Pendant les jours de canicule, des détenus auraient été isolés dans leurs cellules aux prisons de Bordeaux et de Rivière-des-Prairies pendant plusieurs heures. Il s’agirait d’un problème fréquent, causé par le manque de personnel.
Les conditions de détention aux prisons de Bordeaux et de Rivière-des-Prairies ont été particulièrement difficiles au cours des dernières semaines, pendant la canicule. C’est ce qu’affirme une source qui travaille dans le milieu carcéral et qui a souhaité parler sous le couvert de l’anonymat.
Pendant les journées chaudes, des détenus auraient été confinés à leurs cellules pendant plus de 22 heures par jour, a-t-elle affirmé en entrevue exclusive avec Pivot. À Rivière-des-Prairies, certains auraient été enfermés pendant au moins deux jours consécutifs. Dans les cellules, où l’on ne retrouve pas de ventilation, les températures ressenties auraient avoisiné 40 degrés Celsius.
Ces longues périodes de confinement s’expliqueraient par le manque de personnel dans les prisons qui est plus criant en période estivale, en raison notamment des vacances et d’une moins grande disponibilité pour effectuer des heures supplémentaires.
Depuis 2019, l’isolement cellulaire est illégal dans les prisons fédérales, mais est toujours pratiqué, à différents degrés, dans les prisons provinciales.
Isolement sans justification
« Ce qui est bizarre, c’est que d’être enfermé dans sa cellule, c’est normalement une sanction en prison », explique-t-elle. « Mais là, les gars subissent ces conditions-là sans qu’il y ait de justificatif. C’est juste le manque de personnel. »
« Ce qu’ils vivent, c’est considéré comme de l’isolement cellulaire », explique Nadia Golmier, avocate en droit carcéral. « C’est considéré comme un traitement cruel et inhumain par les Nations Unies, mais aussi par plusieurs tribunaux canadiens. »
Interrogé par Pivot, le ministère de la Sécurité publique a indiqué prendre « des mesures préventives » face à la canicule. On cite notamment la distribution d’eau fraîche et de ventilateurs portatifs ainsi qu’une plus grande tolérance face au code vestimentaire des détenus.
« Ce qu’ils vivent, c’est considéré comme de l’isolement cellulaire… C’est considéré comme un traitement cruel et inhumain par les Nations Unies, mais aussi par plusieurs tribunaux canadiens. »
Nadia Golmier
Le ministère affirme également avoir demandé au personnel de faire preuve d’une plus grande flexibilité quant au « régime de vie » des détenus, « sauf si des motifs sécuritaires ne le permettaient pas ».
Nadia Golmier affirme que ses clients qui sont actuellement incarcérés à la prison de Bordeaux ont toutefois été confinés au cours des derniers jours. L’un d’entre eux aurait également ressenti plusieurs malaises en raison de la chaleur accablante.
Un enjeu récurrent
Selon Me Golmier, de telles conditions de détention sont fréquentes dans les prisons provinciales au Québec, particulièrement dans les établissements de Bordeaux et de Rivière-des-Prairies.
« Ça ne me surprend pas du tout, au contraire, c’est très fréquent », estime Me Golmier. Elle affirme que certains de ses clients sont fréquemment confinés plus de 18 heures par jour en cellule.
Selon elle, il s’agit également d’une pratique courante pendant le reste de l’année en raison d’un manque de personnel chronique.
« Au Québec, il n’y a pas de prise de conscience de la part du gouvernement, il n’y a pas de débat à ma connaissance sur le sujet. »
Nadia Golmier
« C’est surprenant que le ministère de la Sécurité publique n’agisse pas », estime-t-elle. « Au Québec, il n’y a pas de prise de conscience de la part du gouvernement, il n’y a pas de débat à ma connaissance sur le sujet. »
Elle signale l’absence de balises pour encadrer l’isolement dans les prisons provinciales, comme des évaluations psychologiques et la documentation du temps passé en confinement, qui étaient pratiques courantes dans les prisons fédérales, avant même l’interdiction.
« Ça a toujours eu lieu; les autorités n’agissent pas, et c’est sans doute parce que l’on considère que les détenus ne méritent pas le droit à un minimum de respect et de dignité. »