Sociale ou pas, la police reste la police

On entend de plus en plus parler des multiples initiatives du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), qui se dit ancré dans une approche plus sociale. Qu’en est-il vraiment?

Ce n’est un secret pour personne : avec la pandémie, la crise du logement et la hausse du coût de la vie – combinées avec l’inaction flagrante des différents paliers de gouvernement –, plus de personnes sont contraintes à vivre une situation d’itinérance et celle-ci devient de plus en plus difficile.

La réponse curative du SPVM à cette situation difficile a été de mettre en place des équipes mixtes et non conventionnelles se voulant plus sensibles (ECCR, ÉMIC, E=MC2, EMRII, ESUP) à un rythme ne permettant pas la compréhension de leurs objectifs ni de leurs spécificités.

Bien qu’à première vue, cela semble réjouissant, le RAPSIM* et ses membres voient d’un mauvais œil la présence policière en augmentation dans les « zones chaudes », comme les identifie le SPVM. Ces « zones chaudes », ce sont les lieux occupés par les personnes en situation de marginalité, souvent à proximité des ressources communautaires où elles transitent.

La police, symbole de violence

L’agent de police n’est pas le meilleur ami des personnes en situation d’itinérance, qu’il soit à pied, à vélo, en patrouille ou accompagné d’un travailleur social.

En 2020, les membres du RAPSIM rapportaient que près de 53 % des personnes qui fréquentaient les organismes membres avaient de mauvaises relations avec la police. Le pouls du terrain d’aujourd’hui n’indique pas d’amélioration.

Mais pourquoi ces relations sont-elles si mauvaises?

Peu importe sa formation, son immersion dans des milieux communautaires, ses bonnes intentions, ou son allégeance à une équipe dite « sociale », le policier traîne un symbole plus grand que lui, qui a ses effets sur les personnes qui le voient.

Dans les faits, ces nouvelles équipes participent à l’accroissement de la détresse et de la difficulté de l’itinérance.

Pour l’illustrer, on peut penser aux moments que nous avons tous déjà vécus où, en croisant un véhicule de patrouille sur l’autoroute, nous avons diminué notre vitesse.

Le même phénomène se produit avec les personnes marginalisées, mais à une tout autre échelle. Plusieurs d’entre elles ont déjà vécu des actes de violences, de brutalité ou de harcèlement de la part de policiers. À titre d’exemple, il nous est souvent rapporté que des personnes qui consomment des substances psychoactives se font cibler par des policiers qui les interpellent et confisquent ou détruisent le matériel de consommation sécuritaire qu’elles ont reçu de groupes communautaires.

Dans un tel contexte, on ne peut que comprendre que lorsqu’un policier se présente dans des lieux où se trouvent des personnes marginalisées, celles-ci préfèrent se retirer pour éviter de vivre ces violences. Encore une fois, on force implicitement les personnes à se déplacer en leur rappelant qu’elles ne sont pas les bienvenues dans l’espace public.

Plus de police, plus de surveillance

Les multiples équipes « sociales » du SPVM auraient entre autres pour but d’éviter, lorsque possible, la judiciarisation des personnes en situation d’itinérance. Il est effectivement insensé de donner des contraventions pour des situations aussi fondamentales que dormir sur un banc de parc.

Mais la multiplication des escouades du SPVM n’implique certainement pas une diminution du harcèlement, des déplacements forcés, des interpellations et de la surveillance de la part de la police à l’égard des personnes marginalisées – au contraire. Dans les faits, ces nouvelles équipes participent à l’accroissement de la détresse et de la difficulté de l’itinérance.

L’agent de police n’est pas le meilleur ami des personnes en situation d’itinérance, qu’il soit à pied, à vélo, en patrouille ou accompagné d’un travailleur social.

Le soi-disant virage social du SPVM est-il une véritable initiative transformatrice au profit du respect des droits des personnes marginalisées ou n’est-il pas plutôt une opération de relations publiques pour changer l’image de la police?

Oui à une police plus compétente, mais surtout consciente du symbole qu’elle représente et qui s’en tient à sa raison d’être.

*Jérémie Lamarche est organisateur communautaire au Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM) et responsable des dossiers en lien avec le Droit de cité et la judiciarisation de l’itinérance