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Contrats de gré à gré durant la pandémie : dépendance et coûts qui augmentent

La vérificatrice générale s’est penchée sur les contrats octroyés sans appel d’offres par le système de santé dans le contexte de la pandémie.

Le recours au personnel d’agences privées dans le système de santé est en hausse et les coûts augmentent rapidement. C’est le constat que fait la vérificatrice générale du Québec dans son rapport déposé aujourd’hui. De plus, le fait d’avoir donné certains contrats sans compétition, comme ceux pour mettre en place une plateforme de rendez-vous en ligne, met le gouvernement à risque de dépendance envers un fournisseur spécifique.

Pour son dernier rapport, la vérificatrice générale du Québec Guylaine Leclerc s’est penchée sur les contrats de gré à gré attribués par le système de santé en vertu de l’état d’urgence sanitaire ainsi que ceux pour la « main-d’œuvre indépendante ». Une forte proportion des contrats offerts par les CISSS et les CIUSSS sont négociés sans appels d’offres, plus que pour d’autres ministères.

Elle a également regardé de manière plus détaillée les contrats de trois établissements : le CISSS de la Montérégie-Est, le CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal et le CIUSSS de l’Estrie – Centre Hospitalier de Sherbrooke. Pour ceux-ci, la vérificatrice générale a procédé à un échantillonnage de contrats de gré à gré conclus entre avril 2019 et mars 2022.

Agences privées de placement plus présentes et plus chères

Le recours à la main-d’œuvre indépendante (MOI), c’est-à-dire essentiellement du personnel venu d’agences privées de placement, est en augmentation depuis 2016-2017 dans les trois établissements audités, constate la vérificatrice générale.

Cette situation est particulièrement importante pour le personnel en soins infirmiers et en soins d’assistance. Le recours à la MOI pour les soins infirmiers a plus que quadruplé pour deux des établissements audités, mais il a toutefois diminué dans l’Ouest-de-l’Île.

Durant la pandémie, les tarifs que pouvaient exiger les agences privées de placement étaient plafonnés par un arrêté ministériel. Cette exigence a pris fin le 31 décembre 2022. La vérificatrice générale a noté une forte augmentation des coûts depuis cette date.

À titre d’exemple, en Estrie, 17 % des agences ont soumissionné pour du personnel en soins infirmiers à des tarifs de plus du double de ceux établis durant la pandémie.

Pour le personnel en assistance, c’est pire : 48 % des agences de l’Estrie et 38 % des agences de la Montérégie ont soumissionné à des tarifs supérieurs au double de celui en vigueur durant la pandémie.

Le MSSS à risque de dépendance envers une entreprise

Le recours aux contrats de gré à gré met le réseau de la santé à risque de devenir dépendant d’un fournisseur unique, met en garde la vérificatrice générale.

Elle cite en exemple le choix d’une plateforme de rendez-vous en ligne par le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS). En décembre 2020, durant l’état d’urgence sanitaire, le MSSS a annoncé son choix pour la plateforme de prise de rendez-vous pour la vaccination contre la COVID-19. Celui-ci a ensuite demandé aux établissements de signer des ententes avec le propriétaire de la plateforme, l’entreprise Trimoz Technologies.

Étant donné que le gouvernement n’est pas propriétaire de cette plateforme, « il y a un risque de dépendance envers la firme », selon la vérificatrice générale. En effet, si un appel d’offres était lancé aujourd’hui, Trimoz Technologies se trouverait avantagée parce qu’elle a déjà reçu 1,3 million $ pour ajuster sa plateforme pour répondre aux besoins du MSSS.

La vérificatrice note que les coûts par rendez-vous « pour l’utilisation de la plateforme ont fortement augmenté en quelques années pour les établissements audités. Par exemple, en ce qui concerne la vaccination contre la grippe saisonnière, ils ont connu une hausse de 89,1 % par rapport au coût moyen de 2020 ».

État d’urgence et contrats sans appel d’offres

Le gouvernement a déclaré l’état d’urgence sanitaire le 13 mars 2020. Dans ce contexte, il a allégé de façon exceptionnelle les exigences pour l’octroi de contrats par les établissements de santé. L’état d’urgence ouvrait la porte aux contrats de gré à gré, c’est-à-dire ceux donnés sans processus d’appel d’offres.

« Le décret précisait que les contrats pouvaient être conclus sans délai et sans formalité, afin de protéger la santé de la population, et ce, sans aucune précision ni balise », écrit la vérificatrice générale.

Le Secrétariat du Conseil du Trésor n’a dicté qu’un an plus tard des lignes de conduite sur l’octroi des contrats de gré à gré, en février 2021.

La possibilité de conclure des contrats de gré à gré en vertu de l’urgence sanitaire a pris fin le 23 mars 2022.

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