, notamment concernant la densification (la possibilité d’ériger des gratte-ciels plus haut que le Mont-Royal) et les allègements réglementaires favorisant les gros projets.
D’autres candidat.es lié.es au secteur immobilier
Plusieurs autres candidates et candidats d’Ensemble Montréal ont des liens avec l’industrie immobilière (voir encadré). Le parti de Denis Coderre compte deux candidat.es à la mairie d’arrondissement qui ont des activités immobilières : Antoine Richard à Verdun et Josée Côté à Lachine. Six autres candidat.es sont, ou ont été, actifs dans l’industrie de l’immobilier, le plus souvent comme courtier.ère.
Quelle influence?
Il ne s’agit pas de gros joueurs du secteur immobilier et leur activité n’est pas comparable avec celle des grands promoteurs urbains. Cependant, Gabriel Fauveaud, considère que les activités privées des politiciens peuvent avoir une influence sur leurs prises de décisions. « Ils vont regarder les problèmes et les enjeux auxquels ils font face, avec le regard qu’ils ont construit au fil de leurs années d’expérience dans tel ou tel secteur économique. »
Danielle Pilette, professeure au département de stratégie, responsabilité sociale et environnementale de l’UQAM, tempère quelque peu l’importance de l’activité professionnelle passée ou présente des candidat.es. Les élu.es montréalais aborderont les questions avec des biais différents selon leur profil professionnel, dit-elle, mais « avec un encadrement fortement inspiré par la formation politique ». Le programme du parti et ses priorités auront donc une influence plus importante que leurs emplois passés.
Pour Gabriel Fauveaud, qui s’est intéressé de près à l’écosystème des promoteurs à Montréal, il faut « s’interroger sur les bénéfices d’une proximité forte entre les acteurs municipaux et les grands promoteurs urbains, ces derniers défendant avant tout leurs intérêts économiques et ceux de leur industrie. »
« Est-ce que les décisions prises par nos représentants politiques sont plutôt influencées et informées par des intérêts corporatistes et privés, ou au contraire portées par la volonté de défendre des intérêts collectifs profitables au plus grand nombre ? La nouvelle de l’emploi de Coderre chez COGIR répond dans ce cas-ci à la question, et c’est sûrement sur ce point que les citoyens doivent s’inquiéter le plus », dit Fauveaud.
Ensemble Montréal n’a pas répondu à nos demandes de commentaires sur les activités de ses candidat.es.
Ensemble Montréal et l’industrie immobilière
Antoine Richer, courtier immobilier et candidat à la mairie de Verdun. Ses « flips » immobiliers lucratifs ont été dévoilés par le bureau d’enquête du Journal de Montréal au mois d’octobre dernier. Cette pratique, qui consiste à acheter des propriétés pour les revendre rapidement, n’est pas illégale. Elle est par contre découragée par l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ), qui encadre la profession de courtier.
Josée Côté, candidate d’Ensemble Montréal à la mairie de Lachine. Elle est responsable de l’évaluation éthique des recherches à l’Université de Montréal. Elle a été porte-parole de l’Association des plaisanciers du port de plaisance de Lachine, qui s’opposait au projet de transformation de la marina en parc riverain.
Mme Côté est également vice-présidente de l’entreprise Concept Immo-Urbain. Il s’agit d’une entreprise dont le secteur d’activité est l’exploitation de bâtiments résidentiels et de logements, ainsi que la promotion et construction de maisons individuelles. Mme Côté n’a pas répondu à notre demande de commentaire.
Vianney Godbout, candidat au poste de conseiller de la ville pour l’arrondissement Rosemont–La-Petite-Patrie. Avant de se lancer en restauration, M. Godbout a travaillé comme courtier immobilier et comme directeur des ventes pour le groupe Cholette, spécialisé en construction de projets de condominiums. Selon la biographie publiée sur le site d’Ensemble Montréal, il a également été représentant pour la vente de triplex et condos chez l’entreprise de construction André Taillon jusqu’en 2018.
M. Vianney Godbout n’a pas répondu à nos demandes d’information.
Martin Oré, candidat au poste de conseiller de ville dans Le Plateau-Mont-Royal. Ce restaurateur est également directeur général de GestionMorex — Affaires immobilières depuis 1997. La page Facebook de GestionMorex décrit les activités de l’entreprise comme étant la prospection, le développement et la conversion d’immeubles ainsi que la gestion immobilière. Des dossiers au TAL pour recouvrement de loyers confirment cette activité.
Glenda Morris, candidate au poste de conseillère de ville pour l’arrondissement de Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles. Elle est courtière immobilière de longue date. Mme Morris travaille chez l’agence Remax depuis plus de 38 ans. Son fils, John Morris, est associé avec elle depuis 2004. Des jugements portant son nom de résiliation de bail pour non-paiement de loyer au Tribunal administratif du logement (TAL), le dernier en 2020, suggèrent qu’elle gère également des propriétés locatives. Les jugements concernent des résiliations de bail pour non-paiement de loyer.
Jean Airoldi, candidat au poste de conseiller d’arrondissement dans Verdun. Il a dû s’excuser pour des commentaires faits en ondes : le designer aurait laissé entendre que les pratiques d’Antoine Richard étaient permises. Dans une déclaration rapportée par le Journal de Montréal, il reconnait qu’« il y avait des pratiques interdites. Je m’excuse donc si mes propos ont pu induire en erreur les auditeurs ». M. Airoldi a récemment fait des études pour devenir agent d’immeubles.
Suzanne Marceau, candidate sortante au poste de conseillère d’arrondissement pour L’Île-Bizard–Sainte-Geneviève. Elle était présidente de l’entreprise 9070-2754 Québec inc. au moment de sa dissolution en 2018. Cette entreprise avait déclaré le courtage immobilier et la gestion d’immeubles comme secteur d’activité. Rien n’indique que Mme Marceau soit encore active dans ce domaine.
Émilia Diamadopoulou, candidate au poste de conseillère de la ville pour Rosemont-La-Petite-Patrie. Elle travaille comme analyste adjointe pour M3 Financial Group, une des principales firmes de courtage de prêts hypothécaires au Canada.