Le travail des enfants et des ados aux dépens des études

De plus en plus d’enfants intègrent le marché du travail de façon précoce, au détriment de leur santé et leur éducation, selon des organismes qui visent la persévérance scolaire.

Les enfants sont de plus en plus nombreux à travailler, et ce, de plus en plus tôt, ce qui peut avoir un impact sur leur réussite scolaire et leur santé, déplore Réseau réussite Montréal. Bien qu’un nouveau cadre légal soit prévu afin d’interdire le travail avant 14 ans, l’organisme soutient que cela ne suffira pas à répondre à cet enjeu.

Avec la remontée de la demande de main-d’œuvre, les enfants et les adolescent·es sont de plus en plus nombreux·euses sur le marché du travail. Les écoles signalent également de plus en plus d’absences motivées pour cause de remplacement au travail, et ce dès le secondaire un, rapporte Réseau réussite Montréal.

« Tous les intervenants communautaires qui travaillent avec les jeunes […] nous disent qu’ils reçoivent des jeunes de onze, douze ans qui veulent faire leur CV. On n’avait pas ça avant », signale Andrée Mayer-Périard, directrice de l’organisme Réseau réussite Montréal, qui s’inquiète de l’impact de cette tendance sur la réussite scolaire.

Si le Réseau soutient que le travail, dans de bonnes conditions, pour un nombre d’heures limité, peut être bénéfique, il ne devrait en aucun cas concerner les jeunes qui ont moins de 14 ans.

« Comme société, on a certainement d’autres expériences que le travail à offrir aux jeunes de onze, douze, treize, quatorze ans », pose Mme Mayer-Périard. 

Elle souligne qu’à cet âge, les enfants vivent une période de changements importants, marquée par la transition vers l’adolescence et l’arrivée à l’école secondaire. « C’est important de leur donner un moment qui est protégé, pour qu’ils puissent se développer, socialiser, découvrir des passions. »

Même sans emploi, un·e ou une élève est déjà occupé·e 35 heures par semaine à l’école, sans compter le temps nécessaire pour compléter les devoirs et s’adonner à un sport ou une activité parascolaire.

« La priorité d’un élève devrait être d’étudier », rappelle Mme Mayer-Périard. « On devrait tout mettre en place autour de lui pour lui offrir les conditions pour réussir son parcours scolaire. »

« Le travail est très valorisé dans notre société, c’est correct, mais il faut se rappeler que l’éducation est une priorité. »

Un travail peu payant, mais risqué

Les enfants et les jeunes occupent majoritairement des postes qui présentent un haut taux de roulement, une rémunération faible et peu ou pas de protection sociale.

En plus d’avoir un impact sur la réussite scolaire, leur travail peut comporter des risques accrus pour la santé mentale ou d’accident de travail. Il pourrait aussi avoir des conséquences négatives sur le sommeil et sur la consommation de substances.

Les risques pour certains jeunes sont accrus lorsque le cap des dix heures de travail par semaine est dépassé. Ils sont encore plus importants après quinze heures et carrément nuisibles pour tou·tes au-delà de 20 heures.

« La priorité d’un élève devrait être d’étudier. On devrait tout mettre en place autour de lui pour lui offrir les conditions pour réussir son parcours scolaire. »

Andrée Mayer-Périard, directrice de Réseau réussite Montréal

« Ceux qui retirent le moins de bénéfices du travail et qui cumulent le plus de facteurs de risques sont souvent des jeunes issu·es des quartiers plus défavorisés », ajoute Mme Mayer-Périard. Ils et elles sont susceptibles de travailler un plus grand nombre d’heures, selon le Réseau, dans une grande partie des cas afin de soutenir leurs familles.

Cadre légal sous pression

Pour répondre à l’arrivée de plus en plus précoce d’enfants sur le marché du travail, le ministre du Travail, Jean Boulet, prépare un projet de loi qui interdirait leur embauche avant l’âge de 14 ans.

« La loi doit être claire et simple », exige Mme Mayer-Périard qui a fait partie du Comité consultatif. « Il faut que ce soit clair pour le jeune, clair pour l’employeur, clair pour le parent. »

Elle défend l’interdiction du travail pour les moins de 14 ans. Pour les plus vieux, des balises limitant le nombre d’heures doivent également être prévues, soutient le Réseau.

Plus tôt ce mois-ci, Québec solidaire avait signalé l’influence exercée par des lobbyistes qui désirent obtenir des exemptions à la loi, notamment afin que les limites d’âge ne s’appliquent pas au domaine de la restauration, où la demande de main-d’œuvre est particulièrement forte.

« On ne peut pas sortir les jeunes des bancs d’école pour occuper un job dans un restaurant. On ne peut pas mettre à risque [leur capacité à] persévérer et obtenir leur diplôme pour un emploi. »

Andrée Mayer-Périard, directrice de Réseau réussite Montréal

L’Association des restaurateurs du Québec s’oppose ouvertement à l’imposition d’un âge minimum, mais affirme être en faveur d’un encadrement qui limiterait le nombre d’heures pour les employé·es qui n’ont pas encore 14 ans. 

« On ne nie pas qu’il y a des gros enjeux de pénurie de main-d’œuvre […] mais ce qu’on dit, c’est que les enfants de 11 à 14 ans ne sont pas la solution. On ne peut pas sortir les jeunes des bancs d’école pour occuper un job dans un restaurant. On ne peut pas mettre à risque [leur capacité à] persévérer et obtenir leur diplôme pour un emploi. »

Elle prévient aussi que la loi ne suffira pas à empêcher le travail des jeunes. Elle souligne par exemple que l’absentéisme à l’école pour des remplacements au travail est courant, bien qu’il va à l’encontre de la loi actuelle.

« Il faut accompagner les jeunes et les parents pour les aider à comprendre l’importance de ces encadrements et pourquoi ils sont en place », explique-t-elle. « C’est un peu de nouvelles normes sociales qu’on cherche à établir et il va falloir de bonnes campagnes de sensibilisation. »

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