Pour la gratuité du transport en commun : ne plus choisir entre se déplacer ou manger

LETTRE D’OPINION | Le transport en commun gratuit n’est pas une utopie.

Le 1er juillet est entrée en vigueur une (autre!) augmentation des tarifs l’ARTM, dans la région métropolitaine. Le billet en « zone A » (sur l’île) est passé de 3,50 $ à 3,75 $. Cette hausse, cumulée à toutes les autres, fait mal à beaucoup de gens.

Pour une personne à faible revenu, le transport collectif constitue bien souvent la seule option de transport. Toutefois, avec la hausse constante des coûts, cette option n’existe même plus pour plusieurs personnes.

Actuellement, le coût d’une carte mensuelle permettant d’utiliser le transport en commun représente plus de 10 % des revenus d’une personne prestataire de l’aide sociale. Ce sera encore pire avec la hausse annoncée.

À l’ACEF du Nord de Montréal, nous ne proposons rien de moins que la gratuité du transport en commun. Comment ne pas envisager cette mesure quand on sait qu’elle permet à la fois de lutter contre l’exclusion sociale et contre les changements climatiques?

Un droit fondamental

Se déplacer est un besoin fondamental qui permet la réalisation d’un ensemble d’autres droits : droits au logement, au travail, à l’éducation, à l’alimentation, à la santé, etc. La mobilité devrait donc être comprise dans une logique de service public au même titre que la santé ou l’éducation. Ces services sont disponibles à la population, peu importe la capacité de payer d’un individu.

Pour le transport en commun, malheureusement, il en va autrement.

Comment ne pas envisager la gratuité quand on sait qu’elle permet à la fois de lutter contre l’exclusion sociale et contre les changements climatiques?

Alors qu’une personne seule à l’aide sociale reçoit 770 $ par mois, plusieurs travailleur·euses tirent aussi le diable par la queue. Dans un contexte d’explosion du coût des loyers, d’augmentation de la facture d’électricité, sans parler de l’épicerie, combien pensez-vous qu’il reste d’argent pour le transport? Poser la question, c’est y répondre.

Gratuité et changements climatiques

Le transport en commun gratuit est également une solution pour atteindre nos objectifs pressants de réduction de gaz à effet de serre. À Montréal, c’est 40 % des GES qui proviennent du transport routier. On estime que les changements climatiques à eux seuls coûteront 5,3 milliards $ par an aux municipalités. Une diminution des voitures en ville comporte de multiples avantages.

Cette mesure permet aussi de créer des villes plus denses et sécuritaires, pensées en fonction des humains qui y vivent plutôt que des voitures qui y circulent. Car oui, nous croyons que la gratuité serait un incitatif important pour délaisser la voiture, même si l’offre de service est aussi un facteur déterminant dans ce choix.

Un choix politique

Rien n’est gratuit, direz-vous. Québec devra financer cette mesure pour remplacer la part payée par les usager·ères.

Or, des économies sont à considérer dans ce savant calcul coûts-bénéfices : entretien des routes, congestion, pollution, santé, etc. Des revenus supplémentaires sont aussi à prendre en compte : attractivité des villes pour les entreprises et les touristes, densification des quartiers et dynamisation du centre-ville et de ses commerces.

Des choix politiques sont aussi possibles. En Ontario, les investissements confirmés en transport pour 2022-2032 consacrent 71 % au transport collectif et 29 % au réseau routier alors que Québec a un ratio inverse de 30 % pour le transport collectif et de 70 % pour le réseau routier.

Si Québec peut investir des milliards $ pour la construction d’un nouveau tunnel, il peut aussi, s’il le décide, investir dans le transport en commun gratuit.

Valérie Plante présentait dernièrement avec fierté la réalisation de la gratuité du transport collectif pour les aîné·es. Elle mentionnait au passage le concept d’« équité territoriale » sans égard au revenu. Cette équité doit s’appliquer à tous et toutes, non pas seulement aux aîné·es.

Sur le plan environnemental, la gratuité touche aussi à l’équité intergénérationnelle. Mme Plante mentionne que le transport collectif ne doit plus être vu comme une dépense, mais plutôt comme un investissement pour bâtir l’avenir. Nous sommes bien d’accord avec elle et nous espérons qu’elle sera une alliée pour porter cette vision à Québec.

Le transport en commun gratuit n’est pas une utopie. Il est présent dans plus de 120 villes dans le monde. Qu’attend la Ville de Montréal pour rejoindre le mouvement?

Isabelle Mailloux-Béïque et Dominique Gagnon sont conseillères budgétaires à l’ACEF du Nord de Montréal.

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