Leçons londoniennes

Notre chroniqueur Ludvic Moquin-Beaudry, de passage en Europe, identifie des enseignements que différentes villes du continent peuvent apporter aux villes québécoises du côté de l’urbanisme et des transports… et en retour, il souligne les bons coups de chez nous.

La réputation de Londres n’est plus à faire. Peu de villes dans le monde ont si bien réussi leur marketing, sont parvenues à faire d’objets et signaux du quotidien des marques immédiatement reconnaissables, du symbole du London Underground à la cabine téléphonique en passant par les noms de lieux emblématiques (Paddington Station, Trafalgar Square, Picadilly Circus, etc.). Et la qualité de l’expérience urbaine est à la mesure de la réputation de la cité holmésienne.

J’aimerais commencer par un enseignement qui peut sembler relever du détail mais qui peut faire une différence importante dans la manière de naviguer la ville : la signalisation, en particulier celle destinée aux piétons. Si le « Mind the gap » (qui invite à faire attention à l’espace entre le train et le quai dans certaines stations de train et de métro) a accédé au statut d’icône, ce genre d’attention se retrouve un peu partout. À de nombreux endroits, des indications sont peintes à même la chaussée (indiquant, le plus souvent, de quel côté regarder avant de traverser – un rappel pertinent pour les touristes visitant ce pays où l’on conduit du « mauvais côté » de la route). Et de telles indications vont aussi être utilisées pour indiquer aux conducteurs les voies réservées aux autobus ou les interdictions de virage, en plus des panneaux. Deux rappels valent mieux qu’un. 

Je pourrais citer plusieurs autres exemples de cette attention toute britannique, mais je voudrais plutôt souligner que cela a pour effet, notamment, de rendre les déplacements plus prévisibles pour tout le monde, suscitant en retour un sentiment de sécurité. Les normes d’aménagement des rues et de signalisation routière que nous avons au Québec pourraient être bonifiées avec de tels éléments, surtout dans un contexte d’augmentation des décès de piétons et des inconduites des automobilistes.

Par ailleurs, l’une des caractéristiques frappantes de la ville de Londres, quand on la compare à ses consoeurs européennes, c’est sa verdoyance: des arbres majestueux bordent les grandes artères, la fraîcheur est facile à trouver, les parcs sont nombreux et aménagés pour que l’on puisse profiter de leurs vastes espaces gazonnés (ce qui n’est pas toujours le cas dans d’autres villes… oui, Paris, c’est à toi que je pense).

En fait, pour quiconque vient du Québec, cela n’offre pas un contraste marquant, et c’est bien parce que l’approche anglaise d’aménagement de l’espace public et des parcs a fortement influencé nos villes. Toutefois, à Londres, les choses ont été poussées un cran plus loin, autant pour ce qui est de la diversité des aménagements que du soin qui leur est apporté.

Prenons Regent’s Park, par exemple. En entrant par le sud-est, la plaque qui nous accueille vante la diversité de la faune et de la flore des lieux : des centaines d’espèces d’arbres, arbustes et plantes; des dizaines d’espèces d’oiseaux (dont des hérons qui y viennent faire leur nid); la seule population sauvage de hérissons de la ville; sans parler des renards, poissons, etc. Les rives du Boating Lake, d’ailleurs, sont parsemées de plantes comme des roseaux et nénufars, plutôt que de bandes de béton empêchant la nature de faire valoir ses droits (à cet égard, soulignons que le réaménagement en cours du parc La Fontaine à Montréal semble corriger ce genre d’erreur). De leur côté, la roseraie de la Reine Marie et le jardin japonais sont de superbes exemples du savoir-faire des jardiniers britanniques. Et la liste s’allonge, sans parler des autres parcs de la ville.

Alors que les changements climatiques exercent une forte pression sur de nombreuses espèces animales (les oiseaux en particulier), nous pourrions mettre davantage les parcs des villes québécoises à contribution pour soutenir les écosystèmes. C’est à la fois souhaitable pour l’environnement et très agréable pour les humains de trouver des ilôts de nature dans leur quotidien.

L’avantage québécois

Or, en matière de parcs, il existe néanmoins quelques avantages notables à ce que nous faisons chez nous. D’abord, il faut savoir que de nombreux parcs à Londres sont privés, réservés à quelques citoyens et/ou propriétaires alors qu’ils se trouvent en plein cœur de l’espace public (et non dans des cours situées derrière des propriétés, par exemple). Cela participe d’une privatisation de l’espace public qui a tendance à exclure plutôt qu’à inclure.

Ce qui m’amène à un autre aspect (qui n’est cependant pas propre à Londres mais qui est plutôt répandu en Europe) : les parcs sont clôturés, avec des accès qui sont ouverts et fermés à des heures précises. Cela en fait des endroits refermés sur eux-mêmes, alors que dans nos villes, les parcs sont une partie intégrante du tissu urbain qui servent de lieu de transit faciles à traverser pour les piétons et cyclistes. À Londres, comme à Paris ou Madrid, il faut souvent faire un détour pour accéder à ces endroits (parfois même marcher plusieurs minutes, ne serait-ce que pour trouver l’entrée!). Il est plus facile de faire de la ville un jardin quand la frontière des espaces verts n’est pas marquée par des clôtures.

De même, on sent à Londres que la fluidité qui est priorisée n’est pas celle de la circulation piétonne. À de nombreuses intersections, la traverse se fait en deux, parfois en trois temps, d’un seul côté de l’intersection – ce qui force souvent des détours plutôt inutiles et des périodes d’attente qui encouragent le non-respect de la signalisation et, conséquemment, la prise de risques. Les efforts des villes québécoises depuis quelques années pour améliorer la sécurité piétonne rendent aussi plus facile la traverse de nombreuses intersections. C’est encore loin d’être parfait, mais la volonté politique actuelle nous met sur la bonne voie.

Et un dernier élément : dans les tunnels des plus vieilles lignes du métro londonien (comme la Bakerloo Line ou la Central Line), il n’y a tout simplement pas de ventilation. Il y fait donc chaud, très chaud. De plus, la qualité de l’air y est assez mauvaise, notamment en raison de la poussière produite par les freins des trains qui ne peut être évacuée efficacement (ce qui laisse une sorte de suie un peu partout dont nos mains se trouvent souvent salies). À Montréal, bien qu’il fasse parfois chaud dans le métro, la grande quantité de puits de ventilation (dont certains qui s’ajoutent depuis quelques années) permet de renouveler l’air de manière beaucoup plus efficace et d’assurer un plus grand confort (surtout dans les trains Azur).

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