Le Québec à l’ère du vélo
Pour une deuxième année consécutive, le beau temps précoce a amené la Ville de Montréal à devancer de quelques jours la mise en service de son système de vélos en libre-service, Bixi. Mais c’est aussi à l’extérieur de la métropole que les jours s’annoncent beaux pour la pratique du vélo.
Dans le sillage de l’ouverture de cette nouvelle saison, Bixi a également fait l’annonce d’une nouvelle phase d’amélioration de son service. Ainsi, les usager·ères auront droit à 36 stations, 1468 points d’ancrage et 414 vélos supplémentaires à Montréal et dans sa proche couronne. Et plus du quart des 10 000 vélos offerts sont à assistance électrique.
Après une saison record en 2022, où le nombre de trajets a presque doublé par rapport à l’année précédente, on peut donc s’attendre à une nouvelle année de croissance.
Le petit frère de Bixi du côté de la Vieille Capitale, àVélo, a fait l’annonce, le même jour, d’un agrandissement substantiel de son réseau : les gens de Québec pourront profiter de 74 stations, notamment au campus de l’Université Laval. C’est près du double par rapport à 2022 pour cet opérateur offrant exclusivement des vélos à assistance électrique (VAE).
Il faut aussi souligner les efforts récents de villes comme Longueuil et Laval pour le développement et la sécurisation de leurs réseaux cyclables. Il y a fort à parier que ces efforts créeront localement les conditions pour une adoption de plus en plus grande du transport à deux roues.
Il s’opère en ce moment une transformation importante du rapport de la population à la pratique du vélo. Autrefois perçue comme une activité de loisir ou, au mieux, comme l’apanage de quelques personnes plus motivées, l’usage du vélo est devenu de plus en plus courant sur une base quotidienne, en particulier pour assurer certains trajets utilitaires.
Autrement dit, ce n’est pas qu’un loisir : le vélo est un moyen de transport à part entière.
Pour tous les âges…
Ceci est vrai pour des pans de plus en plus larges de la société, et le développement des VAE y joue un rôle considérable. En allégeant l’effort demandé pour pédaler, les VAE rendent accessible ce mode de transport aux gens dont la condition physique est moins vigoureuse. C’est le cas des personnes âgées, qui sont de plus en plus nombreuses sur les pistes, mais également des personnes atteintes de maladies chroniques comme la fibrose kystique.
Mais le facteur le plus important pour élargir la pratique du vélo demeure l’aménagement d’infrastructures protégées et bien conçues.
Il y a quatre ans encore, jamais je n’aurais imaginé un seul instant voir des enfants d’âge scolaire rouler (seuls ou avec leurs parents) dans un lieu comme la rue Saint-Denis à Montréal. Or, c’est maintenant tous les jours qu’on en croise, grâce à la mise en place du Réseau Express Vélo (REV) sur cet axe.
Et plus on rééquilibrera le partage de la voie publique avec de tels aménagements, plus on verra de gens les utiliser.
Ce n’est pas qu’un loisir : le vélo est un moyen de transport à part entière.
À cet égard, le Plan Vélo 2023-2027 de la Ville de Montréal est prometteur, avec ses ajouts substantiels au REV (sur Jean-Talon, Henri-Bourassa, Lacordaire) et aux pistes de plus petit gabarit… mais peut-être devra-t-il être bonifié en cours de route afin de s’ajuster à la demande grandissante. Car si la tendance des dernières années se maintient, nous serons à l’étroit sur les pistes montréalaises bien avant 2027.
Par ailleurs, il faut noter que de plus en plus de projets visent à rendre le vélo utile dans différents contextes. La popularisation des vélos-cargos, par exemple, permet aux gens de déplacer une plus grande quantité d’objets, comme une épicerie ou des achats en quincaillerie, sans avoir à utiliser leur voiture.
Également, certaines initiatives permettant la location de remorques, comme l’application LocoMotion, peuvent avoir un impact significatif en nous évitant d’avoir à acheter du matériel supplémentaire pour de tels usages ponctuels.
…et pour toutes les saisons
Toutefois, la grande nouvelle du début de la saison 2023 de Bixi a été le prolongement de la saison au-delà du 15 novembre pour permettre une utilisation hivernale de ce service.
Depuis plusieurs années, des usagers (dont votre humble serviteur) le réclamaient pour essayer le vélo quatre saisons. Pour la première année, il s’agira d’un projet-pilote limité aux abords des grands axes cyclables déneigés, avec un nombre de stations restreint (150) et une zone géographique plus petite.
Mais gageons qu’on ne s’arrêtera pas là.
Car une autre tendance a été identifiée dans les dernières années : la popularité grandissante du vélo d’hiver. Entre 2022 et 2023 seulement, on parle d’une augmentation de 27 % des déplacements comptabilisés. C’est gigantesque. Et chaque nouvelle année amène de nouveaux records.
Ce qui est vrai l’été l’est également l’hiver : si on met en place de bonnes conditions, les gens choisiront le vélo dans une proportion toujours plus grande.
Comme le rappelait le président de Vélo Québec, Jean-François Rheault, on ne compte qu’une dizaine de jours par hiver où la circulation est plus difficile en raison de la neige – ce qui est également vrai pour les voitures et les piétons, d’ailleurs. Il n’est donc pas d’une grande pertinence de considérer l’hiver comme une objection valide à la pratique du vélo.
D’ailleurs, la Ville de Longueuil a également décidé d’encourager cette pratique l’hiver dernier en commençant à déneiger une partie de son réseau cyclable, soit environ 60 km.
Ainsi, ce qui est vrai l’été l’est également l’hiver : si on met en place de bonnes conditions, les gens choisiront le vélo dans une proportion toujours plus grande.
Vélo stationnaire à l’Assemblée nationale
Malgré tous ces signaux de changement, il demeure un endroit où le statu quo semble perdurer : l’Assemblée nationale. Dans le dernier budget, aucune mesure significative pour le vélo n’a été annoncée.
Or, on est en droit de poser quelques questions. Par exemple, pourquoi le gouvernement du Québec subventionne-t-il l’achat de voitures électriques, mais pas celui de VAE? Pourquoi n’investit-il pas pour le développement du réseau interurbain et régional pour stimuler le vélo-tourisme? Pourquoi n’inclut-il pas des exigences de développement du réseau cyclable dans l’aménagement du territoire?
Le peuple québécois voit de plus en plus le vélo comme faisant partie de son avenir. Il serait temps qu’un gouvernement se réclamant de l’« avenir » en fasse autant.