
Comment l’extrême droite utilise le drame de Laval
Les figures de l’extrême droite et du complotisme sont très habiles à utiliser les évènements tels que le drame de Laval pour capter l’attention de leurs adeptes.
Les influenceur·euses de l’extrême droite et des mouvements complotistes québécois se sont saisis du drame de Laval, qui a rapidement été intégré à leurs discours sur la corruption des élites et de la société. Une tactique qui les sert bien, même si elle génère l’indignation de la majorité.
L’autobus du Service de transport de Laval venait à peine de percuter la garderie que les figures de proue du complotisme et de l’extrême droite québécoise s’activaient sur les réseaux sociaux.
Si certain·es attribuaient les agissements du chauffeur à son statut vaccinal ou même aux effets de la 5 G, d’autres ont plutôt mis l’accent sur ses origines présumées, voyant en lui un migrant récemment arrivé par le chemin Roxham.


D’autres, encore, ont tout simplement profité de l’occasion pour affirmer qu’« un jour ce sera un islamiste » qui commettra pire.

Ce comportement d’appropriation serait typique des mouvements complotistes et de droite radicale, selon le directeur du Centre d’expertise et de formation sur les intégrismes religieux, les idéologies politiques et la radicalisation (CEFIR), Martin Geoffroy. « Ils ont déjà des discours tout prêts pour ce type d’évènement et plus l’évènement est traumatisant, plus il génère une capacité de mobilisation », explique-t-il.
Une occasion idéologique… et financière
Ces mouvements utilisent donc les accidents ou les actes individuels comme ceux qui se sont passés à Laval pour tenter de passer leurs messages politiques, poursuit Martin Geoffroy.
« Ils vont argumenter que si quelqu’un peut foncer dans une garderie, c’est en raison de l’éclatement de la famille traditionnelle, que la seule place sécuritaire pour les enfants est à la maison et celle des femmes aussi », illustre-t-il.
La sécurité des enfants est d’ailleurs une thématique récurrente chez les adeptes de l’extrême droite et des théories du complot, remarque le chercheur. « Les enfants, c’est universel, tout le monde ou presque aime les enfants, alors c’est un moyen que la plupart des réseaux d’extrême droite ont trouvé pour mobiliser les gens qui ne le serait peut-être pas autrement. Ça va les chercher au plus profond de leurs convictions », souligne-t-il.
Ils vont également utiliser les origines réelles ou présumées des personnes impliquées, quitte à les inventer, pour semer la méfiance envers les migrants et sommer leurs partisans de les aider à combattre cette menace.
« Ils ont déjà des discours tout prêts pour ce type d’évènement et plus l’évènement est traumatisant, plus il génère une capacité de mobilisation. »
Martin Geoffroy, CÉFIR
Bien que ces discours peuvent sembler « tirés par les cheveux » pour la plupart d’entre nous, et même susciter de l’aversion et de la colère envers leurs auteurs, il ne faut pas sous-estimer l’effet qu’ils ont sur celles et ceux qui sont déjà convaincu·es, prévient le chercheur.
« Lorsqu’ils tiennent ce genre de discours, ce n’est pas pour le grand public, c’est pour leur public. Au fond, les influenceurs complotistes d’extrême droite s’adressent à ceux qui paient leur Patreon [plateforme de financement participatif], pour les convaincre qu’il faut de toute urgence leur envoyer de l’argent sinon d’autres personnes vont foncer dans des CPE », conclut-il.