Les RPA : un modèle dont il faut revoir les fondements
Ces derniers mois, plusieurs fermetures de résidences privées pour aîné·es (RPA) ont fait les manchettes à Québec : la Seigneurie de Salaberry, la Villa Sainte-Foy et, la semaine dernière, le Domaine du Parc des Braves.
À l’échelle du Québec, plus de 300 RPA ont fermé leurs portes depuis 2020-2021. À chaque fois, il se joue des centaines de drames humains. Des locataires aîné·es doivent vivre l’anxiété d’avoir à se trouver un nouveau logement, la peur de se retrouver à la rue et le stress d’un déménagement hors de leur milieu de vie, alors que bien souvent ils et elles comptaient y finir leurs jours.
Chaque fois, ce sont l’État et les groupes communautaires qui sont pris à ramasser les pots cassés par le secteur privé. La pratique est si courante que les CIUSSS ont maintenant tout un processus bien rodé pour que cette transition se fasse sans accroc pour les propriétaires (mais en oubliant les droits des locataires).
La réalité est que le modèle québécois des RPA ne fonctionne pas
Nous avons laissé pendant trop longtemps le soin des personnes ainées à la grosse industrie et aux impératifs dictés par le marché.
La vision prônée par les propriétaires est toujours la même : augmenter leurs profits.
Au Québec, les cinq plus grosses entreprises de RPA détiennent plus de 35 % de toutes les unités. La plupart de ces cinq géants ont des structures de propriété très complexes et tous sont des entreprises multimilliardaires.
La vision prônée par ces propriétaires est toujours la même : augmenter leurs profits en chargeant plus à l’État et aux personnes ainées. Pourtant, ces dernières consacrent systématiquement presque l’ensemble de leurs revenus à se loger.
D’ailleurs, une enquête de Protégez-vous publiée plus tôt en janvier révélait que, déjà, 49 % des résidents en RPA se disent irrités par leurs loyers trop élevés. Or du côté du propriétaire, avant la pandémie, les marges bénéficiaires d’exploitation de l’industrie québécoise des RPA étaient estimées par Statistique Canada à un plus que respectable 13,6 %…
Il est temps que ça cesse
Le marché privé ne répond pas au besoin des locataires aîné·es et l’absence totale de contrôle public sur les fermetures qui se multiplient en est la preuve.
Le logement et la santé sont des compétences provinciales et la CAQ mange dans la main des propriétaires.
Pendant ce temps, tous les acteurs – ministère de la Santé, CIUSSS et municipalités – semblent impuissant·es à faire quoi que ce soit. Pourtant, les soins donnés aux personnes ainées devraient être considérés comme un service public sur lequel nous avons, collectivement, un contrôle.
Il faut sortir les RPA du marché privé
Voilà tout un défi qui engage une multitude d’acteurs qui se renvoient la balle.
Dans le court terme, les municipalités qui ne l’ont pas encore fait (comme Québec) pourraient empêcher les conversions de RPA en modifiant leur zonage. Elles pourraient aussi se doter du droit de préemption pour pouvoir être en mesure de se montrer acquéreur lorsqu’une RPA est mise en vente.
Si on veut véritablement prendre soin des personnes ainées, il nous faut un programme de logements véritablement sociaux.
Le problème : le logement et (surtout) la santé sont des compétences provinciales et la CAQ mange dans la main des propriétaires. C’est à Québec de se doter des outils pour créer (et maintenir) des milieux de vie qui répondent aux besoins des communautés et à plus forte raison des personnes ainées.
Avant que la ministre responsable de l’Habitation ne s’engage à mettre fin au programme de logement social AccèsLogis, celui-ci aurait pu servir au développement d’organismes sans but lucratif accueillant des personnes ainées.
Maintenant, il faudra vraisemblablement partir à zéro.
Si on veut véritablement prendre soin des personnes ainées, il nous faut quoi qu’il en soit un programme de développement de logements véritablement sociaux. Que ce programme soit généraliste ou spécifiquement destiné aux personnes âgées en perte d’autonomie, il faut absolument que, collectivement, on se donne les moyens d’offrir des logements sécuritaires, réellement abordables et des services sociaux de qualité dont tou·tes puissent bénéficier.
Jonathan Carmichael est organisateur communautaire au Bureau d’animation et d’information logement du Québec métropolitain.
Charles-Olivier P.Carrier est organisateur au Comité logement d’aide de Québec Ouest.