La délinquance ordinaire

Mardi, le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a dressé le bilan de son « opération intersection », menée dans le secteur du pont Jacques-Cartier du 27 au 31 mars. Ainsi, durant cette période, près de 800 contraventions ont été données à des conducteurs pour différentes infractions allant du blocage d’intersection à l’utilisation du cellulaire au volant, en passant par le grillage de feu rouge et le changement de voie interdit.

Rappelons d’abord qu’il s’agissait d’une opération spéciale, largement médiatisée et qui impliquait un nombre accru d’agent·es par rapport aux effectifs réguliers. Et malgré cela, dans un secteur relativement restreint, les forces policières ont attrapé plus d’une centaine d’automobilistes par jour.

Imaginons maintenant comment les choses se passent quand le surmoi policier ne se manifeste pas de manière aussi évidente dans le quotidien des automobilistes.

Quiconque emprunte les rues de Montréal est témoin, plusieurs fois par jour, de ce genre de comportement interdit par le Code de la sécurité routière. Des comportements pouvant entraîner des accidents, parfois mortels, mais qui ont été si longtemps tolérés (ou si peu réprimandés) qu’ils en sont venus à être considérés comme normaux.

Une délinquance ordinaire, qu’on ne voit plus.

Il faudra augmenter la surveillance et la répression des comportements dangereux tant et aussi longtemps que la culture automobiliste ne se sera pas conformée au strict minimum prescrit par la loi.

En entrevue à La Presse, la commandante Krisztina Balogh du poste de quartier 22 exprimait sa surprise devant la quantité de contraventions remises et estimait que ce genre d’opération pourrait, à long terme, avoir un impact structurant sur les comportements des automobilistes. Très bien.

Pourquoi ne pas répéter une telle opération chaque semaine? Pourquoi ne pas en faire la norme plutôt que l’exception?

Zones scolaires

La même journée, le ministère de la Justice a dévoilé ses chiffres au sujet des excès de vitesse captés par des radars photo mobiles placés à proximité d’écoles. Ces dernières années, ce sont plus de 50 000 infractions qui ont été constatées par ces seuls appareils, avec une tendance haussière : en 2022, le nombre a doublé par rapport à 2021.

Avec raison, la directrice de Piétons Québec, Sandrine Cabana-Degani, s’est inquiétée d’une certaine normalisation des excès de vitesse en zone scolaire que révèlent ces chiffres.

On voit plusieurs fois par jour des comportements pouvant entraîner des accidents, parfois mortels, mais qui ont été si longtemps tolérés qu’ils sont considérés comme normaux.

Rappelons qu’ils proviennent de radars mobiles, qui ne sont pas présents en permanence et qui, surtout, ne couvrent qu’une infime minorité des zones scolaires du Québec. Dans le même article, un brigadier souligne d’ailleurs que les automobilistes ralentissent davantage les semaines où les radars sont présents et reprennent leurs comportements dangereux (et illégaux) lorsque ces radars sont déplacés ailleurs.

Un autre exemple de délinquance ordinaire qui se trouve atténuée lorsque la menace de l’amende se fait sentir.

Ce qui est certain, c’est qu’il faudra augmenter la surveillance et la répression des comportements dangereux tant et aussi longtemps que la culture automobiliste ne se sera pas conformée au strict minimum prescrit par la loi. Car le risque de nuire à l’intégrité physique, voire à la vie, des autres usager·ères de la voie publique ne semble pas encore être un argument suffisant pour changer les comportements…

Changement de position

Il est bon de voir l’opposition à l’Hôtel de Ville de Montréal se joindre au mouvement réclamant davantage de protection pour les piéton·nes autour des écoles. Jusqu’à tout récemment, le parti de l’ex-maire Denis Coderre s’était plutôt fait le porte-voix des doléances automobilistes, mais mardi, la leader adjointe Alba Zúñiga Ramos a réclamé « des mesures fortes afin de changer ces comportements illégaux qui mettent en danger la sécurité des plus vulnérables ».

Notons que parmi les mesures les plus susceptibles de protéger la sécurité des non-automobilistes, on compte les dos d’âne, les feux prioritaires, les saillies de trottoirs, les chicanes et les pistes cyclables protégées.

Verra-t-on ainsi un changement dans le discours de ce parti qui s’est le plus souvent opposé à des aménagements de l’une ou l’autre de ces catégories? Et cette nouvelle position vaudra-t-elle également pour les secteurs hors des zones scolaires?

Avec l’arrivée du printemps, permettons-nous un peu d’optimisme!