Depuis mardi, après avoir remis un avis d’expulsion à sept forestières, le Collectif Mashk Assi et des allié·es atikamekw et allochtones bloquent un chemin forestier au sud du lac Kénogami pour empêcher le passage de la machinerie. Les militants, qui dénoncent le saccage du Nitassinan par ces entreprises, s’opposent aussi à la signature d’un traité négocié entre Ottawa, Québec et trois conseils de bande.
Le mardi 30 mai au matin, des membres du Collectif Mashk Assi ainsi que leurs allié·es atikamekw et allochtones se réunissaient au kilomètre 216 de la route 175 pour bloquer l’accès à un chemin de bois aux machineries et aux véhicules des entreprises forestières.
Mashk Assi est un regroupement indépendant qui se consacre à la protection du territoire et la mise en œuvre de la souveraineté ancestrale sur les territoires non cédés.
Lundi, le collectif transmettait une lettre d’expulsion signée par 35 gardien·nes de territoire à sept entreprises forestières qui opèrent sur le Nitassinan (territoire innu). Cette lettre fait valoir que les activités d’exploitation forestière sont illégales, puisqu’elles sont menées en territoire non cédé et sans le consentement des familles gardiennes du territoire.
Si des ententes entre les conseils de bande et les forestières encadrent parfois les coupes, Mashk Assi souligne que les zones de coupes concernées sont à l’extérieur des territoires des réserves. Ainsi, puisqu’elles ciblent des zones situées en dehors de la juridiction des conseils de bande, les ententes sont nulles, selon le collectif.
« On prend notre rôle de gardiens du territoire. »
Michaël Paul, Mashk Assi
L’exploitation forestière actuelle menace aussi gravement l’environnement, prévient Michaël Paul, membre du collectif. « En ce moment, les forêts sont saccagées à un point tel que ça contribue aux changements climatiques et à la disparition des habitats des animaux », dit-il.
« On prend notre rôle de gardiens du territoire. »
« Les inondations sont plus fréquentes parce que la coupe des arbres réduit la capacité des sols à retenir l’eau. On voit aussi l’extinction du caribou : les forêts ancestrales sont importantes parce qu’elles permettent la régénération du lichen, la nourriture du caribou, qui prend des dizaines d’années à pousser », poursuit Michaël Paul.
« L’industrie forestière actuelle ne permet pas cette régénération. »
Petapan, un traité d’extractivisme?
Mashk Assi s’oppose aussi à la signature du traité Petapan. Ce traité est négocié en huis clos avec les gouvernements du Québec et du Canada par le regroupement des conseils de bande des communautés innues d’Essipit, de Mashteuiatsh et de Nutashkuan.
Le traité Petapan, parfois qualifié de « traité moderne » comme la Convention de la baie James, vise à redéfinir la relation qu’entretiennent les trois communautés innues avec le Québec et le Canada sur une multitude d’enjeux. Notamment, le traité encadrerait le partage avec les trois communautés des redevances tirées de l’exploitation des ressources naturelles sur leur Nitassinan, apprend-on sur le site web du regroupement Petapan.
Le texte du traité n’y est pas disponible. On peut toutefois lire sur le site web du gouvernement du Canada l’entente de principe d’ordre général dont le texte doit servir de base à la rédaction du traité final.
« Avec Petapan, on n’a pas le droit de dire non à l’extractivisme, on est condamné à y participer. »
Michaël Paul
Mercredi, l’Assemblée nationale du Québec adoptait à l’unanimité une motion pressant le gouvernement d’accélérer les négociations pour parvenir à un accord « dans les plus brefs délais ».
Pour Michaël Paul, il faut au contraire cesser les négociations. « Le traité Petapan, c’est une menace à nos droits ancestraux, c’est une business, un partenariat économique avec les deux paliers de gouvernement. Ils s’entendent sur le partage des dividendes des ressources du territoire », dit-il.
« Avec Petapan, qu’ils qualifient de “traité d’autonomie gouvernementale”, on n’a pas le droit de dire non à l’extractivisme, on est condamné à y participer. On est loin d’un modèle innu. »
« On sait que l’extractivisme sans merci affecte les changements climatiques. [L’adoption du traité] va contribuer à les accélérer. Ce n’est pas qu’en termes de profit et d’argent : le grand danger, c’est l’extinction de l’humanité. C’est carrément ça », tranche Michaël Paul.
Allié·es atikamekw et allochtones
Mashk Assi dit agir « en solidarité avec [ses] frères et sœurs atikamekw qui luttent pour protéger leurs forêts ancestrales du Nitaskinan ».
« C’est le même combat pour défendre le territoire et les intérêts des communautés et des familles plutôt que les profits. »
Azad Chan-Cyr, Ekoni Aci
Des membres d’Ekoni Aci (« c’est assez »), qui réunit des défenseurs du territoire atikamekw de Manawan et de Wemotaci, se sont rendus sur le site du blocus pour prêter main-forte au collectif Mashk Assi dans son combat.
« On a coordonné nos actions pour intensifier la pression. On veut unifier nos forces face aux compagnies et aux gouvernements », explique Azad Chan-Cyr, membre d’Ekoni Aci présent sur le site du blocus de Mashk Assi. « C’est le même combat pour défendre le territoire et les intérêts des communautés et des familles plutôt que les profits. »
L’Association pour la protection du lac Kénogami, qui réunit des résident·es et des villégiateurs allochtones, a aussi manifesté son appui au blocus.
Au moment de la publication, l’entreprise forestière Lignarex, qui s’était dite prête à discuter avec le collectif, n’avait pas répondu à nos demandes de commentaires.
Clarification : Une mention a été ajoutée à l’effet que l’entente de principe préalable au traité Petapan était disponible en ligne. (02-06-2023)