La Colombie-Britannique a annoncé mercredi qu’elle assurerait la gratuité des contraceptifs pour tou·tes ses résident·es. Une première au pays, cette décision à pour but d’éliminer les barrières financières qui limitent ou bloquent l’accès à des moyens de contraception efficaces, particulièrement aux jeunes et aux personnes à faible revenu.
À compter du 1er avril prochain, tous les moyens de contraception seront gratuits en Colombie-Britannique. Cette mesure comprend toutes les formes de contraception sur ordonnance comme la pilule anovulante, les injections contraceptives, les dispositifs intra-utérins en cuivre et hormonaux (comme les stérilets), les implants sous-cutanés, ainsi que la contraception d’urgence, la « pilule du lendemain ».
Cette annonce a fait réagir jusqu’au Québec, où certain·es demandent maintenant qu’une telle mesure soit aussi adoptée.
« Le leadership de la Colombie-Britannique doit inspirer le gouvernement Legault de poser un geste fort », a avancé la porte-parole de Québec solidaire, Manon Massé, dans un communiqué.
Québec solidaire estime que la couverture publique de la contraception représenterait des coûts de 48 millions $ par année au Québec. En retour, selon une étude de la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada, la contraception gratuite permettrait de réduire les coûts des soins reliés aux grossesses non désirées et d’ainsi épargner 71 millions $ par année au niveau provincial.
En 2014, la Société canadienne de pédiatrie recensait près de 60 000 grossesses non désirées chez les 24 ans et moins au pays, dont plus de 16 000 concernaient les moins de 20 ans. Afin de réduire ces taux et de faire tomber les barrières à la contraception, l’organisation recommande d’ailleurs d’instaurer un accès gratuit et confidentiel à la contraception jusqu’à l’âge de 25 ans.
Depuis quelques années, le gouvernement du Québec offre la pose gratuite de stérilet de cuivre lors d’une interruption de grossesse en clinique. Les personnes qui se rendent déjà à leur rendez-vous médical pour un avortement peuvent donc repartir avec une méthode de contraception efficace sur plusieurs années.
« C’est le genre de programme qui a déjà été mis en place, le gouvernement a déjà fait le pari que ce serait bénéfique pour tous », remarque Marianne Rodrigue, sexologue et coordonnatrice au développement et rayonnement communautaire au Centre de santé des femmes de Montréal (CSFM).
Cependant, les autres moyens de contraception, même lorsque partiellement couverts par le régime d’assurance maladie, nécessitent toujours des frais importants.
Pour ceux et celles qui fournissent des ressources et des soins de santé sexuelle et reproductive au CSFM, la gratuité de la contraception au Québec constituerait une avancée majeure pour la santé publique et l’égalité des genres.
Barrières à la contraception
Au Canada, les moyens de contraception mensuels coûtent environ entre 15 à 30 $ par mois aux individus, ce qui peut représenter des dépenses annuelles importantes, surtout pour les jeunes. D’autres contraceptifs comme le stérilet, qui ont une efficacité variant de 3 à 10 ans, représentent un coût ponctuel de plusieurs centaines de dollars.
« Les personnes ont un choix, mais selon leurs moyens, elles ne peuvent pas toujours choisir la méthode qu’elles aimeraient et qui leur conviendrait le mieux. »
Marianne Rodrigue
Les adolescent·es peuvent parfois bénéficier des régimes d’assurance privés de leurs parents, lorsque ceux-ci ont la chance d’en avoir. Mais certain·es peuvent éviter d’y avoir recours afin de protéger leur vie privée, voire par peur de représailles de la part de leurs parents.
La contraception devient parfois inaccessible aux personnes qui n’ont pas les moyens d’assumer les coûts. C’est ce qu’observe le personnel du Centre de santé des femmes de Montréal, un organisme à but non lucratif qui offre entre autres des soins en gynécologie et d’interruption de grossesse. Pour certain·es patient·es, la contraception représente des frais qui doivent passer après ceux nécessaires pour se nourrir et se loger.
Certain·es optent aussi pour des méthodes qui sont moins dispendieuses, mais peut-être moins bien adaptées à leurs besoins. « Les personnes ont un choix, mais selon leurs moyens, elles ne peuvent pas toujours choisir la méthode qu’elles aimeraient et qui leur conviendrait le mieux. »
« Peut-être que ça coûte moins cher d’acheter une boîte de condom, mais à la fin des trois ans, ça revient plus cher », précise Mme Rodrigue. Elle rappelle que les condoms sont néanmoins un moyen préconisé pour lutter contre la transmission de maladies transmises sexuellement.
« Ne pas avoir les moyens, ça coûte souvent plus cher à la longue », explique-t-elle.
Mme Rodrigue rappelle aussi la multiplicité des barrières qui existent dans l’ensemble du système de santé au Québec et qui rendent compliqué l’accès à des soins, à des ordonnances, à des consultations et à des suivis, même pour ceux qui ont accès au régime d’assurance maladie.
Une question d’égalité des genres
« Il y a un coût supplémentaire [qui retombe] sur les femmes et les personnes pouvant être enceintes, et souvent ce n’est pas une charge financière qui est partagée lorsqu’on est en couple », souligne Mme Rodrigue. « Ça peut revenir très cher dans une vie. »
« Pour nous, ce serait important que [la gratuité de la contraception] ne concerne pas juste la contraception prescrite, mais vraiment tous les moyens de contraception », soutient-elle. « Si les condoms sont couverts, ça veut dire que les hommes aussi vont avoir accès à des choix contraceptifs […] et pourront partager la charge aussi. »
Pouvoir accéder à des moyens de contraceptions gratuitement et de manière confidentielle peut également permettre à des personnes qui vivent des violences conjugales de regagner un certain contrôle sur leurs corps.
« Une contraception gratuite pourrait être très protectrice », signale Mme Rodrigue. « On le voit, on l’entend : parfois les femmes ne peuvent pas faire le plein choix de leur méthode de contraception parce que leurs partenaires font de la coercition. » Or, « si c’était gratuit, le partenaire ne serait pas mis au courant, la personne pourrait prendre soin d’elle, comme elle le souhaite ».