La CAQ et le logement : couper et laisser moisir

CHRONIQUE | Le gouvernement Legault ne cesse de décevoir dans le dossier de l’habitation. À se demander s’il n’a pas une dent contre les locataires et les personnes à faible revenu.

Manquements aux promesses de construction de logements sociaux, élimination du programme AccèsLogis, diminution des budgets d’entretien et de rénovation des logements existants : le gouvernement de François Legault ne cesse de décevoir dans le dossier de l’habitation.

Pourtant, les problèmes sont connus depuis longtemps et les organismes défendant l’accès au logement n’ont pas péché par excès de mutisme ces dernières années.

Bien sûr, les problèmes remontent bien avant l’arrivée au pouvoir de François Legault en 2018 – notamment la fin de l’indexation à l’inflation du budget du programme de logements sociaux par le gouvernement Charest en 2009. Néanmoins, devant la crise actuelle, c’est le pouvoir en place qui doit au moins tenter de corriger le tir, ce qui n’est pas le cas.

Difficile de croire qu’un gouvernement qui a passé l’essentiel des dernières années à nier l’existence de la crise du logement et dont les député·es ont cru bon de se filmer dans leurs luxueuses demeures (piano à queue à la clé) pendant les confinements ait une sensibilité aigüe à l’égard des gens qui peinent à trouver un toit.

On pourrait même se demander si cette incurie ne découle pas d’un préjugé à l’endroit des locataires et des personnes à faible revenu.

Abordable n’est pas social

Sous prétexte d’un allégement des procédures bureaucratiques, le gouvernement Legault a carrément mis fin au programme voué à la construction des logements sociaux, AccèsLogis. La plupart des intervenant·es du monde municipal et communautaire jugent qu’il s’agit d’un geste excessif qui aurait pu être évité en révisant les procédures en place. Alors, pourquoi frapper si fort?

La réponse se trouve peut-être du côté du remplaçant, le Programme d’habitation abordable Québec (PHAQ). Comme son nom l’indique, il vise à subventionner (de manière partielle) la construction de logements « abordables ». Or, cette notion plutôt fumeuse d’abordabilité désigne essentiellement des logements, locatifs ou en copropriété, dont le coût est inférieur au prix moyen du marché : essentiellement, l’État paie la différence entre le prix assumé par les résidents et le prix de marché visé par le constructeur, qui peut donc se remplir les poches en bonne conscience.

De plus, à terme, un logement « abordable » peut être retourné au prix « normal » du marché, alimentant la tendance haussière des prix.

Le gouvernement Legault fait un cadeau à l’industrie immobilière en sacrifiant au passage les plus démuni·es.

De son côté, le logement social est non seulement réellement et durablement abordable, mais il peut être subventionné pour que les locataires n’aient à débourser qu’un certain pourcentage de leur revenu pour y habiter, peu importe la valeur de marché. Avec pour effet de permettre aux plus démuni·es de se loger à un prix décent.

Or, le PHAQ ne contient aucune obligation de logements ainsi subventionnés, contrairement à AccèsLogis, qui exigeait qu’un minimum de 50 % des logements soit réservé aux personnes à faible revenu.

En remplaçant AccèsLogis par le PHAQ, le gouvernement Legault fait essentiellement un cadeau à l’industrie immobilière, déguisé en mesure sociale, en sacrifiant au passage les plus démuni·es.

Laisser moisir

La situation ne serait pas si critique si, au moins, le parc existant de logements sociaux était entretenu de manière convenable. Malheureusement, là aussi les choses ne tournent pas rond.

On apprenait l’an dernier que ce sont 40 % des 65 000 logements sociaux au Québec qui sont en « mauvais » ou « très mauvais » état, risquant par le fait même d’être condamnés. Ce chiffre a explosé ces dernières années : il a gonflé de 39 % entre 2020 et 2022 seulement.

La CAQ n’a laissé que des miettes pour l’entretien des logements sociaux.

À l’inverse, les sommes prévues par le gouvernement pour l’entretien et la rénovation de ces logements ont fondu sous la gouverne de François Legault. Entre 2015 et 2019, la moyenne annuelle était d’environ 350 millions $. Aujourd’hui, il s’agit plutôt de 280 millions $ (une baisse d’environ 34 % en dollars constants). Sans parler de l’inflation galopante dans le domaine de la construction.

Pour le dire simplement, la CAQ n’a laissé que des miettes pour l’entretien des logements sociaux. On rénove moins et moins vite, alors que chaque année qui passe rend les travaux plus coûteux : c’est un cercle vicieux.

La situation bien réelle est pourtant alarmante : pourriture, moisissures, problèmes de ventilation et d’isolation empêchent désormais des gens de bénéficier de ces logements construits par la collectivité. Tout cela dans un contexte de pénurie.

Le budget du 21 mars nous dira si le gouvernement prend les choses au sérieux. Si, pour lui, le droit au logement de l’ensemble de la population pèse davantage que les baisses d’impôts pour les gens qui ont déjà un toit au-dessus leur tête.

Auteur·e

Ce site web utilise des cookies pour vous offrir une expérience utilisateur optimale. En continuant à utiliser ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies conformément à notre politique de confidentialité.

Retour en haut