Qu’ont en commun les secteurs de l’ancien Hippodrome Blue Bonnets et de Lachine-Est, mis à part le fait qu’ils se trouvent à Montréal? Tous deux ont récemment fait l’objet d’annonces en vue de leur redéveloppement… et dans les deux cas, le tramway est identifié comme un mode de transport à privilégier pour structurer le secteur.
Et il est maintenant temps que la métropole s’engage dans cette voie.
Mardi, la mairesse Valérie Plante et son équipe ont dévoilé les grandes lignes du Programme particulier d’urbanisme (PPU) pour le secteur de Lachine-Est. On connaissait déjà les intentions de Projet Montréal pour le secteur, qui remontent (au moins) à l’annonce de la ligne rose vers l’ouest lors de la campagne électorale de 2017, puis à l’ajustement du projet lors de l’entente conclue avec Québec en 2019, qui évoquait déjà l’idée d’un tramway.
Depuis 2021, un bureau de projet de l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) étudie la question et on attend la présentation d’une première version du projet plus tard cette année. Le tramway a la faveur du palier municipal, mais l’ARTM refuse de s’engager pour un mode précis à l’heure actuelle.
Par ailleurs, dans une rare sortie portant sur le transport en commun, la mairesse de l’arrondissement LaSalle, Nancy Blanchet, a réclamé que ce projet structurant desserve également son arrondissement. Autrement dit : il y a de l’appétit, et pas seulement du côté de Projet Montréal.
À la fin mai, on a annoncé la formation d’un groupe de travail pour accélérer le développement du secteur de l’ancien Hippodrome. Il s’agit d’un secteur immense où, comme à Lachine-Est, tout est à refaire. L’avantage de ce genre de projet, c’est qu’il permet d’imaginer des solutions structurantes et de les construire avant que cela ne devienne trop coûteux en raison de la présence d’éléments déjà construits.
D’ailleurs, la mairesse de l’arrondissement Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce a affirmé, à la mi-mai, qu’elle rêve d’un tramway dans le secteur. Cela a du sens : le secteur sera vraisemblablement assez dense, mais trop éloigné de la station de métro la plus proche (Namur). Un tramway passant dans l’axe de la rue Jean-Talon et se rendant, en passant par cette station, jusqu’au cœur de Ville Mont-Royal, où une station du REM ouvrira l’an prochain, permettrait de connecter plusieurs quartiers et lignes de transport.
Ainsi, dans les deux cas, le tramway est clairement identifié comme un mode à privilégier par les mairesses Plante, Vodanović (Lachine) et Kasoki Katahwa (Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce), mais elles n’ont malheureusement pas l’autorité nécessaire pour prendre cette décision, qui revient in fine à Québec, sous recommandation de l’ARTM.
Il y a de l’appétit, et pas seulement du côté de Projet Montréal.
Or, rappelons les avantages de ce mode par rapport à d’autres. D’une part, il est beaucoup moins cher qu’un métro et permet de desservir des secteurs où la densité ne justifie pas nécessairement l’implantation d’un métro.
D’autre part, il est plus confortable et accessible que la plupart des autres modes : le roulement est doux et l’accès se fait par des quais au niveau de la rue (pas besoin de monter ou descendre des escaliers ou de construire des ascenseurs).
Enfin, par rapport à un système rapide par bus (SRB), il a un effet plus structurant sur la vie d’un quartier et est plus durable. Pour cette même raison, lorsque l’on considère les coûts de réalisation, mais également les coûts liés à l’acquisition et à l’entretien des véhicules, un tramway revient moins cher, à long terme, qu’un SRB offrant la même capacité.
Il suffit d’avoir une vision à long terme.
Ambitions et renoncements des dernières années
Dans le Plan de transport de la Ville adopté par l’administration de Gérald Tremblay en 2008, on faisait d’ailleurs la belle part au développement d’un réseau de tramway, en commençant par trois lignes : une boucle au centre-ville, un tracé sur le chemin de la Côte-des-Neiges et un autre sur l’avenue du Parc, pour un total d’environ 20 km.
Malheureusement, le gouvernement libéral de Jean Charest n’avait aucun appétit en la matière (comme en transport collectif de manière générale), ce qui a rapidement mis fin aux ambitions de la Ville. D’autant plus que le successeur de Gérald Tremblay, Denis Coderre, partageait le manque d’ambition de ses cousins libéraux.
Il suffit d’avoir une vision à long terme.
Or, depuis la mise en veilleuse des projets de l’ère Tremblay, les besoins n’ont pas diminué. Si j’ai déjà mentionné deux secteurs où l’implantation d’un tramway a été identifiée comme souhaitable, il y en a au moins un autre : les Faubourgs (grosso modo entre St-Hubert et Fullum, entre Sherbrooke et le fleuve), où la transformation des sites de Radio-Canada et Molson a justifié l’élaboration d’un plan particulier d’urbanisme.
Dans sa première version, annoncée en 2020, on trouvait une ligne de tramway sur le boulevard René-Lévesque se prolongeant à l’est sur le boulevard Notre-Dame. Or, en raison de la saga du REM de l’Est imposée à la Ville par le gouvernement Legault, la version finale du PPU ne parle plus que d’un « transport collectif en site propre ». Gageons toutefois que l’idée d’un tramway n’est pas disparue, surtout que le REM de l’Est est en redéfinition et ne passera vraisemblablement pas par ce secteur.
Maintenant, faisons le compte : une boucle au centre-ville, une ligne sur René-Lévesque et Notre-Dame, une autre sur Côte-des-Neiges se terminant à l’Hippodrome, une autre sur l’avenue du Parc et une dernière reliant Lachine au centre-ville. Cela commence à ressembler à un véritable réseau digne de ce nom!
Ne pas attendre les retardataires
Bien sûr, on trouvera les habituel·les réfractaires à l’idée de développer le tramway dans la métropole (comme on peut en entendre à Québec ces jours-ci) : défenseurs du tout à l’auto, néolibéraux peu friands d’investissements publics, réactionnaires et conspirationnistes en tout genre qui trouveront l’idée trop « woke ».
Ce que les dernières années nous ont appris du côté des projets ambitieux pour nos villes (pensons au Réseau express vélo), c’est qu’il faut aller de l’avant malgré ce genre de protestation prévisible. Et on pourrait même oser l’hypothèse suivante : le succès de tels projets est le plus souvent proportionnel au volume des cris d’orfraie de leurs détracteur·trices.
Bien sûr, on trouvera les habituel·les réfractaires : défenseurs du tout à l’auto, néolibéraux peu friands d’investissements publics, réactionnaires et conspirationnistes en tout genre qui trouveront l’idée trop « woke ».
De toute façon, comme société, nous n’avons plus les moyens d’attendre : la croissance du parc automobile doit être freinée – et même inversée –, que ce soit pour des raisons d’environnement ou de sécurité. Les nouveaux développements ne peuvent plus se faire comme dans les années 1990 et doivent absolument être réfléchis autour d’une offre de transport collectif structurante.
Rarement aura-t-on vu une aussi belle et grande opportunité du côté du transport collectif à Montréal. Les astres semblent s’aligner, le gouvernement québécois doit comprendre que l’heure du tramway a sonné.