Les interpellations policières : un trou juridique dangereux

Un organisme demande d’interdire les interpellations policières, alors qu’elles ne sont pas autorisées au Québec. Comment ça se fait?

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La Ligue des droits et libertés (LDL) lance une campagne sur la nécessité d’interdire les interpellations policières, dans une déclaration soutenue par plus de 20 organisations.

Qu’est-ce que c’est, une « interpellation »? C’est « une tentative par un policier d’obtenir l’identité d’une personne et de recueillir des informations, alors que la personne n’a aucune obligation légale de s’identifier, ni de répondre aux questions », explique la LDL.

On parle d’interpellation quand on n’est pas en contexte d’arrestation, d’enquête ou de remise d’une amende, par exemple. Ces situations sont strictement encadrées et doivent se baser sur des soupçons sérieux qu’il y a une infraction. Mais ce n’est pas le cas pour les interpellations.

« L’interpellation, c’est une pratique arbitraire qui viole les droits et libertés de toute personne interpellée. On parle du droit à la liberté, du droit à la vie privée et à l’anonymat et du droit à la protection contre les détentions arbitraires », explique la porte-parole de la LDL, Lynda Khelil.

Elle explique aussi que certaines communautés sont « sur-interpellées », dont les personnes racisées, les personnes autochtones, les personnes en situation d’itinérance et les travailleuses du sexe.

Actuellement, les interpellations ne sont pas admises, mais pas interdites non plus : ce trou juridique n’empêche en rien la police d’exercer ce pouvoir. « Les policiers, en fait, n’ont pas le pouvoir au Québec de faire des interpellations, ni par la loi ni par la common law », dit Mme Khelil.

Encadrer ou interdire?

Même si la Sûreté du Québec et la police de Montréal encadrent cette pratique depuis 2020, la LDL juge que c’est un problème qui persiste et que son interdiction est la seule solution.

Selon le SPVM, une interpellation doit être « fondée obligatoirement sur des faits observables et sans motif discriminatoire ».

« Ils ont émis des balises et donc maintenant “tout va bien” », lance Lynda Khelil. « La pratique est arbitraire, elle est attentatoire aux droits et elle est source de profilage : on ne peut pas encadrer une pratique qui viole les droits, qui est porteuse de profilage et dont la nécessité n’a jamais été démontrée non plus par les autorités. »

Les interpellations ont été interdites en Nouvelle-Écosse en 2019, ce qui montre que cela est possible, rappelle la LDL.