Depuis le début de son mandat, le gouvernement Legault fait cavalier seul, fort d’une majorité importante à l’Assemblée nationale.
Faisant fi de ce qu’il a annoncé en campagne électorale, il se lance dans des réformes mammouth, jamais annoncées ni débattues publiquement. Nous pensons évidemment au projet de loi 15 en santé ainsi qu’au projet de loi 23 en éducation.
Jamais le mandat n’a été donné aux caquistes d’apporter des transformations fondamentales à la manière dont ces deux réseaux cruciaux pour la société québécoise sont organisés, à plus forte raison des transformations comme celles qu’ils mettent de l’avant actuellement.
Nous ne nions pas que des changements importants soient nécessaires, tant dans le réseau de la santé et des services sociaux que dans celui de l’éducation.
Cependant, ceux-ci doivent refléter non pas le point de vue du gouvernement en place, mais bien celui de la population dans son ensemble.
C’est à la population, et à elle seule, que doit revenir le contrôle des institutions publiques.
Ce qui nous paraît problématique, par-delà les changements proposés, est la manière dont les projets de loi 15 et 23 ont été élaborés : aucune consultation en amont, puis des consultations publiques éclair, dont les participant·es sont trié·es sur le volet, une fois les projets de loi déposés.
De nombreuses voix de la société civile se sont d’ailleurs élevées pour dénoncer cette façon de faire.
Ceci est inquiétant, surtout lorsque l’on considère que ces deux réformes auront pour effet de centraliser encore davantage le pouvoir entre les mains des ministres qui les portent, en plus de restreindre les possibilités d’exprimer un point de vue critique à l’intérieur même des réseaux.
Gouverner comme des patrons
Une pointe inquiétante d’autoritarisme fait surface, qui, selon nous, tient son origine du milieu des affaires, celui dont provient une large proportion des élus caquistes. De manière générale, dans l’entreprise capitaliste classique, le modèle qui prévaut repose sur le principe que ce sont les patrons qui décident et les employé·es qui travaillent à réaliser les objectifs qui leur sont imposés d’en haut.
Or, il ne faut pas perdre de vue que les député·es élu·es par la population en sont les représentant·es, et non les patron·nes. Cette nuance peut être difficile à assimiler pour des personnes qui ont donné des ordres et des directives toute leur vie, mais elle n’en demeure pas moins essentielle dans le contexte d’une société démocratique.
À force de se modeler sur l’entreprise privée, l’État québécois en a importé les tares antidémocratiques et autoritaires.
Un régime démocratique fort n’est pas un régime où les élu·es imposent unilatéralement leur point de vue et leurs priorités à la population. Au contraire, il s’agit d’un système où la population mandate des représentant·es afin qu’elles et qu’ils mettent en place les mesures qui correspondent à sa volonté. Idéalement, elle doit être en mesure de les remettre à leur place lorsque ce n’est pas le cas.
Contrairement à ce qu’il semble penser, le gouvernement caquiste n’a pas carte blanche pour faire ce qu’il veut, aussi nombreux que soient ses député·es à l’Assemblée nationale. Il peut encore moins proposer une réforme importante qu’il n’a pas annoncée, et pour laquelle il n’a jamais mené de consultations dignes de ce nom. Il doit notamment tenir compte du fait qu’une large majorité de Québécois·es n’a pas voté pour lui, et n’est pas en accord avec les idées qu’il met de l’avant.
À force de se modeler sur l’entreprise privée, l’État québécois en a importé les tares antidémocratiques et autoritaires, ce que nous ne pouvons malheureusement que constater et dénoncer.
Contre l’autoritarisme, la démocratie
Nous croyons qu’il est nécessaire et urgent que le gouvernement du Québec opère un changement de cap. Il est temps que la population reprenne ses droits et soit à même non seulement d’influencer, mais plus encore de déterminer par elle-même l’avenir des institutions publiques qui sont à son service – et qu’elle finance largement en payant taxes et impôts.
Les député·es élu·es par la population en sont les représentant·es, et non les patron·nes.
Évidemment, ceci représente pour le premier ministre et pour plusieurs élu·es caquistes un changement de paradigme qui peut être difficile à intégrer. Il n’en reste pas moins que ce n’est qu’à cette condition que nous pourrons éviter la tangente autoritaire à laquelle François Legault et ses troupes commencent à nous habituer.
C’est à la population, et à elle seule, que doit revenir le contrôle des institutions publiques. Il est plus que temps que le gouvernement du Québec en prenne bonne note et agisse en conséquence.
Signataires
Bertrand Guibord, secrétaire général et responsable politique du dossier éducation
Nancy Turgeon, responsable du comité éducation
Arianne Carmel-Pelosse, deuxième vice-présidente et responsable politique du dossier santé et services sociaux
Jonathan Grenier, responsable du comité santé et services sociaux