Marche trans 2022 à Montréal | Photo : André Querry
Reportage

Jeunes trans et non-binaires : « si on n’accepte pas leur réalité, iels vont juste souffrir »

Pour les enfants et les jeunes trans ou non binaires, le soutien familial est crucial dans le développement, démontrent les études.

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La transidentité et la non-binarité ne sont pas de nouvelles réalités. Elles sont toutefois de plus en plus visibles en société, bien qu’encore hautement marginalisées. Dans les dernières années, de nombreuses études ont permis d’augmenter la compréhension et la connaissance sur les réalités des personnes trans ou non binaires, notamment les enfants et les adolescent·es. Pour ces jeunes personnes, le soutien familial est clé dans leur développement et a des conséquences durables sur leur qualité de vie.

L’Observatoire des réalités familiales a récemment mis à la disposition du public le dossier thématique « Regards sur les réalités familiales des enfants et jeunes trans et non binaires ». Ce dossier offre un tour d’horizon sur la réalité des jeunes faisant partie de la diversité de genre et leur famille.

À l’heure actuelle, entre 1,2 % et 2,7 % de ces jeunes personnes s’identifient comme trans ou non-binaires.

Entre cinq et huit ans : c’est l’âge moyen auquel les enfants se questionnent sur leur différence d’identité de genre. Mais pour certain·es, ça peut être beaucoup plus tôt, dès l’âge de deux ou trois ans.

« Il est important que les enfants qui se questionnent aient des modèles pour se reconnaître et des mots pour identifier ce qu’iels vivent », explique la psychologue Françoise Susset, qui a cofondé l’Institut pour la santé trans.

Et le facteur déterminant du bien-être de ces enfants? Le soutien familial, dont le manque cause des conséquences dévastatrices dans la vie des enfants.

Le soutien parental : un facteur déterminant

Or, les études démontrent que la majorité des parents d’enfants trans n’acceptent pas l’identité de genre de leur enfant. Ce refus peut miner la confiance, bousculer le processus de questionnement, et même effriter la relation parents/enfants.

Beaucoup de parents défendent l’idée que leur enfant serait victime d’une « mode » ou encore d’une « influence des réseaux sociaux ». Mais la professeure Annie Pullen Sansfaçon affirme qu’il est important de déconstruire ces fausses idées reçues.

« Ces personnes-là ont toujours existé. Si on n’accepte pas leur réalité, elles ne vont pas cesser d’exister, elles vont juste souffrir », défend la titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les enfants transgenres et leurs familles et professeure à l’École de travail social de l’Université de Montréal.

Rassurer l’enfant, démontrer de l’amour, réaffirmer son importance sont autant de manières d’apporter du soutien.

Quelques chiffres

Chez les jeunes personnes trans qui sentent un appui solide de la part de leurs parents :

→ le taux de suicide chute de 93 %

→ leur satisfaction face à la vie augmente de 72 %

→ leurs chances d’avoir une bonne santé physique augmentent de 66 %

→ leurs chances d’avoir une excellence santé mentale augmentent de 70 %

Données tirées d’une étude menée par TransPULSE

Le soutien familial doit être empreint de flexibilité face au parcours de l’enfant, explique Mykaell Blais, intervenant, formateur et démystificateur à Trans Mauricie/Centre-du-Québec. « Les parents doivent comprendre qu’il n’y a pas de ligne droite à l’affirmation de genre. »

S’adapter est aussi le mot d’ordre : que ce soit en acceptant un changement de pronoms, de prénom, une nouvelle coupe de cheveux ou une nouvelle garde-robe, les parents doivent être réceptifs aux moyens entrepris par leur enfant pour affirmer son identité.

Le facteur déterminant du bien-être de ces enfants? Le soutien familial, dont le manque cause des conséquences dévastatrices.

Les enfants et leur famille ne restent pas seul·es dans tout ce processus. « Vers les étapes plus irréversibles, les professionnel·les embarquent dans le dossier : psychologues, sexologues, etc. », explique Mykaell Blais.

Des groupes de soutien pour les parents existent également, offrant des espaces sécuritaires d’échange et de partage sur leurs réalités et les défis vécus. Ils peuvent ainsi être plus à même d’appuyer leurs enfants. « Le but ultime, c’est d’aider l’enfant », explique Lionel Lehouillier, membre de Trans Outaouais. « On passe donc par le parent : s’il a du soutien, il pourra mieux aider l’enfant. »

Un guide complet de ressources, d’outils et d’informations à l’intention des parents a été préparé par le Central Toronto Youth Services.

Des barrières et des discriminations persistantes

Mais même lorsque bien accompagnées, les jeunes personnes trans ne sont pas à l’abri des discriminations, que ce soit dans l’accès au logement ou à l’emploi, dans les obstacles pour obtenir des soins de santé ou pour du soutien juridique.

Selon une étude menée dans les écoles canadiennes, 90 % des jeunes personnes trans disent entendre des commentaires transphobes de la part d’autres élèves chaque jour ou chaque semaine.

Selon un sondage effectué auprès de jeunes personnes trans canadiennes, un tiers a révélé avoir fait une tentative de suicide.

« La société est, encore à ce jour, très transphobe », se désole Lionel Lehouillier.

Dans ce contexte d’adversité, le soutien familial est important, mais il ne remplace pas le besoin d’une communauté. « Ce qui va aider les jeunes personnes, c’est de ne pas se sentir seul·e et d’aller chercher des gens qui vivent des réalités semblables. »

Les discriminations s’accentuent parfois pour les jeunes personnes qui vivent en région, ou encore qui sont issues de l’immigration. L’accès à des ressources et services est parfois restreint, dû à la distance, à des contraintes économiques ou encore au statut légal.

« Ce qui va aider les jeunes personnes, c’est de ne pas se sentir seul·e et d’aller chercher des gens qui vivent des réalités semblables. »

Lionel Lehouillier, Trans Outaouais

« Il faut adopter une lutte intersectionnelle quand on parle de jeunes trans ou non binaires », affirme donc la professeure Annie Pullen Sansfaçon.

La neurodiversité amène également une couche de complexité : certains comportements de dysphorie de genre s’apparentent à des diagnostics de santé mentale. De faux diagnostics peuvent survenir, complexifiant le parcours d’affirmation des enfants ou des jeunes personnes.

Chose certaine, même si les réalités familiales peuvent s’améliorer, l’acceptation des réalités trans est l’affaire de l’ensemble de la société. « Ce dont on a besoin, ce sont des allié·es plus visibles. Il faut qu’on se lève debout, qu’on donne la parole aux bonnes personnes. Il faut que les allié·es démontrent qu’ils ne sont pas d’accord avec les gens qui entretiennent des pensées, des mythes, des préjugés à l’égard des personnes trans ou non binaires », conclut Mykaell Blais.

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