Dans la foulée de l’annonce du plan du ministre de l’Éducation du Québec, le comité éducation du Conseil central du Montréal métropolitain – CSN (CCMM-CSN) souhaite rappeler quelques principes essentiels qui devraient guider l’ensemble des décisions prises au sujet du réseau d’éducation québécois.
Investissement personnel ou préparation à la vie en société?
Depuis plusieurs décennies, l’idéologie néolibérale progresse, au point où elle détermine largement les orientations politiques de nos sociétés. « There is no such thing as society », disait Margaret Thatcher, que des individus isolés voyant chacun à son propre intérêt personnel. Le collectif n’existe pas. Appliquée à l’éducation, cette idée entraîne la conviction que les études sont pour les individus un investissement en eux-mêmes et en leur propre avenir, dans un milieu compétitif où les « meilleurs » « réussissent ».
Ce point de vue oblitère ce qui, selon nous, devrait être à la base de tout parcours scolaire : éducation à la citoyenneté et développement de la conscience sociale, ouverture à la diversité (culturelle, sexuelle, etc.) et aux différentes réalités socio-économiques, compréhension de soi et de l’autre, développement de la pensée critique, etc.
En ce sens, la réussite éducative dépasse largement la réussite scolaire, pour inclure entre autres la préparation à la vie en société, l’intégration de valeurs favorisant le vivre-ensemble et la compréhension mutuelle. Ces objectifs sociaux de l’école nous apparaissent aussi importants que la maîtrise des contenus de cours.
Comprise de cette manière, l’éducation pose les bases d’une société égalitaire et inclusive.
Les bienfaits de la mixité
Pour atteindre ces objectifs, l’école doit être un lieu de rencontre et d’échange entre des personnes d’origines, de conditions socioéconomiques et de capacités variées, ce qu’on appelle la mixité scolaire.
Plusieurs recherches en démontrent les bienfaits. En plus de contribuer à réduire les inégalités entre le primaire et le secondaire, la mixité des classes aiderait les élèves plus faibles sans nuire aux résultats des plus forts. Il ressort même que les résultats des élèves de classes homogènes, donc non mixtes, seraient significativement plus faibles que dans des classes où une plus grande mixité est présente.
Assurer une plus grande inclusion de tous les types d’élèves est non seulement équitable, mais avantageux!
Les dernières décennies ont vu le réseau des écoles privées subventionnées gagner en popularité. Le secteur public, coincé dans cette logique marchande et concurrentielle, a tenté de « s’adapter » en offrant à son tour des projets particuliers, avec l’objectif fort louable de motiver les élèves et créer un sentiment d’appartenance des élèves à leur institution.
Or, en procédant à une sélection des élèves sur la base des résultats scolaires et des moyens financiers des parents, ces programmes contribuent largement à miner la mixité scolaire. Il y a par ailleurs beaucoup moins de projets particuliers dans les milieux socio-économiquement défavorisés, alors qu’on y retrouve les élèves qui en auraient le plus besoin.
N’en déplaise au ministre Drainville, l’école à trois vitesses et la ségrégation scolaire existent. Le Conseil supérieur de l’éducation a sonné l’alarme en 2014 en soulignant que si le Québec poursuivait dans cette voie, « notre système scolaire, de plus en plus ségrégé, court le risque d’atteindre un point de bascule et de reculer sur l’équité ».
Il nous faut rétablir la confiance envers le réseau public et rebâtir un système éducatif inclusif, qui favorise la motivation et la réussite éducative de toutes et tous. Pour y parvenir, les ressources doivent être employées de la manière la plus susceptible de favoriser l’épanouissement de toutes les personnes qui y évoluent.
C’est une question de justice sociale.
Signataires
Nancy Turgeon, responsable du comité éducation du CCMM–CSN
Bertrand Guibord, secrétaire général, responsable politique éducation, CCMM–CSN
Membres du comité éducation du CCMM–CSN
Patrick Bertrand
Katerine Deslauriers
Claudine Léveillé
Ann Comtois
Alain-Guy Côté
Godefroy Borduas
Rachel Demers
Nadine Joseph